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470. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Son père, trésorier de l’extraordinaire des guerres, était natif de Montpellier, et sa famille paternelle était toute du Midi, de Montpellier, de Castres ou d’Albi, assez ancienne et tenant à la noblesse. […] Dorat badinait sur tout cela et faisait sa petite guerre à La Harpe. […] Aussi le vit-on bientôt s’y exercer lui-même par un drame intitulé La Guerre d’Alsace (1780), et en tête duquel il invoquait comme autorités et comme précédents les tragédies historiques de Shakespeare, les tragédies politiques de Bodmer, et surtout le Goetz de Berlichingen de Goethe.

471. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Quelqu’un d’habile me le fait remarquer : sur ces champs de bataille de l’éloquence, ce n’est pas comme à la guerre où l’on détruit l’ennemi en le vainquant : ici on l’écarte seulement, on le déconcerte, on l’intimide ; il revient le lendemain à la charge, comme si de rien n’était. C’est une magnifique guerre de guérillas où l’on ne tue personne. On cite une grande bataille en Espagne (au temps des guerres civiles), et qui même illustra l’un des généraux de ce pays, dans laquelle il n’y eut qu’un homme tué : dans les victoires de tribune, il n’y a pas même cet homme tué.

472. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Mais enfin M. de Pontmartin est meilleur juge de sa situation que nous ; il en dit trop pour qu’il n’y ait pas du vrai dans ses doléances, et il se présente dans tout son livre comme si mécontent, si battu de l’oiseau, si en guerre non seulement avec nous autres gens de lettres, mais avec les personnes de sa famille, avec les nobles cousines qui ont hérité d’un oncle riche à son détriment, avec les amis politiques qui lui ont refusé un billet d’Académie pour une séance publique très-recherchée, avec ses paysans mêmes et les gens de sa commune qui ont traversé indûment son parc et à qui il reproche jusqu’aux fêtes et galas qu’il leur a donnés, qu’il est impossible de ne pas voir dans tout cela une disposition morale existante et bien réelle, celle de l’homme vexé, dépité. […] Son erreur a été de sophistiquer ce qu’il aurait pu faire tout simplement…, de traiter la littérature comme une mauvaise guerre où il faudrait constamment avoir un fleuret à la main et un stylet sous son habit. […] Ce sont des camarades de guerre qui servent dans des armes différentes et plus légères ; de ce qu’on fait chacun de son côté ce que l’autre ne ferait pas, est-ce une raison pour se détester ?

473. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Prenez les guerres de religion en France, en Angleterre, en Allemagne, vous y trouverez de ces changements intéressés, en aussi grand nombre et par d’aussi petits motifs. […] Qui n’a lu ses admirables Précis des campagnes de Turenne, de Frédéric, de César, suivis d’observations détaillées, — tout l’art et la science de la guerre résumés en quelques pages concises, et ramenés à des principes fixes, supérieurs, qu’il n’appartient pourtant qu’au génie ou au talent de savoir, à des degrés divers, mettre en pratique et appliquer ? […] Que cela vous plaise ou non, que cela étonne et désoriente plus ou moins les lettrés dans leurs habitudes, il faut, de nos jours, s’accoutumer à suivre dans leur détail les opérations de guerre ; c’est d’une nécessité absolue pour s’intéresser à toute une branche de l’histoire.

474. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Cela est-il bien conforme au caractère présumé des chefs signalés par Polybe et au génie de ces guerres violentes ? […] Les opérations de la guerre commencent. […] La guerre, cependant, s’acharne et continue.

475. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Il avait publié, dès avril 1838, dans la Revue des Deux Mondes un grand morceau de son travail, qui comprenait l’histoire politique des Cours de l’Europe, depuis la paix de Vienne (1809) jusqu’à la guerre de Russie (1812) ; il s’était hâté de détacher ce travail pour ne pas se laisser devancer par M.  […] Thiers qui, dans ses développements étendus et lucides, non-seulement riche des documents des Affaires étrangères, mais muni de la lecture des lettres mêmes de Napoléon, se portait en conquérant dans ce vaste sujet, y traitant tour à tour et indifféremment de l’administration, de la diplomatie, de la guerre, et promenant sur tous les points une intelligence ondoyante et diverse qui ne se laissait point gêner ni retarder par une trop grande exigence d’unité logique. […] Thiers approchait de l’année 1813 et y atteignait, il donna dans la Revue des Deux Mondes deux morceaux achevés sur le soulèvement de l’Allemagne après la guerre de Russie et sur le Congrès de Prague.

476. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Publiciste et poète, la courte vie de Loyson, si amoindrie encore par la maladie, fut partagée entre ces deux vocations opposées ; il a vivement exprimé cette gênante contrariété de goûts et d’occupations dans son Épitre à M. de Biran ; Quelle étoile sinistre, à me nuire obstinée, En guerre avec mes goûts a mis ma destinée !… D’une part l’amour des champs, le rêve à la Tibulle, le vœu d’Horace ; de l’autre, la guerre aux brouillons, aux charlatans, aux faux esprits, aux exagérés et aux violents. […] Loyson, comme la plupart de ses camarades de l’École normale, était sous l’impression des guerres épuisantes et des dernières coupes réglées et déréglées de l’Empire.

477. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Rousseau se désaccoquina du café et désavoua les couplets dans le monde ; mais on en parlait toujours ; de temps à autre de nouveaux couplets clandestins se retrouvaient sur les tables, sous les portes ; cette petite guerre dura dix ans et ouvrit le siècle. […] Les événements extérieurs dégoûtaient par leur petitesse et leur pauvreté ; la guerre se faisait misérablement et même sans l’éclat des désastres ; les querelles religieuses étaient sottes, criardes, sans éloquence, quoique persécutrices ; les mœurs, infâmes et platement hideuses : c’était une société et un trône sourdement en proie aux vers et à la pourriture. […] Je me suis trompé en disant que Rousseau ne s’inquiétait jamais de l’idée ; il a fait une ode sur les Divinités poétiques, dans laquelle est exposé en style barbare un système d’allégorisation qui ne va à rien moins qu’à mettre Bellone pour la guerre, Tisiphone pour la peur.

478. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

La plupart de ces considérations ne peuvent s’appliquer aux succès militaires, la guerre ne laisse à l’homme, de sa nature, que ses facultés physiques ; pendant que cet état dure, il se soumet à la valeur, à l’audace, au talent qui fait vaincre, comme les corps les plus faibles suivent l’impulsion des plus forts. […] Enfin, l’on pouvait être étonné, par conséquent entraîné ; et des hommes croyaient qu’un d’entre eux était nécessaire à tous ; de là les grands dangers que courait la liberté, de là les factions toujours renaissantes, car les guerres d’opinions, finissent avec les événements qui les décident, avec les discussions qui les éclairent ; mais la puissance des hommes supérieurs se renouvelle avec chaque génération, et déchire, ou asservit la nation qui se livre sans mesure à cet enthousiasme ; mais lorsque la liberté de la presse, et ce qui est plus encore, la multiplicité des journaux rend publiques chaque jour les pensées de la veille, il est presque impossible qu’il existe dans un tel pays ce qu’on appelle de la gloire ; il y a de l’estime, parce que l’estime ne détruit pas l’égalité, et que celui qui l’accorde, juge au lieu de s’abandonner ; mais l’enthousiasme pour les hommes en est banni. Il y a dans tous les caractères des défauts qui jadis étaient découverts, ou par le flambeau de l’histoire, ou par un très petit nombre de philosophes contemporains que le mouvement général n’avait point enivrés ; aujourd’hui celui qui veut se distinguer est en guerre avec l’amour-propre de tous ; on le menace du niveau à chaque pas qui l’élève, et la masse des hommes éclairés prend une sorte d’orgueil actif, destructeur des succès individuels.

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