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333. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Ces dernières sont presque sphériques, à peu près d’égales grandeurs et sont agrégées en une masse irrégulière. […] Quand une des cellules est en contact avec trois autres, ce qui arrive très fréquemment et même nécessairement, toutes les fois que les sphères sont à peu près de même grandeur, les trois surfaces planes internes se réunissent de manière à former une pyramide. […] En réfléchissant à ces faits, il me vint à l’idée que, si la Mélipone construisait ses sphères à égales distances les unes des autres, qu’elle les fît de la même grandeur, en les disposant symétriquement sur deux rangs, il en résulterait une structure aussi parfaite que celle du rayon de l’Abeille domestique. […] Car il suffit de supposer qu’elle fasse ses cellules complétement sphériques et d’égale grandeur, ce qui n’aurait rien de très surprenant, puisqu’elles sont déjà à peu près telles, et puisque tant d’insectes parviennent à creuser dans le bois des trous parfaitement cylindriques, apparemment en tournant sur eux-mêmes autour d’un même point fixe. […] Lubbock a bien voulu me dessiner à la chambre claire les mâchoires des ouvrières de différentes grandeurs que j’avais disséquées.

334. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Le Tourneur n’était, lui, ni un écrivain comme Diderot, ni un linguiste, ni un poète, mais il avait lu Shakespeare ; il le connaissait ; et il y avait en lui je ne sais quel instinct qui ne manquait ni de grandeur ni de force. […] Il y a ici des exquisités, des délicatesses, des raffinements, et même, diront les Exsangues du bon goût, des défauts qui doivent plus embarrasser un traducteur que les choses de la force et de la grandeur habituelles à Shakespeare. […] Est-ce la grandeur de Shakespeare qui les fait paraître de cette petitesse ? […] Mais entre cette grandeur du plus grand des poètes dramatiques, et l’ubiquité dans toute grandeur dont voudrait le douer François Hugo, il y a bien quelques étapes à faire que ne font pas si vite ceux qui, au lieu de traduire officiellement Shakespeare, se contentent de le lire pour leur plaisir personnel ! […] parce que c’est peut-être vrai, et que dans tous les cas c’est une idée profonde et justifiée, à ce qu’il semble, par la conception que nous avons du génie sympathique de Shakespeare, que de prétendre et de poser qu’un pareil homme, rencontrant Jeanne d’Arc dans l’Histoire, ne puisse avoir pour cette fille, unique en sa grandeur, qu’un sentiment digne de ce génie, unique dans la sienne, qui vibrait si magnifiquement à chaque coup de toute chose grande et belle, et dont la vaste personnalité, embrassant toutes les personnalités humaines, comme jamais esprit ne les avait jusque-là embrassées, a paru si extraordinaire qu’on n’a rien trouvé de mieux à en dire que de l’appeler de l’impersonnalité.

335. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

C’est d’eux qu’aurait pu et qu’aurait du dater l’histoire de la France moderne, de ces affranchis héroïques, de ces vigoureux croyants « hérétiques », qui surent alors montrer, en dépit des persécutions et des massacres, ce que signifiait la Réforme pour la grandeur des États. […] Comprendriez-vous la clameur joyeuse d’un meurtrier, qui, après avoir donné le coup mortel à sa victime, s’écrierait en levant vers les cieux ses mains ensanglantées : « Ô puissance et grandeur de Dieu, qui a permis que cet homme tombât sous mes coups ! […] L’électeur Frédéric-Guillaume, « le véritable fondateur de la grandeur de sa maison », comprit tout ce que son pays stérile et sauvage pouvait gagner en mettant à profit la faute énorme que la France venait de commettre. […] Je l’ai vu, j’en suis convaincu maintenant et, sans doute, je n’aurais pas beaucoup de peine à vous en convaincre vous-mêmes, mais je voudrais, en dehors de tout esprit de parti et dans le seul intérêt de la grandeur du nom français, que tout Français en fût convaincu comme nous. Je dis bien, messieurs, dans le seul intérêt de la grandeur du nom français et de la patrie.

336. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Malgré l’obscurité qui en résulte, malgré l’emploi continuel d’une terminologie bizarre que l’auteur néglige souvent d’expliquer, il y a dans l’ensemble du système, présenté de cette manière, une grandeur imposante, et une sombre poésie qui fait penser à celle de Dante. […] Qui pourrait s’étonner encore qu’il ait élevé les hommes à la grandeur des dieux, et rabaissé les dieux aux faiblesses humaines ? […] — On élève jusqu’au ciel la sagesse législative des Lycurgue, des Solon, et des décemvirs, auxquels on rapporte la police tant célébrée des trois plus glorieuses cités, des plus signalées par la vertu civile ; et pourtant combien ne sont-elles pas inférieures en grandeur et en durée à la république de l’univers ! […] J’essayais d’y démontrer que l’homme est Dieu dans le monde des grandeurs abstraites, et que Dieu est géomètre dans le monde des grandeurs concrètes, c’est-à-dire dans celui de la nature et des corps. […] Les explications physiologiques qu’il donne à plusieurs phénomènes sociaux, ôtent au système sa grandeur et sa poésie, sans l’appuyer sur une base plus solide.

337. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

L’étude de l’art a donc son utilité ; et si elle ne donne pas le génie, elle en fait du moins mieux sentir la grandeur et la beauté. […] Ils vous apprendront mieux que tous les enseignements à discerner le bien et le mal, le faux et le vrai, le néant et la grandeur dans les travaux de l’esprit humain. […] Lors même que la vie d’un poète n’aurait aucun rapport avec ses œuvres, il me semble qu’une vive curiosité s’attache à tout ce qui porte un caractère de grandeur, une empreinte de gloire. […] L’ensemble nous frappera d’abord par la grandeur du sujet ou l’intérêt de la fable.

338. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

C’est Montesquieu qui écrit ses Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains. […] Et bientôt c’est, dans la philologie, l’érudition lourde d’ennui qui sait à merveille corriger un texte, mais non plus en sentir la grandeur ou la grâce ; dans l’histoire, la monographie substantielle et indigeste qu’on estime et ne lit pas ; dans la philosophie, la peur des vastes synthèses et la mise sous scellés de la métaphysique et de ses éternels problèmes ; dans le roman, au théâtre, la décroissance de la verve inventive, la froideur, la sécheresse, la vulgarité du terre à terre, l’impuissance à créer un type supérieur ; en toute matière, le style pesant, épais, scolastique, engrisaillé de termes abstraits ou hérissé de vocables rébarbatifs ; bref, tout ce que comprend d’étroit, de rogue, de fastidieux, de glacé, de mort le mot de pédantisme. […] Certes, il y a dans ces victoires et ces désastres de l’homme lancé à la conquête de l’inconnu assez de grandeur d’imprévu, de courage, de périls, d’aventures dramatiques pour faire vibrer le cœur d’un poète. […] Et en effet, j’admets volontiers que les mythes d’autrefois ont eu leur raison d’être, leur grandeur et leur grâce ; que les dieux et les déesses de l’Olympe, les fées et les lutins des légendes populaires, les anges et les démons de la religion chrétienne ont pu être, aux yeux de nombreuses générations, de commodes incarnations des forces inconnues qui agissent autour de nous et sur nous.

339. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Enfin, aujourd’hui, dans ses Révolutions d’Italie, si la splendeur du style était la caractéristique nécessaire de la grandeur des conceptions. […] Or, nous voilà revenant toujours à la difficulté d’une philosophie de l’histoire qui ne peut jamais être, qu’on le sache bien, que l’action du Dieu personnel et de la liberté de l’homme, et dans laquelle difficulté un talent, somptueux par la forme, et un sujet, d’une grandeur immense, viennent tous les deux de se prendre et de s’étrangler. […] L’histoire des Révolutions d’Italie, établie sur la plus fausse et la plus lâche des philosophies de l’Histoire, et qui n’a de valeur, d’éloquence et de jugement que quand elle est, en fait, inconséquente à son principe, cette histoire de la confuse mêlée des villes et des bourgs italiens au Moyen Âge, cette chronique déchiquetée et grouillant de faits lilliputiens, recueillis par cette érudition qui voit l’imperceptible, à grand renfort de bésicles, aurait bien vite cédé la place à une histoire de la littérature italienne et du génie italien dans les arts, la vraie grandeur de l’Italie. […] Son mysticisme est précisément le contraire du mysticisme religieux, c’est le mysticisme renversé de l’athée pour qui le fait est Dieu, et son rêve, je ne le nie pas, a une certaine fierté et une certaine grandeur, mais en est-ce moins pour cela du mysticisme et du rêve ?

340. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

De même qu’en nous transportant à l’objet éloigné nous l’apercevons en vraie grandeur et voyons alors rapetissé l’objet que nous venons de quitter, ainsi le physicien, passant de système en système, trouvera toujours le même Temps réel dans les systèmes où il se sera installé et qu’il aura par là même immobilisés, mais devra toujours, selon la perspective de la Relativité, attribuer des Temps plus ou moins ralentis aux systèmes qu’il aura quittés, et qu’il aura par là même mobilisés avec des vitesses plus ou moins considérables. […] Mes personnages distants sont bien réels, mais, en tant que réels, ils conservent leur grandeur : c’est comme nains qu’ils sont fantasmatiques. […] Pierre reste où il est, à côté de moi ; je le vois et il se voit lui-même en vraie grandeur. […] On déplace l’une très rapidement et on la ramène près de l’autre au bout du temps t (temps du système) ; elle se trouve en retard sur l’autre horloge, de équation  ; si l’accélération a été instantanée au départ comme à l’arrivée et si la vitesse est restée constante en grandeur, le retard est équation .

341. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « III — II » pp. 14-15

Mais cela a de la grandeur, et lui seul, après Chateaubriand, peut écrire ces pages.

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