Un seul caractère s’y dessine à peu près, celui de l’auteur lui-même ; Andrea Sperelli, Tullio Hermil, et les autres « héros », c’est toujours D’Annunzio, un D’Annunzio grandi et déformé par une vanité sans bornes ; les autres personnages, et surtout les femmes, ne sont plus que des ombres, ou des esclaves torturés par leur vainqueur. […] Voyez plutôt comme tout se tient : quand les actes sont séparés par un certain laps de temps, et que l’action se déroule, forcément, dans des milieux divers, on ne saurait passer d’un acte à l’autre comme on passe, dans un roman, d’un chapitre à l’autre, en tournant une page ; il faut laisser aux machinistes le temps de remplacer un intérieur parisien par une plage de la côte d’Azur ; il faut permettre à l’héroïne de changer de toilette et de coiffure, et au héros de se vieillir un peu.
D’autres périls plus naturels l’attendaient, auxquels n’échappent guère ces fières héroïnes, et qu’elles recherchent peut-être en secret sous tout ce bruit. […] Son souvenir, agité et traduit en tous sens, était resté si présent, qu’en 1790 un des bataillons de la garde nationale de Lyon, celui du quartier qu’elle habita et de la rue Belle-Cordière, s’avisa d’arborer aussi son nom et son image sur son drapeau : on la transforma même alors, pour plus d’à-propos, en une héroïne de la liberté ; on lui mit la pique à la main, et l’on surmonta le tout du chapeau de Guillaume Tell, avec cette devise : Tu prédis nos destins, Charly, belle Cordière, Car pour briser nos fers tu volas la première.
Il faut faire mourir en toute vraisemblance son héros, tandis qu’il vit demi-guéri quelque part, à Bade ou à Genève. […] Vous n’êtes point captive dans les liens de la mort, comme tout ce qui n’a eu que le domaine du mal pour régner ou pour servir. » Et elle finit en montrant la Croix laissée dans ces lieux comme un autel magnifique qui doit tout rallier, et qui dira : « Ici fut adoré Jésus-Christ par le héros et l’armée chère à son cœur : ici les peuples de l’Aquilon demandèrent le bonheur de la France. » Ces pages expriment clairement en quel sens Mme de Krüdner concevait et conseillait la sainte-alliance ; mais ce qui était son rêve, ce qui fut un moment celui d’Alexandre, se déconcerta bientôt, et s’évanouit en présence des intérêts contraires et des ambitions positives, qui eurent bon marché de ces nobles chimères.
Dans les larges cadres de la destinée que la Providence a faite au monde, il y a place pour la vertu et la folie des hommes, pour le dévouement des héros et l’égoïsme des lâches. » C’était dans sa chambre de la rue du Four-Saint-Honoré, à l’ouverture d’un des cours particuliers auxquels le confinait l’interdiction universitaire, que M. […] Le héros, l’amant, flotterait de la passion à la philosophie, et on le suivrait pas à pas dans ses défaillances touchantes et dans ses reprises généreuses.
Il suffit de l’avoir vu à pied dans les steppes, la bride de son cheval passée autour du bras, promener pendant des journées entières le regard de ses larges yeux bleus sur l’horizon des monts Crapacks tacheté de pins noirs et de neiges roses, pour reconnaître à la charpente haute et solide du corps, à la dimension du front, au vague pensif du regard, à l’ovale effilé de la tête, à la gravité des lèvres, à l’attitude à la fois virile et un peu inclinée par la féodalité des membres, la consanguinité évidente des Huns et des Francs-Comtois : Deux races nobles, deux filiations du Caucase, deux peuples à héros dans les ancêtres, deux civilisations disciplinées où la fierté et l’obéissance s’accordent sur un visage pastoral, guerrier et poétique. […] XL Est-ce que Cervantès ne fut pas le satiriste de ces chevaliers de l’enthousiasme, de l’amour platonique et de la dévotion dans un livre, épopée du ridicule, qui amusa la malignité de son siècle aux dépens de ces excès de vertu et d’engouement des héros, des poètes contemplatifs, luxe risible du cœur humain sans doute, mais luxe qui prouvait sa richesse ?
Chateaubriand comprit qu’il fallait changer de parti quand la fortune changeait de héros. […] — C’est, répondit-elle, parce que M. de Chateaubriand est mon ami, et que M. de Lamartine est mon héros. » Ce mot est trop flatteur pour que je l’aie oublié, jailli d’une telle bouche, à une époque surtout où la fortune ne paraissait me préparer aucun rôle héroïque ; mais les femmes ont plus que nous dans leur cœur la prophétie de nos destinées.
Alors, le cœur révolté contre l’Être, mais les yeux pleins du prestige de ses formes ; indigné des monstruosités de l’histoire, mais désarmé par l’intérêt de son mécanisme et ébloui par la richesse de ses décors ; soulevé contre le spectre des religions, mais apaisé par l’idée qu’un jour peut-être elles auront vécu ; conspuant l’humanité et l’adorant à la fois, il alla prendre pour héros l’antique rebelle, le premier après Lucifer qui ait crié : Non serviam ! […] Tandis qu’il songe le monde, tandis qu’il nous ravit par la grâce des mille vierges qui se baignent à ses pieds parmi les lotus et qu’il nous épouvante par le grincement des dents du géant pourpre qui à sa gauche broie et dévore l’univers ; tandis que sa seule inertie est la source de l’Être, qu’il s’incarne dans les héros, que les sages rentrent dans son sein par l’inaction lui se demande tranquillement s’il ne serait pas le Néant.
Le suicide était la conséquence nécessaire de l’élévation relative que Goethe a donnée à son héros, et de l’impossibilité où il était de lui donner une élévation plus grande. […] Cependant, pour ne pas mourir avec son héros, Goethe se fait une résolution : il sera artiste avant tout.
On est trop tenté de se croire innocent des révolutions, parce qu’on en hait vigoureusement les héros. […] Les révolutions de l’esprit, les changements du goût, les chefs-d’œuvre en sont les événements ; les écrivains en sont les héros.