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307. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Tout était académie : académie ne se bornant pas à lire, à écouter, à disserter ; mais académie en action, en inspirations, en conceptions, en création ; jugeant aussi, corrigeant, rebutant au moins les plus grosses erreurs de goût, et réprimant les écarts et les bizarreries. Quelque mauvais que soit le goût de gens liés par une conversation habituelle, il faut qu’ils se forment un langage raisonnable, toute conversation est une épreuve par laquelle chacun essaie son langage à l’intelligence, au goût, aux affections des auditeurs ; là, ce n’est pas la critique qui éclairé, c’est l’impression que fait la parole sur ceux à qui elle s’adresse. […] Le goût avait déjà distribué aux arts, aux sciences, à la chaire, au barreau, à l’histoire, à la morale, à la poésie, à la scène comique, à la scène tragique, le ton, le style convenables à chacune de ces parties.

308. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

Tel est le privilége des Grands Hommes : les momens de courte durée ; & leur goût se développant par une impulsion naturelle, ils marchent à pas de géant dans la carriere, devancent bientôt ceux qui les avoient précédés, & se rendent inimitables à ceux qui doivent les suivre. […] Il est inutile de s’étendre davantage sur cet étonnant Génie ; ce n’est qu’à la représentation ou à la lecture qu’un homme de goût peut en saisir les nuances & en découvrir les riches beautés. […] Ce n’est pas par des Remarques plus subtiles que justes, par des Réflexions plus fausses que conformes au goût, par des Analyses infidelles & insidieusement présentées, par des Critiques minutieuses & souvent puériles, par des Notes grammaticales auxquelles on attache une importance d’autant plus ridicule, que les fautes de langue qu’on y releve appartiennent moins au Poëte qu’au temps où il vivoit, qu’on pourroit se former une idée sûre du Héros de la Tragédie.

309. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

On voit qu’il n’a étudié les Anciens, que pour développer sa raison & épurer son goût, non pour étaler un vain appareil d’érudition. […] Quel Homme de goût ne mettra pas ses Réflexions sur les divers Génies du Peuple Romain, au dessus de tout ce que ce Littérateur Géometre a écrit dans les cinq volumes de Mélanges qu’il a publiés ? […] La Nature en eux, lassée d'incommodités & de peines, s'abandonne aux premiers plaisirs qu'elle rencontre ; alors ce qui avoit paru vertueux, se présente avec un air rude & difficile, & l'ame, qui croit s'être détrompée d'une vieille erreur, se complaît en elle-même de son nouveau goût pour les choses agréables.

310. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Ils ont un goût plus sûr, une imagination plus noble : ils ne savent travailler que l’ensemble, et négligent les ornements ; un berger qui se plaint, un vieillard qui raconte, un héros qui combat, voilà pour eux tout un poème ; et l’on ne sait comment il arrive que ce poème, où il n’y a rien, est cependant mieux rempli que nos romans chargés d’incidents et de personnages. […] C’est peut-être cette heureuse harmonie des deux goûts qui fait la perfection de Virgile. […] S’il fut jamais un siècle propre à fournir des traducteurs d’Homère, c’était sans doute celui-là, où non seulement l’esprit et le goût, mais encore le cœur, étaient antiques, et où les mœurs de l’âge d’or ne s’altéraient point en passant par l’âme de leurs interprètes.

311. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Le goût exclusif du simple conduit l’artiste nigaud à l’imitation du même type. […] Les commis étalagistes et les habilleurs de théâtre ont aussi le goût des tons riches ; mais cela ne fait pas le goût de l’harmonie. […] Meissonier qui sont une faute de goût. […] Ingres, sans y trouver plus de goût ni de foi. […] C’est d’un goût très-raisonnable et très-sublime !

312. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

C’est le goût cherchant à supplanter le ridicule. […] Son style est ampoulé, cela est vrai ; mais ainsi le voulait le goût de l’époque. […] La jeune personne trouve l’ami à son goût et repousse le pauvre amoureux. […] Il sut choisir avec art ses sujets, mais il les traita quelquefois avec assez peu de goût. […] Fort jeune encore, et se sentant de la verve et du goût pour la scène, il composa quelques pièces.

313. (1902) Le critique mort jeune

L’autre, c’est ce goût paresseux du vague qui tue l’imagination. […] Même goût des idées originales et rares. […] Faguet a été affaibli par l’ardeur démonstrative et le goût du paradoxe ? […] Je garde en politique le goût de ces ordonnances majestueuses. […] Le faux goût n’y est pas rare ni les élégances et la recherche à la façon de M. 

314. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Depuis son enfance, il avait montré un goût extraordinaire pour la langue française. […] Tout, chez lui, vient de cette raison générale qui, dans la conduite, se manifeste par la vertu, et, dans les travaux de l’esprit, par le goût. […] Pour Patru, l’esprit de choix, le goût s’étaient révélés chez lui, comme chez Vaugelas, dès la première jeunesse. […] C’est ainsi que se prépara l’époque de notre littérature où l’on a eu le plus de goût, et où l’on a le plus inventé. […] On le lit fort peu, et ceux qui le lisent le lisent tard, par curiosité ou nécessité d’étude plutôt que par goût.

315. (1914) Boulevard et coulisses

Il exerçait une séduction difficile à analyser, mais où le goût dominait. […] Quoi d’étonnant si le goût public s’épaissit au lieu de s’affiner ? […] Il n’y a pas d’art sans civilisation ni sans goût, et, par suite, sans contrainte et sans choix. […] Même en littérature, nous avons introduit le sport, la politique, le goût de l’incident : nous n’avons plus de conversation purement littéraire ou artistique. […] Quand son autorité diminue, quand elle ne parle plus librement, c’est que la conscience de l’écrivain se trouble et que le goût public s’avilit.

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