Néron, malgré ses cruautés, était populaire, et les bruits sur sa mort s’étaient fort contredits : c’était assez pour ouvrir la voie aux fourbes qui se donnèrent pour lui, et aux dupes qui les crurent. […] De nos jours, on a fort abusé des idées et des considérations générales, des influences diverses qu’on a fait jouer à volonté à travers les siècles ; M. […] Dans Le Vase étrusque, l’auteur s’est plu à retrouver des passions fortes et à les dessiner en quelques traits jusque sous notre civilisation élégante ; plus habituellement, il s’est attaché à les découvrir ou à les créer hors du cadre des salons, et, se détournant des caractères effacés qu’on y rencontre, il s’est mis en quête des natures primitives appartenant à un état de société antérieur, et qui sont comme égarées dans le nôtre. […] Mérimée a pris son parti plus franchement, ou du moins de propos plus délibéré : il donne tout d’abord ses deux personnages pour deux coquins ; il ne s’agit guère ensuite que du degré ; il s’agit surtout de voir comment l’amour naît, se comporte et se brise, ou persiste malgré tout, dans ces natures fortes et dures, dans ces âmes sauvages. […] ne soyez dupes de mon brigand et de ma bohémienne qu’autant que vous le voudrez. » Après s’être si fort avancé en fait de couleur locale primitive, l’auteur, à son tour, ne veut pas qu’on le croie plus dupe qu’il ne faut.
Françoise d’Issembourg de Happoncburt, femme de François Hugo, chambellan de Lorraine, et fort célèbre sous le nom de Mme de Graffigny, écrit à M. […] Cela faisait une forte vision pour leur esprit. […] Les rhétoriques, officielles et officieuses, nous avons signalé cette sagesse, prennent de fortes précautions contre les génies. […] Le fort, le grand, le lumineux, sont, à un certain point de vue, des choses blessantes. […] Ô bonté des forts !
Ceux-ci, en effet, n’étant rien par eux-mêmes, sont les agents passifs de la majorité ; ils peuvent donc tout faire, pourvu qu’ils épousent ses passions : « garantis par l’opinion du plus grand nombre et forts de son concours, ils osent alors des choses dont un Européen habitué au spectacle de l’arbitraire s’étonne encore. » Une conséquence plus grave, et la plus grave de toutes, c’est l’asservissement de la pensée. […] L’extrême petitesse de chacun comparé au tout décourage et désarme la force morale : il semble même que la disproportion d’une âme forte et d’une situation faible a quelque chose d’inconvenant ; on craint de jouer au héros, et, chacun se diminuant ainsi par faiblesse et par scrupule, il en résulte une diminution générale, qui, en se perpétuant et en s’aggravant de génération en génération, pourrait avoir de tristes effets. […] A la vérité, on pouvait lui opposer la fragilité du pouvoir dans certains États démocratiques ; mais il répondait que le pouvoir était fragile, précisément parce qu’il était trop fort et trop concentré. […] En second lieu, plus un pouvoir est fort et étendu, plus il a de besoins à satisfaire, par conséquent plus il provoque d’inimitiés. […] Sans doute il est étrange de dire qu’un gouvernement périt parce qu’il est trop fort, car il est évident qu’au moment où il a succombé il était le plus faible ; mais c’est l’extrême concentration qui a permis de l’attaquer avec avantage sur un point unique, comme on s’empare d’un pays en prenant sa capitale.
J’ai ouï dire que ce fut assez tard que Philarète Chasles reçut le baptême ; mais le baptême n’efface que le péché originel dans l’homme, il ne remplace pas l’éducation chrétienne qui fait les seuls forts dans l’ordre moral comme les seuls voyants dans l’ordre intellectuel. […] Aussi fut-ce l’absence de gravité que le bossu Villemain, qui s’était fait grave, de peur de n’être rien, opposa au critique muscadin, autrement fort que lui, qu’il jalousait, et qui mettait par-dessus la plus vaste, la plus étonnante des littératures, de petits airs à la Brummell. […] Masque qui reprenait sa figure parce qu’il avait le désespoir de l’illusion… Non, je n’ai jamais vu d’opposition plus vive qu’entre ces deux critiques et ces deux professeurs du xixe siècle, contrastant en tout, — excepté en convictions fortes et en autorité morale qu’ils n’avaient pas plus l’un que l’autre, ce qui les frappe également tous deux de néant et leur enlève, du coup et pour jamais, toute grande influence sur les hommes ! […] Elle lui avait donné, à lui plus brillant que solide, plus souple que fort, plus littéraire que spirituel, quoiqu’il fût spirituel et même spiritualiste, — un des derniers spiritualistes sur lesquels le vent de la mort qui maintenant s’élève souffla, comme il souffle, pour les éteindre, sur ces derniers flambeaux, — elle lui avait donné de son protestantisme irréligieux et de son utilitarisme humanitaire, et ces deux faussetés en nature humaine et ces deux disgrâces en littérature ! […] J’y trouve le reviewer que Chasles avait rapporté d’Angleterre dans sa personne ; car il fut le premier des reviewers en France et il est demeuré le plus fort de tous.
