La Foi, dit-il, ne doit pas être la foi en quelque force extérieure, mais le sincère désir du salut, le désir qui donne le salut. […] C’est pourquoi la foi en Christ n’est pas la croyance en un système sur la personne de Jésus, mais la connaissance de la vérité. […] Quiconque comprend la doctrine du Christ aura foi en Lui, parce que cette doctrine est la vérité. […] Jésus vous exhorte à tenir votre foi ; mais il ne s’inquiète point d’elle, non plus que de votre métier. […] Il dit : pour détruire en vous toute douleur, renoncez la foi en l’existence individuelle, mettez plus haut le bonheur.
Ainsi le monde, sans cesse, lui apportait de nouveaux sujets à défiance et à misanthropie ; mais lui, éclairé par sa Vision religieuse intime, il opposait, sans cesse, à ce monde, sa croissante foi optimiste. […] Et l’œuvre prodigieuse de Bach devint à Beethoven la Bible de sa foi. […] Sans cesse, aux objections de l’expérience pratique, il opposait, plus fixement, sa foi ; il n’écartait point de sa vie les misères de l’Apparence, mais il les transfigurait, au contact de sa Vision intime, les délivrait du Péché, leur donnait l’Innocente vie artistique, et de cet enfer sensible, faisait un Paradis. […] Voulons nous voir, maintenant, comment sa foi religieuse optimiste est allée d’accord avec sa tendance instinctive à l’élargissement de son art ? […] Mais il s’agissait de trouver le type premier de l’Innocence, l’Homme Bon idéal de sa foi, pour l’unir avec cette autre croyance de Beethoven : « Dieu est l’amour ».
Ces trois conditions sont : un amour, une foi, un caractère. […] Ses œuvres, à dater de ce jour, nous prouvent assez qu’une foi quelconque, soit religieuse, soit philosophique, soit même politique, lui manqua aussi ; nous n’en voudrions d’autre preuve que ses vers. […] Être rouge ce soir, blanc demain, ma foi, non. […] Mais enfin pour être vrai il faut reconnaître que l’absence de ces trois conditions qui font seules la grande poésie : l’amour, la foi, le caractère, lui manquent comme elles manquèrent à un homme du dix-septième siècle avec lequel il a une lointaine ressemblance, la Fontaine. […] Ma foi non !
Une haute idée de l’honneur commande le sacrifice désintéressé de la vie, pour le service de l’empereur, pour le service de Dieu : deux sentiments qui compriment l’égoïsme, la foi au suzerain féodal, la foi au maître du Ciel, sont les ressorts des actions. […] Garin, et son frère Bègue, surtout, sont les caractères sympathiques du poème, mais Fromont n’est pas odieux : orgueilleux ; emporté, ambitieux, rusé au besoin, il n’est pas insensé ni scélérat, il a le respect du lien féodal et de la foi jurée ; il est entraîné plutôt qu’il ne se jette de gaieté de cœur dans l’inexpiable guerre : souvent il voudrait faire la paix ; il la voudrait maintenir ; il blâme les trahisons des siens, et les défend parce qu’il est leur chef ; il ne se réjouit pas de la mort de Bègue son ennemi. […] Au lieu de la rude et sincère foi, de la barbarie saine et virile de l’ancienne épopée, s’étalent la courtoisie, l’amour : et quel amour ! […] Même le type du héros, que nous avons vu déjà dégradé, s’abaissent encore plus bas qu’on ne saurait dire : après les deux types épiques, dont le second est déjà moins grand, après le preux défenseur de la France ou de la foi, après le violent batailleur qui garde ou gagne des fiefs, on aura les types romanesques, le féroce baron, l’extravagant chevalier, tous les deux aimés des dames, et l’on aboutira au soudard ; le mauvais sujet, casseur de cours, bâtard et semeur de bâtards, vulgaire, jovial, et surtout fort comme Hercule ou Porthos, délices du populaire par le sans-façon de ses manières et parce qu’il dit son fait à la noblesse, c’est Baudouin de Sebourc49, dernier et indigne rejeton de la lignée de Roland.
