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234. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

On sent assez quel doit être le caractère des ouvrages d’un pareil peuple ; mais ce qui étonne, c’est que déjà on y trouve l’art d’opposer les idées douces aux idées terribles, et de placer presque partout l’image de l’amour à côté de celle de la guerre ; peut-être ce qui nous paraît un art, n’était que l’expression naturelle des mœurs de ces peuples. […] Chez les peuples pasteurs et à demi sauvages, l’amour devait se mêler à toutes les idées, et même à celles de la guerre, parce que les femmes y étaient des objets de conquêtes. […] comme tous mes enfants courraient à la guerre, s’ils savaient le malheur de leur père, qu’une multitude de serpents déchire !

235. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Chez les anciens Romains, l’obsequium était inséparable de ce qu’ils appelaient opera militaris, et de ce que nos feudistes appellent militare servitium ; longtemps les plébéiens romains servirent à leurs dépens les nobles à la guerre. […] L’obsequium des affranchis, ayant peu à peu disparu, et la puissance des patrons ou seigneurs s’étant en quelque sorte dispersée dans les guerres civiles, où les puissants deviennent dépendants des peuples, cette puissance se réunit sans peine dans la personne des monarques, et il ne resta plus que l’ obsequium principis , dans lequel, selon Tacite, consiste tout le devoir des sujets d’une monarchie . […] On vit reparaître les clientèles des Romains sous le nom de recommandation personnelle. — Les cens seigneuriaux n’étaient pas sans analogie avec le cens institué par Servius Tullius, puisqu’en vertu de cette dernière institution les plébéiens furent longtemps assujettis à servir les nobles dans la guerre à leurs propres dépens, comme dans les temps modernes les vassaux appelés angarii et perangarii. — Les précaires du moyen âge étaient encore renouvelés de l’antiquité.

236. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fuster, Charles (1866-1929) »

Fuster, je dirai qu’elle se passe pendant la dernière guerre ; que deux fiancés, Louise et Pierre, recueille et, soignent un blessé, lequel se prend d’amour pour la jeune fille ; mais le malade, rendu à la santé, retourne parmi les siens ; Louise revient peu à peu à celui qui n’a cessé de l’aimer et oublie ce mirage d’un instant qui avait trompé son cœur. […] Fuster a trouvé des développements fort touchants, et sa muse y a pris prétexte à chanter aussi bien les grandes guerres, l’héroïsme, que le charme de la nature et les phases d’un amour qui s’éteint et se ranime.

237. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

On sait le reste ; la guerre était déclarée. […] À Berlin, lorsqu’il y fut envoyé en 1756 à la veille de la guerre de Sept Ans, le duc de Nivernais ne fut point heureux. […] Tous crient contre la paix, mais sans la haïr également : À la tête du parti qui crie contre la paix et qui veut la guerre, est M.  […] À la tête du parti qui n’aime pas la guerre, et qui travaille pourtant contre la paix, est le duc de Newcastle, qui passe pour regretter sa place, et qui n’y peut revenir que par le bouleversement du ministère. Il y a un troisième parti qui tient des deux, autres, et qui a pour chef M. le duc de Cumberland : ce prince est mécontent et souhaite la guerre, mais il n’entre pas dans toutes les manœuvres violentes du parti de M. 

238. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Ayant constaté qu’on sortait à peine des guerres religieuses, et de guerres religieuses épouvantables, ils se sont imaginé que c’était la religion qui était la cause de ces guerres et de ces épouvantements, et ils ont maudit et dénoncé les religions de tout leur cœur. […] C’était la guerre. […] Une guerre engagée par l’Italie en faveur de la France eût été une guerre purement sentimentale, ce dont l’Italie a peu l’habitude. […] C’était la guerre déclarée. […] Hors de la guerre à l’Église, pas de salut.

239. (1924) Critiques et romanciers

La cruelle souffrance de la maladie, il la supporte : non la guerre ; et la guerre l’achève. […] Il n’a point redouté la guerre ; et, qu’on veuille relire son œuvre : il a aimé la guerre. […] Et ces gamins se font la guerre. […] Principalement, il a vu partout la guerre. […] Vient la guerre, dix ans plus tard.

240. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Fénelon, plus difficile que ses autres précepteurs et plus clairvoyant, voudrait le voir un homme, un grand prince, ouvert, sociable, accessible à tous, non étroit ni particulier, ni renfermé et borné à un petit nombre de gens qui l’obsèdent et qui l’admirent, à une coterie, comme nous dirions ; ayant de la religion la moelle et l’esprit, non pas les simples pratiques minutieuses et les scrupules (comme de ne pas savoir pendant une marche en campagne, s’il peut, en conscience, loger dans les dehors d’une abbaye de filles), s’inspirant de lui-même dans les occasions, prenant sur lui, brave à la guerre, sachant y acquérir de la gloire, sinon par des succès éclatants qui peuvent manquer, par sa fermeté du moins, son génie et son esprit de ressource jusque dans les tristes événements. […] La dépopulation, l’abandon de la culture, la disette, l’épuisement, l’impossibilité de subvenir aux charges d’une guerre désastreuse, tous ces fléaux, déjà excessifs depuis des années, s’accroissaient de jour en jour dans une progression effrayante. […] Or, sous le duc de Bourgogne roi, il n’y avait pas de régence ni d’orgie pour dégorger la première fureur succédant à un si long étouffement, et la guerre entre le nouveau prince et l’esprit de la société nouvelle commençait dès 1715. Et, comment, après quelque satisfaction incomplètement donnée au sentiment public et une première lune de miel à coup sûr, mais bien rapide et passagère, comment n’y aurait-il pas eu guerre profonde et irréconciliable en effet ? […] Le duc de Bourgogne est à la guerre ; M. 

241. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Les Tragiques de D’Aubigné ne verront le jour qu’au XVII° siècle, et nous les retrouverons au temps où le rude partisan se sera fait décidément homme de plume : mais il faut bien noter ici que ce chef-d’œuvre de la satire lyrique est né des guerres civiles, conçu dans le feu des combats, sous l’impression actuelle des vengeances réciproques ; même une partie du poème s’est fait « la botte en jambe », à cheval, ou dans les tranchées ; c’était un soulagement pour cette âme forcenée d’épancher dans ses vers le trop-plein de ses fureurs, qui ne s’épuisaient pas sur l’ennemi. […] Mais dans la Harangue aux États d’Orléans (1560) et dans le Mémoire au Roi sur le But de la guerre et de la paix (1568), ses ordinaires remontrances en faveur de la paix et de la tolérance ont revêtu une forme singulièrement forte ; vigueur de raisonnement, mouvement pathétique, expression saisissante, toutes les parties d’un grand orateur se trouvent dans ces deux pièces. […] Les réformés, poussés à la guerre par la persécution et par l’ambition des chefs de deux partis, ne sel contentèrent pas de discréditer leurs principaux ennemis par d’outrageux, mais parfois éloquents pamphlets223. […] François de la Noue (1531-1591), gagné au calvinisme par Dandelot, fit toutes les guerres civiles, et fat avec Coligny le meilleur capitaine des protestants. Faisant la guerre en Flandre contre les Espagnols, il fut pris en 1580, et ne fut échangé qu’en 1585.

242. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Peut-il exister en dehors des divers systèmes politiques, aux confins des doctrines qui se combattent et se font la guerre, un terrain plus ou moins neutre, une sorte de lisière, où l’on est bien venu à errer un moment, à rêver, à se souvenir de ces choses vieilles comme le monde et éternellement jeunes comme lui, du printemps, du soleil, de l’amour, de la jeunesse ; à se promener même (si la jeunesse est passée) un livre à la main, et à vivre avec un auteur d’un autre âge, sauf à en raffoler tout un jour et à demander ensuite, en rentrant dans la ville, à chaque passant qu’on rencontre : L’avez-vous lu ? […] Mais l’essentiel est que ce droit un peu vague, bien que si réel, ne soit jamais supprimé, et que jamais les doctrines régnantes, au nom même du salut commun, ne puissent dire au poète, au littérateur, à l’érudit curieux, comme dans la banlieue d’une place de guerre le génie militaire dit à l’honnête homme, qui a sa métairie avec son petit bois et sa source d’eau vive : « Monsieur, nous avons besoin de ce petit coin qui vous sourit : il entre dans nos lignes, il nous le faut ; voilà le prix, soyez content, mais vous n’y rentrerez pas. » Ceux qui vivent des lettres, de l’amour des livres et des études, de ces passions après tout innocentes et désintéressées, peuvent céder un moment ce coin de leur être et le prêter à la chose et à la pensée publique, ils le doivent dans les cas urgents ; mais, ce cas cessant, ils rentrent de plein droit dans leur domaine. […] Ceux qui croient que la vérité est une non seulement en morale, mais en religion, en politique, en tout, qui croient posséder cette vérité en eux et la démontrer à tous par des signes clairs et manifestes, voudraient à chaque instant que la littérature ne s’éloignât jamais des lignes exactes qu’ils lui ont tracées ; mais comme il est à chaque époque plus d’une sorte d’esprits vigoureux et considérables (je ne parle ici ni des charlatans ni des imposteurs) qui croient posséder cette vérité unique et absolue, et qui voudraient également l’imposer, comme ces esprits sont en guerre et en opposition les uns avec les autres, il s’ensuit que la littérature, la libre pensée poétique ou studieuse, tirée ainsi en divers sens, serait bien embarrassée dans le choix de sa soumission. […] On sait que, dans la pastorale de Daphnis et Chloé, à un certain jour les gens de Méthymne déclarent la guerre à ceux de Mytilène, et un capitaine de navire s’empare de la pauvre enfant Chloé et de son troupeau. […] Le matin, ce sont d’autres prodiges encore : les béliers et chèvres, qui sont à bord sur le pont, ont l’air de bondir, portant aux cornes des rameaux de lierre avec leurs grappes : Chloé elle-même semble couronnée de branchages de pin, et une flûte de berger qui se fait entendre d’une roche voisine résonne comme ferait une trompette de guerre.

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