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2050. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Jamais on n’a creusé plus avant ; jamais on n’a saisi plus vaste ; jamais on n’a étreint et tordu plus fort ! […] Pour le fort spiritualiste qui a pensé audacieusement un tel conte, le crime intellectuel serait aussi certain, aussi positif, aussi réprouvé que si le sang physique avait coulé des veines de la victime rêvée, et le remords et l’épouvante qu’il cause vont jusqu’à la folie et au suicide.

2051. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

… L’expression ravale et insulte, mais les sentiments, quand ils ont cette intensité, grandissent tout ce qu’ils touchent, à plus forte raison tout ce qu’ils frappent ! […] En effet, toutes les pièces de ce recueil d’Idylles sont superbes, et d’un pathétique d’autant plus grand que le désespoir y est plus fort que l’espérance ; qu’il y a bien ici, à quelques rares moments, des volontés, des redressements et des enragements d’espérance, mais tout cela a l’air de s’étouffer dans le cœur et la voix du poète, et on épouse sa sensation… Les hommes sont si faibles et ont tant besoin d’espérer, que c’est peut-être ce qui a fait un tort relatif aux Idylles prussiennes de M. 

2052. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Ironie charmante de la Providence à laquelle il ne veut pas croire, l’athéisme de Pichat est d’un talent qui se fonce tout à coup quand il traduit en vers, souvent très beaux, les croyances de sa jeunesse, et que l’accent exécré, l’accent catholique plus fort que lui, passe à travers la langue de sa poésie, — cet accent qu’il finit toujours par renier, quand il s’en est le mieux servi… Ce qui n’est pas reconnaissant ! […] Talent spontané, trop vrai et trop fort pour ne pas échapper à l’espèce d’endiguement où il ne peut pas tenir et où il étouffe, de temps en temps il passe sublimement par-dessus.

2053. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Il y arriva comme eux, robuste, armé, prêt à tout, se distinguant comme un des premiers et des plus solides de cette Légion de romantiques qu’on pourrait appeler : « les forts en Israël », et dont il ne restait plus guères, quand il mourut, que Victor Hugo, lequel nous semblait — comme le Louis XIV qu’il haïssait certainement, mais qu’il n’eut peut-être pas été fâché de rappeler — devoir fermer probablement le cortège de son siècle. […] Cet exaspéré, qui possédait le bon sens des grands Satiriques, le bon sens des Juvénal, des Régnier, des Agrippa d’Aubigné et dès Gilbert, l’a, comme eux, sous la forme la plus vibrante du verbe, et il y ajoute la vibration du rire, cet autre verbe qu’on entend plus fort que les mots !

2054. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

Eh bien, en face de ce type brillant et cependant commun dans sa rareté humaine (un poète débauché), madame Sand édifie une femme forte, contenue, résolue, raisonnable, dans laquelle on ne reconnaît guères le gamin des Lettres d’un voyageur, qui se nommait voyou si joliment lui-même autrefois ! […] seulement deux lignes plus bas, ce pauvre cerveau chancelant, que les critiques galantins de ce temps appellent une tête forte, écrit, de sa plume titubante de femme littéraire : « L’exercice de la vie est le combat éternel contre soi », et elle ne s’aperçoit pas qu’elle est en pleine contradiction avec elle-même !

2055. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

en face de ce type brillant et cependant commun dans sa rareté humaine (un poëte débauché), Mme Sand édifie une femme forte, contenue, résolue, raisonnable, dans laquelle on ne reconnaît guère le gamin des Lettres d’un voyageur, qui se nommait voyou si joliment lui-même autrefois ! […] Deux lignes plus bas que celles dans lesquelles Thérèse se donne et qu’il ne faut pas se lasser de citer : « J’ai été coupable envers toi, et n’ayant pas eu la prudence égoïste de te fuir, il vaut mieux que je sois coupable envers moi-même », oui, seulement deux lignes plus bas, ce pauvre cerveau chancelant, que les critiques galantins de ce temps appellent une tête forte, écrit de sa plume titubante de femme littéraire, « l’exercice de la vie est le combat éternel contre soi », et elle ne s’aperçoit pas qu’elle est en pleine contradiction avec elle-même !

2056. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Peu à peu ses sons se polirent, mais il ne devint une langue harmonieuse, précise et forte, que sur la fin du règne de Louis XIII. […] L’éloquence et les discours de ces temps-là étaient donc bien loin d’avoir cette rudesse originale et forte, qu’il semblerait qu’on dut attendre au sortir des siècles de barbarie.

2057. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

L’éloge funèbre des officiers est d’un genre différent : le style en est plus oratoire, et la philosophie plus forte. […] Il n’a point le tour original, fort et rapide de La Bruyère, mais il peint souvent par de grands traits l’homme que La Bruyère n’a peint que par les ridicules et les faiblesses.

2058. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Voilà de l’injustice ; nous abusons du droit du plus fort ; des deux voisins, le plus gros écrase l’autre ; nous nous faisons le centre unique ; il est vrai qu’en ceci nous le sommes devenus un peu. […] Genève est le pays qui a envoyé et comme prêté au monde le plus d’esprits distingués, sérieux et influents : De Lolme à l’Angleterre, Le Fort à la Russie, Necker à la France, Jean-Jacques à tout un siècle, et Tronchin, Étienne Dumont, et tant d’autres, en même temps qu’elle en a recueilli et fixé chez elle un grand nombre d’éminents de toutes les contrées aux divers temps. […] Il y voit avec raison le germe de bien de travers et de bien des maux : être et paraître, c’est à l’écraser et à l’extirper, ce besoin de faire effet, qu’il croit que consiste le plus fort de la morale : « Chose singulière ! […] Ceux-ci lui répondent ; les lettres de Louise surtout sont fort jolies et d’une piquante finesse. […] Il a été fort question d’idylle en tout ceci : nous ne pouvions mieux la clore.

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