L’autre principe vital du moyen âge, la foi, ne subit pas de moindres atteintes. Sans doute le christianisme, si actif et si fécond même de nos jours, n’est pas épuisé au xive siècle : la foi est aussi ardente que jamais Mais l’Eglise, avec ses institutions et sa hiérarchie, semble prendre à tâche de tromper, de désespérer ses croyants. Les désordres scandaleux du schisme, les indignes querelles des antipapes, les ambitions, les passions, les mœurs, le luxe des cardinaux et des évêques, le marchandage effréné des dignités ecclésiastiques, la politique et les intérêts personnels se jouant de la religion, la déviation du grand mouvement chrétien qui avait créé les ordres mendiants, les richesses insolentes, l’esprit dominateur et intrigant de ces humbles moines, tout cela n’empêchait pas de croire, mais tout cela détachait de la forme actuelle de l’Église, tout cela rendait la simple obéissance, la docilité confiante à l’Église de plus en plus impossibles : et la foi des peuples se tournait en explosions indisciplinées de zèle individuel, en sombres exaltations où peu à peu se précisait l’idée que l’Église perdait la religion du Christ, et que les gens d’Église perdaient l’Église. […] Cependant il n’est presque point resté dans notre langue de monuments qui en représentent l’éclat pendant ces deux grands siècles de foi : c’est affaire aux érudits d’en ressusciter l’image à grand’peine. […] Il a la foi et la charité : vraies sources de toute éloquence, dès que les lumières ne sont pas trop courtes.
Croyez en moi, avec une ferme foi ». […] Or, le fond, c’est le monde considéré comme le champ de bataille de Dieu et du démon ; c’est la foi au surnaturel continu, au miracle chronique, à l’action directe et personnelle de Dieu sur les âmes et au jeu de la réversibilité des mérites. […] Derrière Paris, ou dans Paris même, Lavedan nous montre la province, c’est-à-dire, derrière ceux qui s’agitent dans le vide du présent, ceux qui vivent de la foi du passé. […] Enfin, le poème d’Émile Pouvillon est tout pénétré d’évangélisme, de partialité pour les petits, de défiance à l’égard de la société bourgeoise et des « autorités constituées », de doutes sur le bienfait de la civilisation industrielle, et de cette idée que le chef-d’œuvre de l’homme, ce qu’il y a de plus beau et de meilleur au monde, c’est la foi et la bonté parfaite dans une âme simple. […] Il est comme sont aujourd’hui beaucoup d’entre nous : il a la piété sans la foi.
Elle donne force à la loi, à la foi, au roi, à cet autre mot qui est l’abrégé de toutes nos pensées, le mot moi ; enfin elle donne sa force à la voix. […] Remarquez au reste, comme preuve de la force ajoutée par la diphtongue oi aux mots foi, roi, foi, qu’elle exige une plus forte émission de la voix que lé, ré, fé, qu’elle oblige à desserrer les dents et les lèvres pour s’ouvrir un passage plus libre et comme pour donner aux paroles plus de solennité. […] Le roi sauva le Valois, quoique le François, né Gaulois, fût sacrifié à Francès italien, La loi échappa aussi, parce qu’à la cour on n’en parlait pas ; la foi fut sauvée, parce qu’elle était un mot de ralliement dans ces temps de guerre intestine. […] Le cas qu’il faisait de Chapelain ne l’avait pas empêché de le sacrifier à la risée générale : Qu’on vante en lui la foi, l’honneur, la probité, Qu’on prise sa candeur et sa civilité.
Vinet en faveur de la liberté de tous les cultes, un peu antérieur, mais animé par une action si prochaine, ait été pour lui autre chose qu’une thèse philosophique où sa raison se complaisait : c’était une sainte et vivante cause ; et, à travers la surcharge des preuves et la chaîne un peu longue de la démonstration, à travers le style encore un peu roide et non assoupli, cette chaleur de foi communique à bien des parties de cet écrit, et surtout à la prière de la fin, une pénétrante éloquence. […] Comme critique il s’abandonne quelquefois à une bienveillance un peu prompte ; il s’attache et prête foi aux livres un peu trop indépendamment de la connaissance personnelle des auteurs ; il est plutôt porté d’abord à surfaire, à force de se croire moindre. […] A part le discours sur la Foi d’autorité, où encore ce genre de foi est ménagé par des expressions si générales, et où la vérité se réserve comme pouvant habiter dessous, on va en tous sens dans cette lecture en n’apercevant jamais que le chrétien.
L’histoire de l’esprit humain n’offre pas une époque où la contradiction ait été plus complète entre les professions de foi publiques et les conduites, entre les écrits et la vie, entre le rôle et l’homme. […] Encore n’admirait-on les premiers que sur la foi des seconds, les seuls qui fussent lus. […] Pour moi, le service est si grand, qu’il rachète les défauts justement relevés dans le Génie du Christianisme : la légèreté du savoir ; quelques injustices faites aux anciens, même en les louant ; trop de pompe et d’esprit pour recommander la religion des humbles et des simples ; l’excès de l’apologie, qui fait douter de la foi de l’apologiste ; Massillon cité comme le modèle de l’éloquence chrétienne ; sans compter la langue, qui n’est pas partout aussi bonne que la cause. Choisir pour l’héroïne des Martyrs une fille des Homérides, une prêtresse d’Homère, quel beau défi jeté à ceux qui préféraient, sur la foi de Voltaire, la Jérusalem délivrée à l’Iliade, et le Roland furieux à l’Odyssée !