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719. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Celui qui devance son siècle, celui qui s’élève au-dessus du plan général des mœurs communes doit s’attendre à peu de suffrages, il doit se féliciter de l’oubli qui le dérobe à la persécution. Ceux qui touchent au plan général et commun sont à la portée de la main, ils sont persécutés ; ceux qui s’en élèvent à une grande distance ne sont pas apperçus, ils meurent oubliés et tranquilles.

720. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Quant aux autres auteurs qui n’offrent pas, selon nous, un « profit immédiat », loin d’en avoir dédaigné la lecture, nous avons dit en propres termes : « On trouvera chez eux (les auteurs sans procédés) tout ce qui se transmet par instinct, tout ce que fournît l’inspiration tranquille, l’ensemble des qualités de bon sens, de clarté, de finesse, d’équilibre qui font un ton général. » (Art d’écrire, p. 298.)‌ […] Il fera peut-être un chef-d’œuvre, s’il a du génie, mais, en général — et c’est au point de vue général qu’il faut se placer lorsqu’on enseigne, — l’éclosion, la révélation, l’éducation et la formation du talent se font à peu près pour tout le monde, par la lecture. « Le talent, a dit Flaubert, se transfuse toujours par infusion. » On pourra chicaner, distinguer, sophistiquer, alambiquer, citer des cas et des exceptions, voilà la règle, voilà le fait.‌

721. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Inutilement exposons-nous pendant 300 pages les procédés de travail et la psychologie littéraire des grands écrivains, pour en dégager une théorie générale et un enseignement pratique. […] Albalat sont un danger public », dit M. van Oennep (Revue générale de bibliographie, novembre 1903).

722. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

D’autre part, une théorie de la connaissance, qui ne replace pas l’intelligence dans l’évolution générale de la vie, ne nous apprendra ni comment les cadres de la connaissance se sont constitués, ni comment nous pouvons les élargir ou les dépasser. […] Car, si elles réussissaient dans leur entreprise commune, elles nous feraient assister à la formation de l’intelligence et, par là, à la genèse de cette matière dont notre intelligence dessine la configuration générale.

723. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Pour lui pas de théorie générale, de système ni de méthode ; la curiosité pratique le dirige. […] Quant au lien général et aux lois métaphysiques, il ne s’y aventure pas ; il est plus de tact que de doctrine, particulièrement occupé de l’homme civilisé, de l’accident social, et il s’en tient dans ses énoncés à quelques rapprochements pour lui manifestes, sûr, après tout, que les choses justes ne se peuvent jamais contrarier entre elles. […] L’impression générale que lui laissa la Révolution fut celle d’un affreux spectacle qui blessait toutes ses affections et ses habitudes, quoique plutôt dans le sens de ses opinions. […] La Décade, qui allait tout à l’heure devenir impossible, représentait cette philosophie dans ce qui lui restait d’ardeur non découragée et de prosélytisme, dans son ensemble systématique et ses doctrines générales, et embrassait à la fois la politique, la religion, l’idéologie, la littérature. […] » Cette agréable explication n’empêche pas le tour d esprit général des Contradictions d’être d’instinct et non d’emprunt, naturel chez l’auteur et non fait exprès.

724. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Comme les peintures qu’on a données de ce genre de beautés naturelles n’ont commencé que tard dans notre littérature ; comme avant Jean-Jacques, Buffon et Bernardin de Saint-Pierre, on n’en trouve que des éclairs et des traits épars, sans ensemble, il faut bien que la tournure générale des idées et des croyances y ait influé. […] De tableau général, de peinture et de vue d’ensemble, il n’en faut pas demander à nos bons aïeux. […] Sa Chaumière indienne, publiée en 1791, fut introduite également dans les Études, et, à partir de ce moment, son œuvre générale peut être considérée comme achevée ; car les Harmonies, qui ont de si belles pages, ne sont que les Études encore et toujours. […] Toutefois, l’infériorité incomparable du talent poétique de Cicéron en face de sa gloire d’orateur et d’écrivain philosophique demeure une preuve à l’appui du fait général. […] » — « Non, je ne le connais pas ; j’ai lu dans le temps quelques extraits du Génie du Christianisme  : son imagination est trop forte. »  — Ceci rentre dans une observation générale sur laquelle je reviendrai plus d’une fois : c’est qu’en littérature, en art, on n’aime pas d’ordinaire son successeur immédiat, son héritier présomptif.

725. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Esclave de la Providence, qui le fait naître ici ou là, sans qu’il ait choisi ou accepté ni le temps, ni le lieu, ni la saison, ni la condition, ni la famille où il surgit à l’existence ; esclave de la mère qui l’accueille ou le repousse de son sein ; esclave du père qui brutalement a le droit de vie ou de mort sur ses enfants ; esclave de la famille qui s’élargit ou qui se ferme pour lui ; esclave de frères ou de sœurs nés avant lui, qui en font leur serviteur et leur bête de somme pour se décharger sur lui du travail nourricier de tous ; esclave de l’État qui lui inflige la condition dans laquelle il doit se ranger ; esclave des lois établies qui lui prescrivent l’obéissance non délibérée aux prescriptions sociales ; esclave du travail qui doit nourrir lui et ses frères ; esclave de la mort, si le salut de la société lui demande sa vie sur les champs de bataille ; esclave dans son corps, esclave dans son esprit, esclave dans son âme par la supériorité de force de tous contre un seul, par l’éducation qui lui impose ses idées, par la religion qui lui enseigne ses croyances ; esclave de la volonté générale qui lui inflige ses punitions, ses expiations, même la mort. […] Démocratie, aristocratie, monarchie représentative, monarchie absolue, démagogie sans limites, sans capacité et sans responsabilité, théocratie sans contrôle et sans réforme possible ; divinité de Dieu incarnée dans le pontife ou dans le corps sacerdotal, gouvernements mixtes, où les pouvoirs se gênent par les frottements ou bien s’équilibrent dans l’immobilité par les contrepoids ; despotisme, tyrannie, anarchie, enfin maximes destructives de tout gouvernement, telle que celle-ci : « La souveraineté ne peut être représentée par la même raison qu’elle ne peut être aliénée, parce qu’elle consiste dans la volonté générale, et que la volonté ne se représente pas ! […] IX Plus loin, Rousseau prétend établir que, les citoyens étant égaux (ce qui n’est pas plus vrai des hommes que des arbres), nul n’a le droit d’exiger qu’un autre fasse ce qu’il ne fait pas lui-même, ce qui condamnerait le souverain à monter la garde à la porte de son propre palais, ou le général à combattre au même rang et au même poste que chacun de ses soldats ! […] Mais, répondrons-nous aux sophistes, indépendamment de ce que cette volonté, supposée unanime, n’est jamais unanime, qu’il y a toujours majorité et minorité, et que la supposition d’une volonté unanime, là où il y a majorité et minorité, est toujours la tyrannie de la volonté la plus nombreuse sur la volonté la moins nombreuse ; Indépendamment encore de ce que le moyen de constater cette majorité n’existe pas, ou n’existe que fictivement ; Indépendamment enfin de ce que le droit de vouloir, en cette matière si ardue et si métaphysique de législation, suppose la capacité réelle de vouloir et même de comprendre, capacité qui n’existe pas au même degré dans les citoyens ; Indépendamment de ce que ce droit de vouloir, juste en matière sociale, suppose un désintéressement égal à la capacité dans le législateur, et que ce désintéressement n’existe pas dans celui dont la volonté intéressée va faire la loi ; Indépendamment de tout cela, disons-nous, si la souveraineté n’était que la volonté générale, cette volonté générale, modifiée tous les jours et à toute heure par les nouveaux venus à la vie et par les partants pour la mort, nécessiterait donc tous les jours et à toute seconde de leur existence une nouvelle constatation de la volonté générale, tellement que cette souveraineté, à peine proclamée, cesserait aussitôt d’être ; que la souveraineté recommencerait et cesserait d’être en même temps, à tous les clignements d’yeux des hommes associés, et qu’en étant toujours en problème la souveraineté cesserait toujours d’être en réalité ?

726. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il n’en est pas de même du cartésianisme comme méthode générale pour rechercher et exprimer la vérité. […] Une comparaison entre l’esprit du cartésianisme comme méthode générale, et l’esprit du seizième siècle, rendra plus sensible la nouveauté de ce plan. […] Sans accorder à ses contradicteurs qu’il était aussi instruit en toutes choses qu’homme de son siècle, et de beaucoup le plus instruit dans les matières de science et de philosophie, on peut dire que l’antiquité, qu’il avait arrachée de sa mémoire, comme corps de doctrines, y était restée comme méthode générale ; et c’est par l’effet d’une illusion qu’il crut inventer beaucoup de choses qu’il retrouvait. […] Il se jette à chaque instant hors de la raison générale, qu’il n’a pas d’ailleurs reconnue ; et bon nombre de ces délicatesses de pensée et d’expression, de ces nuances dont son style est chargé, ne peuvent passer de son esprit dans l’esprit de ses lecteurs. […] Ce n’est pourtant pas toute la langue, mais c’est tout ce qui n’en changera pas et la rendra toujours claire pour les esprits cultivés ; c’est, si je puis parler ainsi, la langue générale.

727. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

C’étaient, dans la grande armée de l’Église, des sous-officiers instructeurs, auxquels il eût été injuste de demander la distinction des officiers généraux. […] Pinault m’apprit d’histoire naturelle générale et de physiologie m’initia aux lois de la vie. […] Je pensais surtout à Malebranche, qui dit sa messe toute sa vie, en professant sur la providence générale de l’univers des idées peu différentes de celles auxquelles j’arrivais. […] J’admettais la révélation en un sens général, comme Leibniz, comme Malebranche. […] C’est par la chimie à un bout, par l’astronomie à un autre, c’est surtout par la physiologie générale que nous tenons vraiment le secret de l’être, du monde, de Dieu, comme on voudra l’appeler.

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