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645. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Changer souvent de mode en fait d’habit paraît une grâce, et garder la même un ridicule ; témoin les railleries qu’on faisait des gens restés fidèles, sous Louis XIV, au pourpoint qui se portait du temps du roi son père. […] On les prenait à gages, la mode ayant remplacé les fous par les beaux esprits, et ils faisaient des vers misérables, des épigrammes, des sonnets, des chansons galantes, pour égayer des gens de grande maison, occupés d’intrigues politiques. […] Il ne l’eût pas définie assez clairement pour les gens qui en manquent, et il savait que les bons esprits la sentent assez pour n’avoir pas besoin qu’on la leur définisse. […] Si l’humeur satirique s’y fait voir encore, ce n’est plus contre les poètes vaincus, mais contre les gens d’église, touchés d’une main légère qui effleure les personnes et n’atteint pas les choses. […] Imitation de Regnier : J’aime les gens hardys.. .

646. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

« L’établissement des autorités, tel que le propose Socrate, offre encore bien des dangers : il les veut perpétuelles ; cela seul suffirait pour causer des guerres civiles, même chez des hommes peu jaloux de leur dignité, à plus forte raison parmi des gens belliqueux et pleins de cœur. […] « En supposant que la minorité des gens de bien soit extrêmement faible, comment pourra-t-on statuer à son égard ? […] « Même objection toute pareille contre l’aristocratie, qui se fonde sur la vertu ; car, si tel citoyen est supérieur en vertu à tous les membres du gouvernement, gens eux-mêmes fort estimables, le même principe lui confère la souveraineté. […] À cette condition, bien des gens ne demanderont pas mieux que de soutenir le gouvernement ; car les hommes en général préfèrent une vie sans discipline à une vie sage et régulière. » Il passe enfin à la théorie des révolutions, son chef-d’œuvre ! […] Ce qui n’empêche pas que bien des gens, par cela seul que leur naissance est illustre, c’est-à-dire qu’ils ont pour eux la vertu et la richesse de leurs ancêtres qui leur assurent leur noblesse, se croient, en vertu de cette seule inégalité, fort au-dessus de l’égalité commune.

647. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Ces gens-là passent leur vie à se chercher sans se rencontrer, ignorants, ils vont plus loin même que leur ignorance. […] , quand je vois ces grossières créatures se mêler d’amour, je suis tenté de m’écrier, de quoi se mêlent ces gens-là ? […] Que ces gens-là soient vieux ou jeunes, beaux ou laids, vivants ou morts, qu’importe41 ? […] les imprudents, les insensés et les gens à courte vue ! […] Afin que leur joie eût un long souvenir dans l’âme des pauvres gens, le roi et la reine avaient constitué une pension de douze cents livres sur la tête de chaque enfant, venu au monde le même jour que la princesse royale, et cette pension de douze cents livres, qui avait été la fortune de son enfance et de sa jeunesse, mademoiselle Mars l’a touchée jusqu’à la fin de ses jours.

648. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Je compte encore au nombre de mes richesses la bienveillance de tous les gens de bien répandus dans le monde, même de ceux que je n’ai jamais vus et que je ne verrai peut-être jamais. […] « Ces gens-là, continue Pétrarque, ressemblent à ces prétentieux arbitres du goût dont parle Cicéron, qui blâment ou approuvent sans pouvoir donner raison de leur admiration ou de leur dégoût. […] Les applaudissements enroués des foulons du carrefour, des cabaretiers, des bouchers et autres gens de cette espèce, dont les louanges font plus de tort que d’honneur ?  […] Je n’approuve pas une solitude absolue : elle me paraît contraire à l’humanité ; mais à un homme de lettres, à un philosophe, peu de gens suffisent, parce que, à la rigueur, il pourrait se suffire à lui-même. […] Des pluies continuelles, les discours de mes amis qui ne voulaient pas me laisser partir, ce que j’apprenais des mauvais chemins par des gens qui revenaient de Bologne, tout cela m’a retenu si longtemps à Florence que j’ai enfin appris que, pour mon malheur, vous aviez été rappelé à Pavie.

649. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

» La causerie se promène sur les uns et les autres de notre monde, sur la difficulté de trouver des gens avec lesquels on puisse vivre, et qui ne soient ni tarés, ni insupportables, ni bourgeois, ni mal élevés. […] Il ne s’échauffe guère que vers cinq heures, quand il s’est mis au travail à midi… Il ne peut écrire sur du papier blanc, ayant besoin de le couvrir d’idées, à l’instar d’un peintre qui place sur sa toile ses premiers tons… Soudain, comptant le petit nombre de gens qui s’intéressent aux choix d’une épithète, au rythme d’une phrase, au bien fait d’une chose, il s’écrie : « Comprenez-vous l’imbécillité de travailler à ôter les assonances d’une ligne ou les répétitions d’une page ? […] Les gens qui l’aiment, font des livres où ils racontent ce qu’ils ont souffert à propos d’elle, car on n’aime que ce dont on souffre. — Oui, lui disons-nous, cela explique la maternité !  […] Elle s’adresse aux gens qui souffrent. […] * * * — Les gens qui ont beaucoup roulé dans la vie, et dans des positions subalternes, sont effacés, usés comme de vieux sous.

650. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

C’est trop d’écraser les gens de son luxe, et à la fois de leur prouver qu’on ne se ruine pas, que bien au contraire on ne dépense rien, et qu’on profite peut-être au maquignonnage ; c’est en vérité trop vouloir les mortifier d’un coup, et ils s’en vengent. […] il y a des gens qui aiment à se faire valoir en toute démarche et à se broder sur toutes les coutures. […] Vous avez trop bonne opinion de la nation pour ne pas croire qu’elle puisse produire des gens qui, soutenus uniquement par leur zèle, osent penser noblement… Trop heureux s’ils peuvent être bien connus, et si des ministres éclairés, attentifs, justes, sans humeur et sans passion (avis à Chamillart !), les démêlent à travers tous les mauvais offices dont de tels gens sont d’ordinaire accablés !

651. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Le grand homme a rendu l’âme à peine, qu’elle arrive là, au chevet du mort, comme les gens de loi. […] Il avait bien glissé çà et là au bout de quelque couplet un filet de tendresse grave, comme dans Si j’étais petit oiseau ;mais le coup décisif fut le Dieu des Bonnes Gens. […] À partir du Dieu des Bonnes Gens, toutes ses facultés, toutes ses passions tendres ou généreuses, se versèrent dans ce genre unique, qui ne lui avait semblé d’abord qu’une diversion et presque une dérogation à son talent. […] La Sainte Alliance des Peuples, composée dès 1818, est en quelque sorte un magnifique pavillon dressé au centre et au sommet de cette chaîne de collines, dont le dieu des Bonnes Gens décore le ciel.

652. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Certes, voilà bien « des gens propres à dévorer les bibliothèques !  […] On lit dans la préface du Dictionnaire critique : « Divertissements, parties de plaisir, jeux, collations, voyages à la campagne, visites et telles autres récréations nécessaires à quantité de gens d’étude, à ce qu’ils disent, ne sont pas mon fait ; je n’y perds point de temps. » Il était donc utile à Bayle de ne point aimer la campagne ; il lui était utile même d’avoir cette santé frêle, ennemie de la bonne chère, ne sollicitant jamais aux distractions. […] Je n’ai jamais pu souffrir le miel, mais pour le sucre je l’ai toujours trouvé agréable : voilà deux choses douces que bien des gens aiment. » Toute la délicatesse, toute la sagacité de Bayle, se peuvent apprécier dans ce trait et dans le précédent. […] Le jugement en gros sur ces deux personnages, Et ce fut de moi qu’il partit, C’est que l’un cherche à plaire aux sages, L’autre veut plaire aux gens d’esprit.

653. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Car il est justement l’œuvre de ce public nouveau que forment alors le nouveau régime et les nouvelles mœurs : je veux dire de l’aristocratie désœuvrée par la monarchie envahissante, des gens bien nés, bien élevés, qui, écartés de l’action, se rejettent vers la conversation et occupent leur loisir à goûter tous les plaisirs sérieux ou délicats de l’esprit348. […] Un mathématicien, un chimiste, etc., ne sont entendus que par une poignée de gens ; le littérateur, l’orateur s’adressent à l’univers354. » — Sous une pression si forte, il faut bien que l’esprit prenne le tour oratoire et littéraire, et s’accommode aux exigences, aux convenances, aux goûts, au degré d’attention et d’instruction de son public. […] Quand j’ai lu la série des romanciers anglais, Defoe, Richardson, Fielding, Smollett, Sterne et Goldsmith, jusqu’à Miss Burney et Miss Austen, je connais l’Angleterre du dix-huitième siècle ; j’ai vu des clergymen, des gentilshommes de campagne, des fermiers, des aubergistes, des marins, des gens de toute condition, haute et basse ; je sais le détail des fortunes et des carrières, ce qu’on gagne, ce qu’on dépense, comment l’on voyage, ce qu’on mange et ce qu’on boit ; j’ai en mains une file de biographies circonstanciées et précises, un tableau complet, à mille scènes, de la société tout entière, le plus ample amas de renseignements pour me guider quand je voudrai faire l’histoire de ce monde évanoui. […] Il semble que pour elle il n’y ait que des salons et des gens de lettres.

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