— Il fallait, pour y aller, passer sur une planche assez longue, très étroite et qui ployait étrangement par le milieu ; — un vrai pont pour des chèvres, et qui en effet ne servait guère qu’à elles : — c’était délicieux. — Un gazon court et fourni, où le souviens-toi de moi ouvrait en clignotant ses jolies petites prunelles bleues… » Suit une description détaillée, minutieuse, comme l’auteur sait les faire, — et d’Albert, en effet, nous est donné lui-même comme un peu auteur, bien qu’inédit, — et il ajoute : « Que nous étions bien faits pour être les figures de ce paysage ! […] La Comédie, de la Mort, qui parut en 1838, nous montre de plus en plus développée dans le poète à qui le préjugé n’accorde guère que la palme de la description, une pensée intime et amère d’ennui, de dégoût consommé, la réflexion désespérée et fixe d’un néant final universel. […] Sans compter que le public français (j’y reviendrai) ne peut guère porter qu’un poète nouveau à la fois, notez encore que c’est presque toujours par des côtés accessoires, étrangers à la poésie pure, qu’il l’adopte et qu’il l’épouse.
Le comte et don Diègue ne songent guère d’abord qu’à se louer, et don Diègue a commencé même assez doucement avec le comte en lui demandant d’accepter son fils pour gendre. […] Ici, dans la tragédie, il ne doit guère en avoir que seize ou dix-sept. […] très-belle scène, sauf les détails de mauvais goût dont on a fait son deuil dès longtemps, et qui, de loin, ne semblent plus guère que de piquants effets de couleur locale.
Cette grande actrice, qui dans la seconde partie de sa carrière, et quand il était déjà tard, avait trouvé tout son talent et le cri vrai de la passion, ne ressemblait guère d’ailleurs aux deux tendres amies qui, jusque dans leur sensibilité la plus épanchée, étaient toute crainte, toute alarme et tout scrupule, toute discrétion et pudeur. […] Tout ce que je sais d’un Virgile compréhensible pour moi, c’est que le nôtre ou celui de la Bretagne voyage dans le Midi, sous le nom de Brizeux, dont la santé et le silence commencent à m’inquiéter, à moins que tu n’en aies reçu quelque lettre. » Ce diminutif de Virgile, Brizeux, qui n’avait rencontré à temps ni Auguste ni Mécène, ni leur diminutif, ne touchait guère Paris qu’en passant ; il se sauvait bien vite, pendant des mois et des saisons, tantôt dans sa Bretagne, tantôt à Florence ; il craignait d’écrire et poussait l’horreur de la prose jusqu’à ne se servir le plus souvent que d’un crayon pour tracer des caractères aussi peu marqués que possible. […] Mais tu dois savoir depuis longtemps qu’il n’y a guère que les malheureux qui se secourent entre eux.
« Pour moi, mon lot n’est pas si agréable : c’est avec de lourds tacticiens et avec de froides descriptions de combats qui ne ressemblent guère à ceux d’Homère, que je suis forcé de passer tous les instants que je consacre aux événements antérieurs. […] Mon cadre est tracé, il faut le remplir, et je compte les minutes que la Parque me laisse ; à chaque instant je sens ses ciseaux chatouiller le fil65, et il n’est guère possible, après avoir glissé deux ou trois fois entre ses serres, que je l’évite au prochain tour. […] Quoiqu’il eût trop d’expérience pour s’attribuer le rôle de prophète, qui ne sied guère qu’aux ignorants, il avait jugé, dès le début, que le véritable objectif de la guerre serait Sébastopol, et il l’écrivit à Pétersbourg dès le mois de mars 1854, avant même que la guerre fût déclarée.
Le succès le plus grand de la plupart des révolutions, en littérature comme en politique, n’est guère peut-être que cela : faire tenir compte aux autres de certains résultats, en passant soi-même pour battu. […] Le Mercure, le plus connu, n’en représente guère que la partie la plus fade et la moins originale195. […] Bayle, dans l’article Tanaquil de son Dictionnaire, après avoir soigneusement déroulé le tissus de contes qui se rattachent à cette princesse, ajoute que, si l’on avait fait faire à de jeunes écoliers des amplifications sur des noms de personnages héroïques, et qu’on eût introduit ensuite toutes ces broderies dans le corps de l’histoire, on n’aurait guère obtenu un résultat plus fabuleux. « Cela eût produit de très-grands abus, dit-il avec son air de maligne bonhomie, si les plus jolies pièces de ces jeunes gens eussent été conservées dans les archives, et si, au bout de quelques siècles, on les eût prises pour des relations.
Si nous voulons résister à notre mémoire qui nous présente machinalement la plupart de ces vers, trop familiers et tournés en dictons pour évoquer encore en nous des sensations, on s’apercevra que Boileau n’a guère usé du style abstrait. […] Surtout il ne doublera guère sa sensation de sentiment : nature droite, brusque, irritable, il manque de sensibilité. […] Ces gens-là étaient moins blasés que nous sur tous ces lieux communs de morale ; et, après tout, il n’y avait guère plus d’un siècle qu’on les avait trouvés ou retrouvés.
Les Italiens nous méprisaient, et ne songeaient guère à nous faire participer à ces biens de l’esprit dont ils jouissaient tout seuls, ni à nous passer ce flambeau de la vie, dont parle Lucrèce. […] La publication récente des lettres de Marguerite ne permet guère de douter que le style des contes ne soit de la même main que la correspondance33. […] C’est de ces poésies-là, heureusement les plus nombreuses, que La Bruyère a pu dire : « Entre Marot et nous il n’y a guère que la différence de quelques mots. » Ce qui était vrai au temps de La Bruyère n’a pas cessé de l’être pour nous, qui sommes plus loin de Marot de plus d’un siècle et demi ; tant le tour d’esprit et la langue en sont conformes au génie de notre pays.
L’élégance appliquée de du Plessys, les théories socialistes de Baju avaient bien, d’abord, jeté quelque défiance parmi cette paisible clientèle, mais on s’était vite rendu compte de nos intentions pacifiques et nos vers déclamés à mi-voix dans les coins, à la fin ne troublaient plus guère que la somnolence du garçon et de la dame de comptoir. […] La revue étant bi-mensuelle, nous n’avions guère le loisir de nous reposer entre deux numéros, si l’on considère que nous ne pouvions y sacrifier, accaparés par des besognes nécessaires, que le superflu de notre temps. […] Les Décadents, imitant leur exemple, ne s’embarrassaient guère de scrupules et tombèrent à bras raccourcis sur les réputations les mieux établies.
Leconte de Lisle vieilli ne publie plus guère. […] Or il arriva que l’Art Parnassien, en 1885, ne répondait plus guère aux aspirations secrètes de la jeunesse littéraire d’alors, de celle qui résistait d’instinct au naturalisme et était impatiente d’y opposer quelque chose de nouveau. […] Si les Poètes de l’École Décadente en étaient restés à ces premières excentricités du début, ils ne tiendraient guère en littérature qu’une place de curiosité.