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588. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Au moins ne pourra-t-on pas dire que j’aie survécu à la liberté de ma patrie et à la grandeur de ma maison, et l’époque de ma mort deviendra celle de la tyrannie de la maison d’Autriche. […] Dans cette extrémité, tandis que Frédéric raisonnait de sa situation en homme qui avait lu et médité le chapitre XIIe De la grandeur et de la décadence des Romains, et qu’il prétendait usurper le droit le plus ambitieux pour un mortel, celui de finir la pièce où il était acteur en ce monde à l’endroit où il le voulait, les choses subitement changèrent, et un souffle léger de la fortune vint rendre vaines ces altières réminiscences de Caton.

589. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

L’Avare surtout, dans lequel le vice détruit toute la piété qui unit le père et le fils, a une grandeur extraordinaire et est, à un haut degré, tragique. […] Car de petits êtres comme nous ne sont pas capables de garder en eux la grandeur de pareilles œuvres ; il faut que de temps en temps nous retournions vers elles pour rafraîchir nos impressions. » Combien ce jugement sur Molière diffère en largeur et en sympathie de celui de Guillaume Schlegel, homme de tant d’érudition et de mérites si divers, mais fermé à quelques égards, auquel il ne fallait pas demander ce que ses horizons ne comportaient pas, et de qui Gœthe disait finement après un entretien très-instructif qu’il venait d’avoir avec lui : « Il n’y a qu’à ne pas chercher des raisins sur les épines et des figues sur les chardons, et alors tout est parfait. » Schlegel, qui est tout raisin et toutes figues quand il nous parle de la Grèce, ne nous a guère offert à nous, Français, quand il a daigné s’occuper de nous et de notre grand siècle littéraire, que ses épines et ses chardons.

590. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

grandeur ou flamme du sentiment, éclat de l’expression et, s’il se peut, harmonie de composition et d’ensemble (et s’il n’y A pas de composition proprement dite dans Homère, il y a une flamme perpétuelle, un feu et un torrent de poésie qui rachète tout), — ce sont là quelques-uns des traits et des conditions de cette beauté plus aisée à sentir qu’à définir. […] Faut-il donc rappeler qu’il n’y a rien dans ce misérable parricide et incestueux que nous offre le mystère, rien de cette grandeur, de cette noblesse de caractère qui fait qu’on s’intéresse à Œdipe, tout malheureux qu’il est ?

591. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Cette vue avait la grandeur et l’aspect de la mer : des chaînes de montagnes, sur lesquelles l’éloignement passait son niveau, se déroulaient avec des ondulations d’une douceur infinie, comme de longues houles d’azur. […] L’infini dans le clair est bien autrement sublime et prodigieux que l’infini dans l’obscur. » On vient de supprimer, à l’École des Beaux-Arts, le grand prix de paysage, et l’on a bien fait : en fait de paysages, les comparaisons sont impossibles ; les plus humbles, les plus inattendus, les plus agrestes sont souvent ceux qui plaisent le plus : et cependant il y a une grandeur dans l’éclat qu’il n’appartient qu’aux vrais maîtres de savoir saisir, et dans cette belle page le peintre a tout réuni.

592. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Il en est d’eux comme des étoiles de moindre grandeur, vues au télescope ; on finit par les distinguer assez nettement. […] Sur les sommets sublimes, ils se sentent trop près du ciel pour être écrasés par sa grandeur ; baignés dans l’éther calme, nourris de la fraîche rosée des montagnes, entourés de nuages d’or, ils vivent avec les Dieux.

593. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

C’est là le principe de sa grandeur, et ce qui la lit, avec le temps, la Ville par excellence, la ville éternelle, universelle : « Cette destinée grandiose ne s’accomplit point sans de longues et rudes luttes qui forment toute l’histoire intérieure de Rome, mais dont chaque crise l’accroît et la fortifie pour la conquête. […] Sur les derniers projets de César, il règne un vague plus grand encore que sur les derniers projets de Henri IV, et proportionné à leur grandeur.

594. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Le génie n’était une question pour personne ; assez de monuments de victoire et de grandeur civile étaient debout : mais les débris de la chute jonchaient le sol autour de la statue renversée, et même après qu’elle eut été relevée sur sa colonne, on ne la considérait que d’en bas et d’un peu loin, chacun y voyant plus ou moins un symbole. […] Or, si jamais d’aussi cruelles épreuves nous étaient réservées, il n’y avait pas de honte à nous l’avouer, nos périls seraient immenses : ce ne serait plus seulement notre grandeur, nos récentes conquêtes qui seraient remises en question, mais la Révolution tout entière et notre nationalité même.

595. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Les choses du devant en souffrent : il n’y a pas de vraie grandeur possible avec cela, et on ne peut même, à ce prix, être un grand politique que par éclairs et dans de rares moments. […] Le flair merveilleux des événements, l’art de l’à-propos, la justesse et, au besoin, la résolution dans le conseil, M. de Talleyrand les possédait à un degré éminent ; mais cela dit et reconnu, il ne songeait, après tout, qu’à réussir personnellement, à tirer son profit des circonstances : l’amour du bien public, la grandeur de l’État et son bon renom dans le monde ne le préoccupaient que médiocrement durant ses veilles.

596. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Molé n’y a pas manqué ; le ton s’est élevé avec le sujet ; la grandeur méconnue du cardinal était vengée en ce moment non plus par l’académicien, mais par l’homme d’État. […] En parlant avec élévation et chaleur du sentiment de l’admiration, de cette source de toute vie et de toute grandeur morale, M. 

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