Pour comble, l’un exalta les planètes, êtres intelligents doués de la vie aromale, celui-ci l’escadron des anges swédenborgiens, celui-là la circumnavigation des âmes à travers les astres, un autre le passage des pères dans le corps des fils, un autre le culte officiel de l’humanité abstraite, et « l’évocation cérébrale des morts chéris. » Sauf les deux premiers siècles de notre ère, jamais le bourdonnement des songes métaphysiques ne fut si fort et si continu ; jamais on n’eut plus d’inclination pour croire non sa raison, mais son cœur ; jamais on n’eut tant de goût pour le style abstrait et sublime qui fait de la raison la dupe du cœur. […] Soutenez la liberté française encore mal assurée et chancelante au milieu des tombeaux et des débris qui nous environnent, par une morale qui l’affermisse à jamais ; et cette forte morale, demandons-la à jamais à cette philosophie généreuse, si honorable pour l’humanité, qui, professant les plus nobles maximes, les trouve dans notre nature, et qui nous appelle à l’honneur par la voix du simple bon sens96. — Sorti du sein des tempêtes, nourri dans le berceau d’une révolution, élevé sous la mâle discipline du génie de la guerre, le dix-neuvième siècle ne peut en vérité contempler son image et retrouver ses instincts dans une philosophie née à l’ombre des délices de Versailles, admirablement faite pour la décrépitude d’une monarchie arbitraire, mais non pour la vie laborieuse d’une jeune liberté environnée de périls97. […] Entre ceux-là on ne voit guère que de petites dissidences : l’un est plus orateur, l’autre plus critique ; celui-ci psychologue de fondation, et autrefois trempé dans la phrénologie ; celui-là homme du monde et littérateur ; un autre grand ami de Kant, un autre moins dédaigneux pour Hégel ; il n’y a là que des différences de lectures et de caractères. — D’autres causes de durée sont plus fortes. D’abord la doctrine, telle qu’elle est aujourd’hui, est fort voisine du christianisme, et recueille naturellement tous ceux qui en tombent. […] Enfin, en matière d’idées, le Français est naturellement discipliné, fort différent des Allemands qui réfléchissent chacun à sa façon et chacun dans son coin, très-docile aux opinions courantes, très-paresseux contre les opinions nouvelles, très-grognon quand on dérange ses habitudes, et qu’au lieu de réciter il est contraint de penser.
Fort attentif aux bienséances, il est soigné, quoique simple sur sa personne. […] De temps en temps, il prend des notes sur un cahier relié fort propre, avec un porte-crayon d’argent, toujours rempli de mine de plomb choisie, d’une petite écriture régulière et nette, qu’un copiste admirerait. […] Quoique fort bon, il n’est point philosophe humanitaire. […] On a passé des siècles à raisonner sur la force vitale ; et des gens fort savants, à Montpellier, dépensent encore en son honneur la moitié de leur temps et tout leur esprit. […] Cela signifie que depuis cinq cents ans, les Français ont eu presque toujours des gouvernements presque absolus ; qu’étant vaniteux et sociables, ils ne savent pas inventer leurs opinions et leurs actions ; qu’étant théoriciens et moqueurs, ils font mal et respectent mal leurs lois ; qu’étant vifs et imprudents, ils se prennent d’enthousiasme et d’alarme trop vite, trop fort, et mal à propos, dans leurs résolutions et dans leurs révolutions.
Les Chinois racontent d’une manière fort ingénieuse comment a été fixée la série de sons qui constitue l’échelle musicale. […] « Frappe de nouveau la lyre d’or, plus fort ! et plus fort encore ! […] La main de la religion lui paraît seule assez forte et assez douce pour la lui faire accepter sans mourir. […] Mon ami, ce n’est pas d’aujourd’hui, c’est depuis fort longtemps que je suis préparé !
qui n’est presque jamais l’intérêt profond, passionné, à impression ineffaçable, que donnent les livres forts et grands ; mais il a cette fleur de l’amusement qu’on respire, — et qu’on jette aussi (rarement pour la reprendre) après l’avoir respirée. […] Il le sait mieux que moi, sans doute, mais, moi, je parierais avec assurance que c’est un événement extérieur d’une forte action sur sa pensée qui a poussé dès l’origine son esprit vers la forme de roman qu’il a adoptée, et faussé ainsi sa vraie vocation. […] VIII Eh bien, cette difficulté, souvent plus forte que le talent des plus forts, n’existe plus pour Féval une fois qu’il est en Bretagne ! […] Sans contredit, il faut être fort pour se courber là-dessous sans se rompre ! […] Eugène Sue avait donné un fort coup de pompe à cette boue.
Le réaliste, lui, nous attribue toutes les maladies morales possibles dans son esprit, et, fort heureusement, il n’en réalise pas la vérification au dehors. […] Là, devant ces plaques rappelant les noms des Gaos morts en mer, son amour devient plus fort, prend à jamais racine dans son cœur : il prévoit l’au-delà et il va par-delà la mort. […] Il réfléchit un peu ; puis, avec le doigt, il osa frapper contre la vitre : pas de réponse ; il frappa plus fort. « — Quand je devrais casser de vitre, il faut en finir. » Comme il frappait très fort, il crut entrevoir, au milieu de l’obscurité, comme une ombre blanche qui traversait sa chambre. […] Ces marionnettes ont fort peu d’humain en elles ; aussi la peinture qu’on en peut faire n’est-elle que l’ombre d’ombres. […] Elles sont souvent fort ingénieuses et fort jolies, littérairement parlant, les applications des vérités scientifiques dans les romans de Jules Verne.