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384. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Elle semble avoir reçu de l’antiquité sa forme définitive. […] Peu d’écrivains ont réalisé comme Alfred de Vigny l’idéal qu’on se forme du poète. […] Son vaste talent embrassait la nature entière, et tout ce qui avait vie, forme et couleur était du ressort de sa palette. […] La forme était peut-être excessive, mais nous avions raison de défendre la liberté de l’art. […] On n’a plus qu’une suite de surmoulages de formes de plus en plus effacées.

385. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

En 89, tout était à détruire, clergé d’État, noblesse à privilèges, monarchie prodigue et dévorante, parlements usurpateurs et stationnaires ; le tiers état, accablé d’humiliations et de charges, se ressaisissait de ses droits ; une philosophie hostile battait en brèche la religion ; une politique absolue, éprise de certaines formes, tendait à se réaliser dans les lois. […] Ces passions violentes et fatales, même dans leur générosité ; ces utopies politiques et sociales, filles du xviiie  siècle, et qui étaient devenues le rêve des plus chauds et des plus nobles cœurs ; ce prestige républicain, attaché à certaines maximes, à certaines formes de gouvernement ; cette éducation de collège et de livres, toute romaine : et Spartiate, sans l’intelligence de ce qui diffère dans les temps modernes ; enfin la guerre au dehors qui excitait et commandait l’énergie en toutes choses : voilà les causes réelles qui renversèrent la Constitution de 91 : et qui eussent renversé toute autre eu sa place ; voilà, en y ajoutant les faits et les mille incidents qui survinrent, ce qui amena le 10 août, la Convention » et la Montagne. Des passions semblables, quoique en sens inverse, des ressouvenus terrifiants de 93, des réactions religieuses et monarchiques, un regret superstitieux de l’ancienne forme en haine du sang qui avait souillé la nouvelle, un sublime égarement de guerre et de conquête : voilà encore ce qu’il fallut pour renverser la Constitution de l’an III, moins brillante, moins hardie que celle de 91, mais aussi sincère, aussi consciencieuse, et d’une modération profonde, d’une graduation expérimentée dans toutes ses parties. […] Personne n’est dupe des formes politiques, ni esclave d’une dénomination de gouvernement ; chacun sait que telle monarchie comporte souvent bien plus de liberté que telle république.

386. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Un peuple consulté peut à la rigueur dire la forme de gouvernement qui lui plaît, mais non celle dont il a besoin ; il ne le saura qu’à l’usage : il lui faut du temps pour vérifier si sa maison politique est commode, solide, capable de résister aux intempéries, appropriée à ses mœurs, à ses occupations, à son caractère, à ses singularités, à ses brusqueries. […] La forme sociale et politique dans laquelle un peuple peut entrer et rester n’est pas livrée à son arbitraire, mais déterminée par son caractère et son passé. […] Mais, sous cette forme nouvelle comme sous la forme ancienne, le faible est toujours la proie du fort.

387. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Ils savent combien la forme de Mallarmé le traduit fidèlement, simplement, qu’il est modèle de pensée libre, hardie, harmonieuse, d’expression originale, non professeur d’un procédé. […] Maurice Le Blond Quant à la forme poétique dont il usa pour parfaire de beaux poèmes comme Apparition, les Fleurs ou ce fragment d’Hérodiade que jamais il n’eut l’audace et la foi d’achever, ce serait une grossière erreur de croire qu’elle lui appartient en propre. […] En lui se résume et se concrète l’épuisement d’une école dominée par la folie intempérante de la forme. […] Le Romantisme, né d’influences étrangères comme la Pléiade autrefois, avait enrichi la Poésie d’une multitude de couleurs et de formes, d’une harmonie plus sonore et d’une émotion nouvelle.

388. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

L’individu recherche la volupté qui lui semble son but à elle-même, il veut augmenter son bien-être par la science ; qu’importe si son désir le trompe et exploite son effort, au profit d’autres buts, puisque aussi bien cette forme individuelle qui, sous ce nom de moi, désirait, s’est déjà dissipée pour faire place à un fantôme nouveau et aussi éphémère ? […] À savoir qu’ils ne peuvent rien changer à la forme de leur volonté, aux modes de leur activité, à la fatalité de leurs passions, non plus qu’aux circonstances avec lesquelles leur personne doit en venir aux prises, la plupart des hommes seraient atteints de désespoir ou frappés de torpeur. Au contraire, une confiance joyeuse, une ardeur singulière et un intérêt puissant les stimulent à se persuader qu’à tout moment ils sont maîtres de changer leur destinée en modifiant souverainement la forme de leur âme, en modifiant aussi en quelque mesure la forme du monde.

389. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

C’est dans la grotte de Nysa que Bacchus se forme et s’achève. […] Les deux sexes se fondent dans les molles ondulations de ses formes : ses bustes font souvent hésiter l’œil de l’archéologue : discrimen obscurum. […] Les ex-voto ne sont plus des chevelures arrachées, mais de petits Amours d’or suspendus à des branches d’anis, des broderies brillantes, des gâteaux de miel pétris en forme d’oiseaux. […] Leurs dieux mariés à leurs mères engendrent d’autres dieux qui ne sont qu’eux-mêmes, reparaissant sous une autre forme. […] Il a perdu toute personnalité distincte, toute forme vivante.

390. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Ce fut la forme où s’arrêta La Rochefoucauld, pour y ramasser son expérience. […] De la littérature dont on l’amuse, le monde a extrait deux formes qui n’existaient pas isolément, a constitué pour son divertissement deux genres qu’il a rendus ensuite à la littérature : les Maximes et les Portraits. […] La délicatesse de la culture mondaine affine l’esprit et le style des auteurs, et de là vient, avec la richesse du genre, l’agrément des œuvres : il en est peu que la forme au moins ne fasse lire ; et beaucoup sont vraiment et solidement exquises. […] Entre deux ordinaires, elle fait sa provision d’idées, de faits, elle leur donne forme en son esprit, et, quand elle se met à sa table pour écrire, elle peut laisser trotter sa plume. […] Dans la seconde partie du siècle, en effet, comme dans la première, aucun artiste ne s’empare encore de cette forme, et c’est une femme du monde qui en fournit le chef-d’œuvre.

391. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Il lui est impossible, en vertu de sa forme même, qui se réduit au dialogue, et à cause du peu de temps dont elle dispose, de reproduire la vie avec autant d’exactitude que le peut faire le roman. […] De là, dans l’ancien théâtre et, sous une autre forme, dans le théâtre contemporain, la convention des récits, de l’exposition, des confidents, des monologues. […] Voilà les principales conventions imposées par la forme même de l’œuvre dramatique. […] En résumé, une pièce de théâtre ne peut donner l’illusion de la réalité que par un système de conventions dont les unes lui sont imposées par sa forme même et les autres par le public. […] Inférieur ou non, c’est un art particulier et très puissant dont on peut déterminer les moyens et la forme nécessaire ; et c’est ce que j’ai fait.

392. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

S’il en est ainsi, on dit que l’ensemble de ces systèmes d’impressions forme un continu physique C. […] La question empirique peut se poser sous une autre forme. […] Ce rôle aurait été inutile s’il existait une forme a priori s’imposant à notre sensibilité et qui serait l’espace à trois dimensions. Cette forme existe-t-elle, ou, si l’on veut, pouvons-nous nous représenter l’espace à plus de trois dimensions ? […] On la présente, quelquefois, sous une forme plus frappante.

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