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198. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

Elle eût laissé tomber une gaze qui eût dérobé son fils à la fureur du héros grec. […] Cependant les Grecs et les Troyens se seraient entr’égorgés autour de lui. […] Apollon, enveloppé d’une nuée, se jette entre le héros grec et Enée qu’on voit renversé.

199. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Le roman, qui n’a été ainsi désigné qu’au Moyen-Âge et d’un nom qui sent la décadence ; que les Grecs avaient oublié de nommer, et qui ne faisait pas d’abord un genre bien à part, était partout chez eux. […] Mais il est en grec un recueil de dix-sept lettres supposées, mises sous le nom de Chion d’Héraclée, contemporain de Xénophon, et que je voudrais voir traduites. […] Au lieu de finir par une plaisanterie et par une épigramme sanglante contre les femmes comme dans le Lucius grec, nous avons ici une conclusion sérieuse et même sacerdotale. […] Chez les Grecs il a produit cette ravissante histoire pastorale, Daphnis et Chloé, mais de forme purement gracieuse. […] Zevort, dans l’introduction qu’il a mise en tête d’un choix, d’ailleurs fort soigné, de romans grecs traduits en français (Édition Charpentier).

200. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Il n’y aurait guère d’inconvénient au premier abord, car l’article de M.Arnould Fremy, intitulé André Chénier et les Poëtes grecs, qui a paru dans la Revue indépendante du 10 mai, ne semble pas destiné, quel qu’en puisse être le mérite, à exercer une vive séduction ni à obtenir un grand retentissement. […] Arnould Fremy, qui se porte aujourd’hui pour juge absolu du véritable esprit de la poésie grecque et de la simplicité antique, a commencé, il y a une quinzaine d’années, sous des auspices bien différents. […] remy s’était borné à faire remarquer qu’André Chénier, malgré tout, était de son temps ; à indiquer en quoi il composait avec le goût d’alentour, comment dans tel sujet transposé, dans tel cadre de couleur grecque, il se glisse un coin, un arrière-fond peut-être de mœurs et d’intérêt moderne, on n’aurait eu qu’à le suivre dans ses analyses. […] Chénier a eu d’abord et il n’a pas du tout perdu une qualité que les Grecs prisaient fort et qu’ils ne cessent d’exprimer, de varier, d’appliquer à toutes choses, je veux dire la jeunesse, la fraîcheur et la fleur, le èáëåñüí, si l’on me permet de l’appeler par son nom, le novitas florida de Lucrèce. […] Mais il s’était appliqué surtout à recueillir les trésors poétiques de ceux des Grecs qui allaient déjà être des Anciens, à en faire un bouquet et, comme on disait, une guirlande.

201. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Aristote et Horace d’abord, et Quintilien et Longin, tous ceux qui, en grec ou en latin, avaient donné les règles de la poésie ou de l’art d’écrire : Boileau les avait lus, médités, s’en était nourri ; Quintilien et Longin l’avaient aidé à se former un idéal de style et d’élocution. […] Et il recevait aussi, comme La Fontaine et comme Racine, l’influence de l’art antique par la conversation et la critique de son ami Despréaux, qui écartant résolument tous les Italiens et tous les Espagnols, comme trop brillants et trop « pailletés », détruisant l’autorité que l’illusion ou la complaisance de la génération précédente leur avait accordée aux dépens de la nature et de la pure beauté, proposait partout et toujours pour modèles les Grecs et les Latins, dont les œuvres contenaient toute la vérité, rendue avec toute la perfection que l’esprit humain était susceptible d’atteindre. […] Ailleurs il se moquait de l’Université et affectait de ne voir en ses adversaires que des hommes de collège, « payés et gagés » pour s’enthousiasmer aux heures des leçons sur n’importe quels vers grecs ou latins. Et comme ces régents en robes noires et à bonnets carrés avaient du moins sur lui l’avantage de savoir le grec et le latin, il s’évertuait à démontrer que pour bien juger d’un écrivain, il faut le prendre dans une traduction. […] Et Boileau, voyez-le tailler, rogner, changer, abréger son Longin, sans autre loi que son goût et le désir d’éviter de la peine à son lecteur, écartant les « antiquailles » (entendez ce qui suppose une teinture d’histoire ou d’archéologie), supprimant ce qui est « entièrement attaché à la langue grecque » (entendez ce qui suppose la connaissance du grec), substituant, dans une citation de Sapho, un « frisson » à une « sueur froide », parce que « le mot de sueur en français ne peut jamais être agréable, et laisse une vilaine idée à l’esprit ».

202. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Ils pourroient dire ce que Quintilien répond pour les poëtes latins aux critiques qui auroient voulu exiger des écrivains latins, qu’ils plussent autant que les écrivains grecs. […] Le nom des choses qui y sont dépeintes, est écrit au-dessus en caracteres grecs, à peu près comme le nom des provinces est écrit dans une carte generale du royaume de France. […] Nous pouvons bien comparer la sculpture antique avec la nôtre, parce que nous sommes certains d’avoir encore aujourd’hui les chefs-d’oeuvres de la sculpture grecque, c’est-à-dire, ce qui s’est fait de plus beau dans l’antiquité. […] J’avoüerai après cela qu’il seroit imprudent de soûtenir que les peintres de l’antiquité grecque et romaine aïent surpassé nos peintres, parce que les sculpteurs anciens ont surpassé les sculpteurs modernes. […] Après avoir parlé de l’avantage que les poëtes latins avoient sur les poëtes françois ; j’avois avancé que les peintres des siecles précedens n’avoient pas eu le même avantage sur les peintres qui travaillent aujourd’hui, ce qui m’a mis dans la necessité de dire les raisons pour lesquelles je ne comprenois pas les peintres grecs et les anciens peintres romains dans ma proposition.

203. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Constantin fit rouvrir les écoles d’Athènes, il honora les lettres, il les cultiva lui-même, mais comme on pouvait les cultiver dans son siècle, et parmi les occupations de la guerre et du trône ; l’éloquence romaine était alors très affaiblie ; l’éloquence grecque se soutenait. […] D’ailleurs, la naissance du christianisme dans ces climats, le renouvellement du platonisme, l’école d’Alexandrie, le choc des deux religions, le zèle ardent des païens pour attaquer, le zèle des chrétiens pour se défendre, tout dans l’Orient contribuait à entretenir la culture et le goût ; des évêques étudiaient Homère ; des saints se nourrissaient d’Aristophane ; Platon était presque aussi souvent cité qu’un Père de l’église : c’était un arsenal ennemi où le christianisme venait s’armer, et l’on combattait les fables et la mythologie des Grecs avec l’éloquence des Grecs mêmes. […] Nous citerons encore un autre ouvrage dans le même genre, et d’autant plus curieux, qu’il est peut-être le premier panégyrique chrétien qui ait été fait, ou du moins qu’on ait transmis jusqu’à nous : il est écrit en grec, et fut prononcé dans Constantinople pour la trentième année du règne de Constantin.

204. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Les Grecs s’étaient rendu raison de tout ce qui concerne l’imitation. […] Dira-t-on que la correction si exacte chez les Grecs, a desséché le génie des beaux-arts ? […] Homère, Sophocle, Démosthène, chez les Grecs, Bossuet, Corneille, et Molière, chez nous, s’élancèrent hors de la doctrine. […] La terreur et la pitié, sur le théâtre grec, allèrent bien au-delà de ces mêmes passions sur nos théâtres. […] La ressemblance de ces opéras avec les pièces grecques est remarquable en tout point.

205. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Enfin deux odes grecques dans le goût d’Anacréon s’ajoutaient comme provenant du même manuscrit. […] Après Dante, Pétrarque et Boccace, la langue italienne faiblit ; la renaissance grecque et latine l’encombre de débris et semble l’étouffer. […] Les Grecs avaient Homère à l’horizon, les Italiens ont Dante : voilà des marges immenses. […] Il fut chargé de dresser le catalogue des manuscrits grecs de la bibliothèque Barberine. […] Chez Leopardi, je le rappelle, pas un mot inutile n’est accordé ni à la nécessité du rhythme ni à l’entraînement de l’harmonie : la simplicité grecque primitive diffère peu de celle qu’il a gardée et qu’il observe religieusement dans sa forme.

206. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Descendants des Romains, ou du moins enfants d’adoption de la race latine, cette race initiée elle-même au culte du beau par les Grecs, nous avons à embrasser, à comprendre, à ne jamais déserter l’héritage de ces maîtres et de ces pères illustres, héritage qui, depuis Homère jusqu’au dernier des classiques d’hier (s’il y a eu hier un classique71), forme le plus clair et le plus solide de notre fonds intellectuel. […] Un savant auteur anglais, le colonel Mure, dans son Histoire de la littérature grecque, se pose, à son tour, cette question : « Si la nation grecque n’avait jamais existé, ou si ses œuvres de génie avaient été anéanties par la grandeur de la prédominance romaine, les races actuelles principales de l’Europe se seraient-elles élevées plus haut dans l’échelle de la culture littéraire que les autres nations de l’antiquité avant qu’elles eussent été touchées par le souffle hellénique ?  […] Il ne s’agit pas ici de distinguer entre les Grecs et les Latins ; leur héritage pour nous et leurs bienfaits se confondent. […] Sans doute Isocrate, en son célèbre Panégyrique, avait raison de dire à sa date, à la veille d’Alexandre : « Notre ville a laissé si loin derrière elle, en pensée et en éloquence, les autres hommes, que ses élèves sont devenus les maîtres des autres, et elle a fait si bien que le nom de Grecs ne semble plus être la désignation d’une race, mais celle de l’intelligence même, et qu’on appelle Grecs ceux qui ont part plutôt encore à notre culture qu’à notre nature. » Périclès, avec plus d’autorité, disait la même chose dans cet admirable panégyrique d’Athènes qu’il fit magnifiquement entrer au cœur de son éloge funèbre des guerriers morts pour la patrie. […] Mais les Athéniens n’ont su remplir qu’une moitié de son vœu, et cette œuvre rêvée, — et mieux que rêvée, proposée par Périclès —, œuvre de constance, d’énergie durable et d’empire politique universel, ce sont les Romains qui se sont chargés de l’accomplir dans des proportions tout autrement vastes, et non plus sur mer, mais sur terre ; et en même temps que les Grecs déchus, privés de l’exercice des vertus publiques, devenaient (sauf de rares exceptions) plus légers, plus volubiles, plus sophistiques, plus flatteurs, plus fabuleux qu’ils n’avaient jamais été, les vainqueurs se saisirent du précieux élément divin, d’une part de ce feu de Prométhée, et en animèrent leur vigueur pratique et leur sens solide, dans un tempérament qui unit la vivacité et la consistance.

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