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931. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

En Grèce, il n’y a de grand que l’homme ; la nature se proportionne à sa taille et forme le fond du tableau dont il occupe toujours le premier plan. […] Mais c’est une raison de plus pour que notre fond de perspective ne cesse de nous montrer cette beauté première, cette excellence parfaite dans son cadre et en ses contours limités. […] Reinhold Dezeimeris me répondit : « Il peut bien se faire que Paul, et même Agathias, n’aient point été absolument ce que nous appelons des avocats » ; mais que nous importe au fond pour leur portrait ?

932. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Mais, en écrivant à Marie-Antoinette, elle dissimule presque entièrement cette différence d’esprit et de vues, et elle la réduit à n’être, à un moment, qu’une altercation légère qui portait moins sur le fond de l’affaire que sur la forme ou les moyens, tandis que la dissidence était radicale et profonde. […] Je n’entends pas assez les affaires pour en juger ; mais Mercy, qui ne me paraît pas trop content du fond, l’est beaucoup plus du style et de la tournure de celle-ci. » Ah ! […] Elle eût évoqué l’affaire, s’en fût emparée par l’intelligence comme par le cœur, l’eût comprise dans le fond et dans la forme ; elle eût écouté les raisons des ministres de Louis XVI, y eût ajouté l’autorité de sa raison propre ; elle eût épargné à un roi faible ses tiraillements et son embarras, elle eût épousé sa politique sans abjurer la voix du sang : au lieu d’être un simple écho et de répéter sa leçon de Vienne, elle aurait eu sa façon de voir, un avis à elle, et indiquant toute la première la voie moyenne à suivre, la seule possible, renvoyant à Marie-Thérèse quelques-unes des objections que l’impératrice avait faites à Joseph II, elle eût réjoui Marie-Thérèse elle-même, et celle-ci, reconnaissant jusque dans les demi-résistances de sa fille ses propres pensées, sa propre sagesse, se fût écriée avec orgueil : « Elle est deux fois ma fille et mon sang ! 

933. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

J’entends les vérités philosophiques sur les caractères et leurs contrastés, sur les passions et leurs combats, sur tout ce qui fait le fond de cette vie si énergiquement qualifiée par Buffon de vie contentieuse. […] A quelles conditions un peuple a-t-il des idées générales en assez grand nombre et assez clairement pour en faire le fond de sa littérature ? […] L’humanité est la matière de toute la dispute ; mais pendant qu’on examine si c’est une réalité ou si ce n’est qu’un jeu de langage, personne n’en étudie le fond.

934. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Parmi les vérités scientifiques, il en est qui ne touchent que l’intelligence, et qui, une fois acquises, demeurent au fond de l’esprit humain immobiles et inactives. […] Exceptons pourtant quelques coups de pinceau de Descartes dans ce petit Traité des passions (1649), où il fait voir ce qui se passe au fond de l’homme, considéré comme corps, quand il est sous l’empire des passions. […] La terre n’est pas seulement un fond de mer ; il y voit la double action de l’eau et du feu ; il y voit, c’est le mot ; à la façon dont Buffon peint ce que d’autres ont découvert, il a l’air de le découvrir.

935. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Mithridate présenta aussi le spectacle d’un amant suranné qui a recours à des ruses avilissantes et inutiles, pour connaître le fond du cœur de la femme qu’il aime. […] Au fond, madame de Sévigné était née pour aimer Corneille et pour aimer Racine ; pour aimer Racine et ; pour aimer Corneille. […] Elle parle aussi dans la même lettre d’une lecture que Boileau doit faire chez ce même cardinal, de son Lutrin et de sa Poétique, il faut que nos commentateurs se croient bien supérieurs en intelligence à cette bonne madame de Sévigné, pour se persuader qu’il leur était réservé de découvrir, à près de deux siècles de distance, une malveillance dont elle était l’objet, et dont elle ne se doutait pas, et pour pénétrer le sens et l’intention d’écrits dirigés contre elle, dont elle avait la sottise d’approuver le fond et la forme et d’aimer les auteurs.

936. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Chaulieu put s’apercevoir, dès lors, de ce que valent, au fond, les protections et les promesses de cour : Tout le monde, écrit-il à sa belle-sœur, va à son intérêt, sans songer à ceux des autres ; et les services et les bienfaits ne sont, ma belle dame, que de fort méchants titres pour obliger les gens à faire quelque chose qui choque, de fort loin seulement, le moindre de leurs desseins. […] J’ai dit qu’il y a deux aspects du siècle ou règne de Louis XIV, l’aspect apparent, imposant et noble, et le revers, le fond, plus naturel, trop naturel, et où il ne faut pas trop regarder ; ajoutons seulement qu’à une certaine heure, et au plus beau moment du règne, deux hommes montrèrent, en plus d’une œuvre, ce que pouvait le génie en unissant les deux tons, en rompant en visière au solennel, et en faisant parler hautement et dignement la nature : ces deux hommes sont Molière et La Fontaine. […] Ce n’est pas que nous valions mieux au fond : pris en masse, les hommes en tout temps se valent, et ils se donnent en général le plaisir de faire à peu près tout le mal qu’ils peuvent.

937. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Quant au fond moral, il est mince et médiocre, il faut l’avouer, ou plutôt il est absent. […] Cette première lettre si élégante, si riante de surface et d’apparence, ne renfermait au fond que vanité, égoïsme de maître, pur souci de la révérence et du décorum : la scène du bassin des Carpes est au bout. […] Il semble trop, d’après ce gracieux et discret auteur, que la duchesse de Bourgogne fût une personne accomplie et parfaite, et que cette éducation de Saint-Cyr l’eût réellement atteinte au fond.

938. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

L’élégance commune de la forme n’y dérobe plus l’insipidité du fond, et quelques observations fines y surnagent à peine dans des flots de paroles. […] Les termes de sentiment, de sensibilité, d’attendrissement, qui reviennent à chaque page, ne ressortent au fond ni des situations ni des cœurs. […] Le goût d’enseigner ne doit point se considérer chez elle comme un travers, c’était le fond même et la direction de sa nature.

939. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Et Mallet insiste en plus d’un endroit sur ce fanatisme d’égalité qui fait le fond de ce qu’il appelle la religion révolutionnaire. 2º Il n’est pas moins obligé de reconnaître, comme trait d’exception à cet égoïsme de la masse du public, le sentiment militaire dévoué : le soldat, l’officier a beau avoir son arrière-pensée, « des différences d’opinions et de motifs n’entraînent aucune différence dans la manière de combattre : un esprit, un sentiment communs animent tous les soldats. […] Cette épidémie de constitutions politiques, « qui succéda alors en France et en Europe aux pantins et aux aérostats » (deux modes du jour), date de lui : Pas un commis-marchand formé par la lecture de l’Héloïse, dit Mallet du Pan, point de maître d’école ayant traduit dix pages de Tite-Live, point d’artiste ayant feuilleté Rollin, pas un bel esprit devenu publiciste en apprenant par cœur les logogriphes du Contrat social, qui ne fasse aujourd’hui une constitution… Cependant la société s’écroule durant la recherche de cette pierre philosophale de la politique spéculative ; elle reste en cendres au fond du creuset. […] Exposant dans son Mercure britannique, peu de mois avant sa mort, en janvier de l’an 1800, le caractère de la grande commotion qui allait continuer de peser sur le nouveau siècle et qui ouvrait une époque de plus dans l’histoire des vicissitudes humaines, il y montrait en vrai philosophe que le caractère de cette Révolution portait avant tout sur la destruction de toutes les distinctions héréditaires préexistantes, que c’était au fond une guerre à toutes les inégalités créées par l’ancien ordre social, une question d’égalité, en un mot : « C’est sur ce conflit, ajoutait-il, infiniment plus que sur la liberté, à jamais inintelligible pour les Français, qu’a porté et que reposera jusqu’à la fin la Révolution. » Espérons que, même en tenant moins à la liberté qu’il ne faudrait (ce qui est trop évident), nous la comprendrons pourtant assez pour démentir un pronostic si absolu et si sévère.

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