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263. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Ce qu’il méprise avant tout, ce sont les gens « en qui le servile surnage toujours », ou ceux encore à qui la duplicité est un instrument familier. […] On a souvent cité son mot dédaigneux sur Voltaire, qu’il appelle Arouet, « fils d’un notaire qui l’a été de mon père et de moi… » On en a conclu un peu trop vite, à mon sens, le mépris de Saint-Simon pour les gens de lettres et les gens d’esprit qui n’étaient pas de sa classe. Saint-Simon, dans ses Mémoires, se montre bien plus attentif qu’on ne le suppose à ce qui concerne les gens de lettres et les gens d’esprit de son temps ; mais ce sont ceux du siècle de Louis XIV ; c’est Racine, c’est La Fontaine, c’est La Bruyère, c’est Despréaux, c’est Nicole, il n’en oublie aucun à la rencontre. […] Il sait rappeler au besoin cette vieille bourgeoise du Marais si connue par le sel de ses bons mots, Mme Cornuel, Tels sont les gens d’esprit aux yeux de Saint-Simon. Quant à Voltaire, il en parle, il est vrai, comme d’un aventurier d’esprit et d’un libertin : on en voit assez les raisons sans les faire, de sa part, plus générales et plus injurieuses à la classe des gens de lettres qu’elles ne le sont en effet.

264. (1914) Boulevard et coulisses

Il le suppliait d’immoler un certain nombre de gens qu’il désignait par leur nom, de supprimer les scandales, de renverser nos institutions, et en somme de tout détruire pendant qu’il y était. […] Il inquiéta aussi notre administrateur, qui y vit un mauvais signe pour l’abonnement, et Mirbeau eut même deux ou trois duels avec les gens qu’il menaçait du choléra. […] Les gens qui, la veille, étaient couverts de dettes et couraient après un louis, mettaient dix mille francs en banque dans les tripots. […] Et nous entendrons un jour, dans notre extrême vieillesse, des gens nous dire peut-être : « Ah ! […] Des gens assemblés dans une salle de spectacle et qui sont venus là pour se distraire ont une tolérance illimitée.

265. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Remarquez, de plus, que Rousseau aime les gens qui aiment leur pays. […] Tous les gens sensés conviennent que la Pologne sera toujours le pays le plus malheureux de l’Europe tant que l’anarchie y régnera. […] Il est vrai que Confucius a dit qu’il avait connu des gens incapables de science, mais aucun incapable de vertu. […] Toutes les querelles de cette espèce ont commencé par des gens oisifs qui étaient à leur aise. […] Le nombre de ces gens faisant profession de célibat est prodigieux.

266. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 5-9

On a vu, par la publicité que je lui ai donnée, qu’elle nous enjoint d’être plus circonspects ; de nous reconnoître l’un & l’autre pour gens d’honneur, qu’un zele aveugle d’un côté, & un amour-propre d’Auteur de l’autre, a écartés du vrai ; qu’elle nous fait défense à tous deux de récidiver ; qu’elle supprime les écrits respectifs qui avoient donné lieu à la plainte de mon Adversaire & à la mienne ; & que, sur le surplus, elle nous met hors de Cour & de procès. […] Panckoucke pourra prévenir les murmures des Gens de Lettres, donner de la vogue au Mercure, & réunir à l’estime qu’on doit à ses lumieres économiques & littéraires, l’avantage de contribuer, sans aucun reproche, à l’amusement & à l’utilité du Public.

267. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

J’ai vu pour la première fois des petites gens porter dans les rues des palmiers en pot, des étrennes de plantes exotiques. […] Pourquoi prendre des renseignements sur ces gens-là ? […] L’autre semaine j’écrivais que les princes n’aiment pas les gens malades. […] Oui, je le proclame avec un certain orgueil, l’amour de la vérité, — cela qui a été l’ambition et la recherche de notre journal, n’a laissé rien filtrer de nos rancunes personnelles ou de nos ressentiments de la critique, dans la portraiture des gens que nous avons peints. C’est ainsi qu’on trouvera fort bien traités, des gens qui ont été féroces pour nous, et qu’on trouvera des laudateurs, auxquels nous ne trouvions pas de talent ou dont nous avions lieu de mépriser le caractère, — littéralement exécutés.

268. (1903) La renaissance classique pp. -

Ces gens de lettres ne savaient rien, n’avaient rien appris. […] Alors ces gens lâchés dans le monde eurent des effarements de collégiens échappés à la férule. […] Ils voyaient le monde à travers les préjugés des gens de collège et des gens de lettres. […] Ce sont les mêmes gens qui aujourd’hui voudraient imposer leur propre morale à nos ouvriers, que dis-je ? […] Il va sans dire que nous n’avons pas la prétention de répondre en savant, mais simplement en poète soucieux de voir clair dans des idées de sens commun familières aux gens de son métier.

269. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Beaucoup de gens souffrent de le lire. […] Il gesticule, il chantonne, il tape sur le ventre des gens, il fait le bouffon. […] Il exploite ses gens et sa famille, ses amis et ses ennemis. […] Comment des gens ainsi élevés supporteraient-ils les excès du drame ? […] Tout cela est fait pour les gens bien portants, non pour moi, qui défaille.

270. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Les lettres qu’elle écrit durant le terrible hiver de 1709 respirent la pitié pour les pauvres gens « qui mouraient de froid comme des mouches ». […] Elle était ce qu’on appelle une bonne maîtresse, et plus on l’approchait, plus on la regretta : Saint-Cloud, écrivait-elle dans l’automne de 1717, n’est qu’une maison d’été ; beaucoup de mes gens y ont des chambres sans cheminée ; ils ne peuvent donc y passer l’hiver, car je serais cause de leur mort, et je ne suis pas assez dure pour cela ; ceux qui souffrent m’inspirent toujours de la pitié. […] Au milieu de cette grande cour, je me suis retirée comme dans une solitude, et il y a fort peu de gens avec lesquels j’aie de fréquents rapports ; je suis de longues journées entières toute seule dans mon cabinet, où je m’occupe à lire et à écrire. […] Cependant « Le Malade imaginaire n’est pas celle des comédies de Molière que j’aime le mieux, disait-elle ; Tartuffe me plaît davantage. » Et dans une autre lettre : « Je ne puis vous écrire plus long, car on m’appelle pour aller à la Comédie ; je vais voir Le Misanthrope, celle des pièces de Molière qui me fait le plus de plaisir. » Elle admirait Corneille, elle cite La Mort de Pompée ; je ne sais si elle goûta Esther : elle aurait aimé Shakespeare : « J’ai souvent entendu Son Altesse notre père, écrivait-elle à sa demi-sœur, dire qu’il n’y avait pas au monde de plus belles comédies que celles des Anglais. » Après la mort de Monsieur et durant les dernières années de Louis XIV, elle avait adopté un genre de vie tout à fait exact et retiré : « Je suis ici fort délaissée (5 mai 1709), car tous, jeunes et vieux, courent après la faveur ; la Maintenon ne peut me souffrir ; la duchesse de Bourgogne n’aime que ce que cette dame aime. » Elle s’était donc faite absolument ermite au milieu de la Cour : Je ne fraye avec personne si ce n’est avec mes gens ; je suis aussi polie que je peux avec tout le monde, mais je ne contracte avec personne des liaisons particulières, et je vis seule ; je me promène, je vais en voiture ; mais depuis deux heures jusqu’à neuf et demie, je ne vois plus figure humaine ; je lis, j’écris, ou je m’amuse à faire des paniers comme celui que j’ai envoyé à ma tante. […] ce sont les manières du temps. » — Le duc de Richelieu, ce jeune fat qui tournait alors toutes les têtes et que des gens d’esprit aux abois ont cherché de notre temps à remettre à la mode dans le roman et au théâtre, est pour Madame l’objet d’une aversion singulière : il est peint par elle de main de maître (notamment pages 203, 221), parfaitement méprisable, avec ses charmes équivoques et légers, son vernis de politesse et tous ses vices.

271. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Les gens que vous avez le plus écoutés autrefois sont infiniment secs, raisonneurs, critiques, et opposés à la vraie vie intérieure5 : si peu que vous les écoutassiez, vous écouteriez aussi un raisonnement sans fin, et une curiosité dangereuse qui vous mettrait insensiblement hors de votre grâce, pour vous rejeter dans le fond de votre naturel. […] Les habiles gens vous feront alors justice ; et les habiles gens décident toujours à la longue dans le public. […] Les religieuses sont pourtant séparées, mais j’occupe une partie de leurs logements… » Interrogé sur un cas de conscience lorsqu’il venait de donner un conseil royal et de politique, Fénelon souffre évidemment ; il rassure en deux mots son élève : « Vous ne devez avoir aucune peine, lui dit-il, de loger dans la maison du Saulsoir : vous n’avez rien que de sage et de réglé auprès de votre personne ; c’est une nécessité à laquelle on est accoutumé pendant les campements des armées. » Mais il fait précéder sa réponse sur ce point-là de bien des avis plus généraux que le duc de Bourgogne devait être capable d’entendre : « On dit que vous êtes trop particulier, trop renfermé, trop borné à un petit nombre de gens qui vous obsèdent. […] Mais alors, et sans qu’il fût besoin de plus d’information, tous les gens sensés et honnêtes, les Fénelon, les Vauban, les Catinat, voient les défauts et cherchent, chacun de son côté, les remèdes dans des contrepoids, et dans le contrepied de ce qui est.

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