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474. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

Par exemple, Achile, impatient de partir pour aller faire le siege de Troïe, attire bien l’attention de tout le monde, mais il interesse bien davantage à sa destinée un jeune homme avide de la gloire militaire, qu’un homme dont l’ambition est de se rendre le maître de soi-même pour devenir digne de commander aux autres. […] Comment un homme dont l’esprit est insensible à la gloire militaire, et qui ne regarde ce qu’on appelle vulgairement un conquerant que comme un furieux à charge au genre humain, peut-il être vivement interessé par les mouvemens inquiets de l’impetueux Achile quand il imagine qu’on conspire pour l’empêcher de s’aller immortaliser en prenant Troye.

475. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Il rêvait la gloire militaire ; le fantôme de Napoléon 1er le hantait. […] La royauté conserve dans nos vieilles sociétés une foule de choses bonnes à garder ; avec l’idée que j’ai de la vieille France et de son génie, j’appellerais cet adieu à la gloire et aux grandes choses : Finis Franciæ. […] Notre passé de gloire et d’empire venait comme un spectre troubler notre fête. […] Le Français est bon, étourdi ; il oublie vite le mal qu’il a fait et celui qu’on lui a fait ; l’Allemand est rancunier, peu généreux ; il comprend médiocrement la gloire, le point d’honneur ; il ne connaît pas le pardon. […] Chez nous, le patriotisme se rapportant aux souvenirs militaires était ridiculise sous le nom de chauvinisme, là-bas, tous sont ce que nous appelons des chauvins, et s’en font gloire.

476. (1925) Portraits et souvenirs

Elles sont son métier et sa gloire. […] Ce qu’il désira peut-être ne pouvait être que la gloire. […] La gloire était pour lui une obligation héréditaire. […] Attiré à lui par sa gloire, j’ai été séduit par sa grâce. […] On a hâte de connaître l’heureux survenant promis à la gloire et d’être le premier à le signaler.

477. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Ce morceau de papier moisi, voilà pourtant la colonne élevée à ma gloire ! […] Ô comble de la gloire ! […] Les Comédiens avaient compté sur Tartuffe pour leur fortune, Molière y comptait pour sa gloire. […] Elle a lutté vingt ans, non pas toujours sans succès et sans gloire. […] Le feuilleton devait tenir à cette gloire, elle était un peu en famille chez nous ; M. 

478. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Insensiblement le moindre barbier, flatté de son association, conçut des sentimens de vaine gloire. […] Ses infortunes ne firent qu’ajouter à sa gloire. […] La gloire & le repos sont enfin son partage. […] La gloire des castes est ce dont on est le plus jaloux. […] Il doit à leur fureur la gloire du martyre.

479. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Je ne vois réellement que Corinne qui ait acquis une gloire impérissable sans se modeler sur les anciens ; mais une exception, comme vous savez, confirme une règle. […] Si l’on joue Macbeth en prose, que devient la gloire de Sylla ? […] Je saurai me garantir de toute allusion maligne à la vie privée des auteurs dont j’attaque la gloire ; ces armes avilies sont à l’usage des faibles. […] 2º Détrôner la gloire des premières représentations. […] Napoléon affublé du manteau impérial en 1804 n’était plus le jeune général de 1796 qui cachait sa gloire sous la redingote grise qui sera son costume dans la postérité.

480. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Il y a une révélation dans la généalogie ; on ne doit pas trop s’étonner que les hommes de tous les siècles y aient attaché, sinon une gloire, du moins une signification. […] Ce succès éclatant à la fin de ses études l’introduisit presque encore enfant chez Nodier, dans cette société de l’Arsenal dont la gloire était Hugo, dont l’agrément était Charles Nodier. […] À l’exception de Mme de Staël et de M. de Chateaubriand qui, malgré leur génie, avaient bien conservé dans leur style quelques oripeaux, clinquant de la déclamation et de la rhétorique natale, tout était imitation servile de l’antique dans les poètes lauréats de la guerre, de la gloire, de la caserne, de l’académie et du palais. De 1815 à 1830 la liberté de tribune, la liberté de penser et la liberté d’écrire avaient relevé la nation de ces champs de bataille où elle avait trébuché à son tour et où elle gisait toute mutilée dans sa gloire et dans son sang. […] Ces gloires t’offusquent, tu aimes mieux les insulter que les atteindre !

481. (1739) Vie de Molière

Le théâtre commençait à fleurir alors : cette partie des belles-lettres, si méprisée quand elle est médiocre, contribue à la gloire d’un État, quand elle est perfectionnée. […] Ce fut alors que Poquelin, sentant son génie, se résolut de s’y livrer tout entier, d’être à la fois comédien et auteur, et de tirer de ses talents de l’utilité et de la gloire. […] On prétend que le prince de Conti voulut alors faire Molière son secrétaire, et qu’heureusement pour la gloire du théâtre français, Molière eut le courage de préférer son talent à un poste honorable. […] Il leur fallut un comédien Qui mît à les polir sa gloire et son étude ; Mais, Molière, à ta gloire il ne manquerait rien, Si, parmi les défauts que tu peignis si bien, Tu les avais repris de leur ingratitude. […] Voilà comme ce grand homme fut traité de son vivant ; l’approbation du public éclairé lui donnait une gloire qui le vengeait assez : mais qu’il est humiliant pour une nation, et triste pour les hommes de génie, que le petit nombre leur rende justice, tandis que le grand nombre les néglige ou les persécute !

482. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Il aima jusqu’à la fin la gloire, mais la gloire plutôt étendue que grande. […] Dans la biographie de Thomas Young, une des meilleures qu’il ait écrites, il arrive à une conclusion des plus judicieuses et des plus fines, lorsque, pour refuser à l’illustre docteur la gloire d’avoir découvert la vraie théorie des hiéroglyphes égyptiens et la maintenir à Champollion, il s’appuie de l’exemple de ce même Young et lui maintient contre Hooke l’honneur d’avoir découvert ce qu’on appelle en optique les interférences, se servant d’un raisonnement analogue dans les deux cas pour le couronner à la fois et pour le réduire. […] » — « Mais, dis-je, il est effectivement assez difficile d’ôter à Cavendish une gloire que, depuis plus de cinquante ans, les savants de tous les pays s’accordent à lui reconnaître. » — « Allons, répondit-il, je vois que vous êtes un aristocrate, et que Cavendish le lord aura raison devant vous contre Watt le mécanicien. » — « Ne serait-ce point, ajoutai-je à mon tour en riant, que, devant un démocrate comme vous, le grand seigneur doit nécessairement céder à l’enfant du peuple ? 

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