Nous ne citerons pas Rousseau, dont l’autorité pourrait être suspecte ici ; mais Descartes, par exemple, s’est exprimé d’une manière bien étrange sur la science qui a fait une partie de sa gloire. […] Archimède doit sa gloire à Polybe, et Voltaire a créé parmi nous la renommée de Newton. […] La Gloire est née sans ailes ; il faut qu’elle emprunte celles des Muses, quand elle veut s’envoler aux cieux.
Et quand nous citons ces noms célèbres, nous les prenons au poids circulant de leur gloire, car pour nous ils ne valent, ni comme publicistes ni comme historiens, le haut prix de leur renommée. […] Ils ont séduit la gloire par le style et ils l’ont trompée. […] Nous venons de lire son livre avec le respect qu’inspirent les choses que le temps parfume et couronne de cette auréole de réflexion qui est la gloire de la sagesse, et, malgré notre profonde sympathie pour les œuvres lentement écrites et opiniâtrement élaborées, nous n’y avons pas trouvé ce que nous cherchions.
car, dans ce charnier de l’Histoire, les historiens qui ramassent les détritus des gloires humaines, comme les chimistes décomposant des gaz, doivent surmonter tous les dégoûts. […] Et nous constatons cet effet, qui fut un succès et qui méritait d’être une gloire, nous le constatons d’autant plus volontiers que, pour nous, le livre de Champagny a quelques faiblesses qu’il est important de signaler. […] Et que les conservateurs actuels, qui, malheureusement, ne savent pas toujours ce qu’ils ont à conserver, après avoir lu le livre de Champagny et appris ce que furent pour Rome la nationalité et la famille, osent enfin demander la force de notre pays à cette centralisation qui est le souvenir de l’ancienne unité romaine, et qui pourrait nous rapporter la même gloire !
Sans être marquée de ce cosmopolitisme du génie qui rend les grandes œuvres justiciables de la critique de tous les pays et en fait une acquisition pour le monde, cette histoire, que Macaulay s’est engagé à continuer jusqu’à nos jours, est, dans la pensée du célèbre écrivain, le monument de sa gloire future, ce point central sur lequel, quand on a quelque renommée, on veut en ramener les rayons. […] Nous ajoutons qu’un historien impartial aurait dit que c’était sa gloire, et que, dans cette position suprême, le Roi, aurait-il même eu du génie, — si le génie n’avait pas ébloui la conscience, ce qui lui arrive quelquefois, ou si une ambition vulgaire ne l’avait pas éteinte, — le Roi, repoussé par celle de tout un peuple, n’avait d’autre ressource que de tomber dans la pureté immaculée de la sienne. […] Mais la conscience fait aussi une gloire à ceux qui se dévouent pour elle, et elle a revêtu dans son tombeau la race ensevelie des Stuarts d’un suaire incorruptible au temps et lumineux comme une auréole !
Ce n’est pas ici le Lamennais des Œuvres complètes et du bruit qu’il a fait, infamie ou gloire, c’est le Lamennais secret, intime, de la Correspondance, lequel, surgissant soudainement de ces documents imprévus, renverse le Lamennais connu, le Lamennais presque légendaire, tant il était consacré ! […] … mais la Correspondance est là… une malingre chose humaine, apte aux tendresses du cœur et enfermant sa vie entre deux ou trois amitiés d’hommes et de femmes, qui le consolèrent toujours de tout dans les afflictions de sa gloire. […] Le 24 mai 1826, écrivant à la comtesse de Seult, un de ces anges d’amitié comme il en passa plusieurs dans sa vie, il se définissait sans regret, sans amertume et même sans tristesse : « un homme pauvre, sans nom, sans place, sans position, à qui bien prenait de ne rien demander aux hommes et de ne vouloir absolument rien d’eux » ; et excepté le sans nom, car la gloire, à cette heure-là, faisait du sien le plus beau qu’il y eût alors en Europe, tout était vrai dans cette définition qu’il donna de lui-même et qui resta vraie, même quand il eut abandonné Dieu pour les hommes.
S’il avait éclaté d’idéal, s’il avait porté cette marque brillante et délicate du Génie, il attendrait probablement encore, obscur et dédaigné, sa pauvre heure de gloire (Milton, hélas ! […] Charrière, qui a pour Gogol les bontés d’un homme d’esprit pour la personne qu’il a pris la peine de traduire, n’hésite pas à mettre les Âmes mortes à côté de Gil Blas, et, si cela lui fait bien plaisir, nous ne dérangerons rien à cet arrangement de traducteur ; car la réputation de Gil Blas — ce livre écrit au café, entre deux parties de dominos, a dit le plus fin et le plus indulgent des connaisseurs, — n’est pas une de ces gloires solides qui aient tenu contre le temps. […] En supposant que la Gloire, qui est une capricieuse, veuille se gargariser jamais avec les deux syllabes du nom de Gogol, les Âmes mortes, ce long poème en prose, feront moins d’honneur à leur auteur que tel petit poème ou telle petite nouvelle, son Tarass Boulba, par exemple, dont relativement on ne parle pas.
Il sait que les gloires les plus pures et les plus solides, espèces de diamants douloureux, se formant comme les plus lentes et les plus belles cristallisations. […] Nous voulons parler de cette analyse de la Raison, avec les huit facultés qui la composent, et qui sera peut-être pour la gloire philosophique de M. […] Daniel a les entrailles de son Ordre pour un genre d’enseignement qui en a fait la gloire.
Il est évident qu’un tel homme n’admet ni ancêtres, ni prédécesseurs ; mais il n’est pas moins évident non plus que si la parenté n’est pas reconnue par la volonté, elle subsiste dans la pensée, car, si elle n’y était pas, croyez-le bien, les philosophes modernes, plus ou moins issus de Descartes, auraient laissé bien tranquille dans sa niche de Saint, le grand Anselme de Cantorbéry, et ne lui auraient pas fait cette gloire posthume qu’ils se sont mis à lui faire, moins pour lui encore que pour eux ! […] Hildebrand ou Grégoire VII (car il est si grand, cet homme, que la gloire le connaît sous tous ses noms) avait fait du catholicisme le plus organisé des gouvernements. […] La véritable gloire de saint Anselme est d’avoir donné à tous les fidèles de son temps, du haut d’une position qui leur imposait et les entraînait, l’exemple du respect de l’obéissance poussé jusqu’au fanatisme, mais à un fanatisme pour la première fois désintéressé.
Mais est-ce assez pour la gloire austère du religieux et du prêtre que cette admiration sensible et cette sympathie de passage ? […] Du reste, il est aisé de prendre la mesure, en quelques traits, du monument (je ne retirerai pas le mot) qu’a élevé le Père Lacordaire à la gloire et au triomphe de la vérité chrétienne. […] Il en a eu un autre, qui passera comme les idées politiques par lesquelles on pourrait l’expliquer, mais l’empire qu’il tient de sa connaissance du cœur de l’homme ne passera point ; il restera son vrai mérite et sa vraie gloire.