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388. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Ledru-Rollin, craignant avec raison qu’ils ne fussent massacrés par le peuple en allant à Vincennes, eut l’heureuse pensée de les garder jusqu’à la nuit à l’Hôtel de ville. […] Sa sœur survit heureuse et recueillie dans des œuvres de charité au couvent de..., près de Paris, d’où elle m’écrit quand quelque infortune lui rappelle mon nom. […] Il me dit que la poésie rendait égaux tous les hommes et qu’il serait heureux de mon amitié. […] J’étais heureux de ma résidence à Naples.

389. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Un peu de calme ayant succédé à tant d’orages, le poëte en profita pour se livrer à son goût pour les lettres et aux charmes d’un amour heureux. […] Aussi coupable et moins heureux que Coriolan, il courait de l’armée des mécontents aux camps de l’empereur, passant sa vie à faire des tentatives infructueuses et témoin de toutes les humiliations des impériaux. […] Observons encore ici qu’une spirale et des cercles sont une de ces idées simples, avec lesquelles on obtient aisément une éternité : l’imagination n’y perd jamais de vue les coupables et s’y effraye davantage de l’uniformité de chaque supplice : un local varié et des théâtres différents auraient été une invention moins heureuse. […] Dante n’a pas donné le nom de comédie aux trois grandes parties de son poëme, parce qu’il finit d’une manière heureuse, ayant le Paradis pour dénouement, ainsi que l’ont cru les commentateurs : mais parce qu’ayant honoré l’Énéide du nom d’ alta tragedia , il a voulu prendre un titre plus humble, qui convînt mieux au style qu’il emploie, si différent en effet de celui de son maître.

390. (1887) La banqueroute du naturalisme

Zola sont orduriers ou blasphématoires, et la seconde que nos vaudevillistes, assez contens de nous avoir fait rire, n’ont pas cru qu’ils écrivaient, dans Le plus heureux des trois ou dans le Chapeau de paille d’Italie : « L’histoire naturelle et sociale » de leur temps. […] Mais, en revanche, aussi, quelle heureuse définition de M.  […] Zola, de ses exemples, de ce qu’il prétendait lui-même nous faire admirer dans ses romans, nous avions toutefois espéré d’autres suites et de plus heureux résultats des combats qu’il a livrés. […] C’est ce que je souhaite à mes contemporains, aisément consolé à ce prix de la banqueroute du naturalisme, ou plutôt, et naturaliste moi-même, trop heureux alors de la catastrophe, puisque, indépendamment de beaucoup d’autres choses, s’il en est une dont manquent surtout les romans de M. 

391. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

et combien aux années heureuses et innocentes, avant la politique, il lui a été donné de verser de semblables chants dans les âmes souffrantes, lui, le grand consolateur à qui il doit être tant pardonné ! […] Je m’estimerais bien heureux de joindre le plaisir de vous connaître à celui de vous admirer et de vous remercier. […] Les organisations trop heureuses sont sujettes à pousser tout en bois et en feuillage.

392. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Paul Hervieu est un écrivain heureux, et qui mérite de l’être. […] Jules Renard n’est pas moins heureux dans le choix de ses légendes que dans leur vision et leur exécution. […] Ce donc que j’entends par l’heureux choix de ses sujets n’est pas le bonheur des anecdotes, dont les Charivaris et les Tam-Tam de 1860 ou les Fliegende Blätter d’aujourd’hui servent aux confrères pauvres de mine inépuisable ; non, c’est l’ingénieuse façon de voir, sa compréhension personnelle de tout fait-divers.

393. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Le voici : c’est d’abord quand ils offrent des idées heureuses ou neuves ; c’est en second lieu quand l’expression est propre et juste sans être commune. C’est là le grand mérite de Racine, la cause du charme qu’on éprouve en le lisant ; il a fort enrichi la langue, non par des expressions nouvelles, qu’il faut toujours hasarder très sobrement, mais par l’art heureux avec lequel il sait réunir ensemble des expressions connues, pour donner à son vers ou plus de force ou plus de grâce ; par la finesse avec laquelle il sait relever une expression commune, en y joignant une expression noble ; enfin par la simplicité unie partout à la noblesse, à la facilité et à l’harmonie. […] Ces efforts leur font chercher, et trouver quand ils ont du génie, les expressions les plus justes et les tours les plus heureux dont leur langue soit susceptible.

394. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Marier sa fille et la marier bien, l’élever, de longue main, en vue de ce grand fait du mariage qu’il croit la destinée la plus sublime de la femme, ce notable embarras qui a tant fait gauloiser l’esprit français, cette vieille difficulté que les moralistes de l’ancien temps, les moralistes anti-rêveurs, croyaient éternelle, — comme, du reste, ici-bas, toutes les manières d’être heureux, — Alexandre Weill a cru qu’il pourrait, en s’y prenant bien, la diminuer, ou complètement s’en rendre maître. […] « Tu ne sais pas ce que c’est qu’une femme, ma fille, — dit Weill, — et il faut qu’avant de te marier tu apprennes ce que c’est qu’un homme (sic), et de nécessité il faut que tu le saches pour te marier et être heureuse par le mariage. » Tel est exactement le préambule de Weill. […] Ce qui importe, et ce qui nous attriste dans ce livre, c’est la méconnaissance profonde de tout ce qui est religieux, — de tout ce qui est plus pratique et plus puissant que de la physiologie et de l’idéal pour faire des filles fidèles et heureuses ; car elles seraient résignées, le seul bonheur qu’on puisse se créer ici-bas !

395. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Elle l’a rendu heureux. Elle ne l’a point traité comme un de ses patiti inféconds qu’elle traîne quelquefois après elle, et cependant il n’a pas eu la fatuité de son bonheur, car la fatuité des savants heureux, c’est la lourdeur… une lourdeur gourmée, épatée, infinie. […] Moins heureux que le renard de la fable, il n’a pas trouvé d’échine de bouc pour s’aider à sortir du puits dans lequel il était descendu et qui n’est pas le puits de la vérité.

396. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Est-on heureux ? […] Il n’y a pas longtemps, nous avons eu une vie d’André Chénier par un monsieur de Chénier, heureux de l’être (je le conçois !) […] Alfred de Musset, cet amoureux immortel de femmes mortes maintenant, heureux par toutes, malheureux par une seule, a fini par mourir de celle-là… mais il a vécu par les autres, et vous n’empêcherez jamais l’imagination humaine, éprise de ses poètes, de s’intéresser à toutes celles qui ont doublé, par le bonheur qu’elles lui ont donné, les facultés du poète qu’elle a peut-être aimé le plus, et d’en désirer obstinément l’histoire.

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