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425. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Tel qui se pose en critique fringant et de grand ton, en juge irréfragable de la fine fleur de poésie, se serait élevé pour toute littérature (car celui-là eût été littérateur, je le crois bien) à raconter dans le Mercure galant ce qui se serait dit en voyage au dessert des princes. […] Fontanes, alors en Angleterre (fin de 1785), et y voyant le grand monde, cherche à ramener son ami à des admirations plus modérées sur les modèles d’outre-Manche : on s’occupait alors en effet de Richardson et même de Shakspeare à Londres beaucoup moins qu’à Paris : « Encore un coup, lui écrit Fontanes, la patrie de l’imagination est celle où vous êtes né. […] Il portait dans la critique non écrite, mais parlée, à cette fin du xviiie  siècle, quelque chose de l’école première d’Athènes ; l’abbé Arnaud ne lui suffisait pas et lui semblait malgré tout son esprit et son savoir en contre-sens perpétuel avec les anciens. […] la voici ; elle lui échappe à la fin de cette même lettre : « Il me reste à vous dire sur les livres et sur les styles une chose que j’ai toujours oubliée : achetez et lisez les livres faits par les vieillards qui ont su y mettre l’originalité de leur caractère et de leur âge. […] Combien de vues fines et profondes sur les anciens, sur leur genre de beauté, leur modération décente !

426. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Parce qu’il faut un sentiment plus fin pour saisir le caractère de l’art de Boileau, est-ce une raison pour nier qu’il soit poète ? […] Il ne s’agit pas de cette harmonie imitative dont on a si ridiculement abusé, mais d’une fine correspondance des qualités sensibles du vers au caractère intime de la pensée. […] Pour Boileau, mettons à part la satire littéraire, si fine et si mordante à travers la langueur de la querelle : ce qu’il a fait, c’est un tableau réaliste. […] Le Lutrin est plus fin, mais plus mêlé. […] Voici enfin la femme de la fin du siècle, qui montre la voie à la duchesse de Berry et devance la Régence ; la voici Qui souvent d’un repas sortant tout enfumée, Fait même à ses amants, trop faibles d’estomac, Redouter ses baisers pleins d’ail et de tabac.

427. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Des hommes qui s’étaient fait une célébrité dans le cercle des idées et des connaissances propres à leur époque, recommençaient leurs études sur la fin de leur vie, et allaient en cheveux blancs aux écoles où l’on enseignait la langue d’Homère et celle de Cicéron. […] De là une quantité d’idées délicates, d’observations fines, exprimées avec grâce, et beaucoup de créations charmantes dans la langue des sentiments du cœur et de la politesse. […] Vers la fin de l’année 1518, François Ier donnait pour valet de chambre à Marguerite, alors duchesse d’Alençon, Clément Marot. […] Il ne quitta le service de cette princesse que sur la fin de 1534. […] De même, cette satire aimable et fine de Marot nous plaira toujours par son ton tempéré et parce que les travers dont elle se joue sont les nôtres.

428. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Mais bien des gens, ou du moins plus d’un, ont de ces saillies qui partent sur le temps, qui ne durent qu’un éclair, et qui sont suivies d’un long silence, et avec l’abbé Galiani il n’y avait pas de silence : il alimentait presque à lui seul la conversation ; il y répandait les imaginations les plus folles, les plus réjouissantes, et qui portaient souvent leur fin bon sens avec elles. […] Le peuple cependant ne faisait là que traduire le raisonnement des plus fins ; il le traduisait grossièrement, selon l’ordinaire des traducteurs, mais sans trop de contresens. […] D’autres contemporains paraissent avoir été plus frappés de ses défauts : L’abbé Galiani s’en retourne à Naples, écrivait le sage et fin David Hume à l’abbé Morellet ; il fait bien de quitter Paris avant que j’y aille, car je l’aurais certainement mis à mort pour tout le mal qu’il a dit de l’Angleterre. […] En tout, Galiani croyait à une doctrine secrète, à un fin mot que peu de gens sont appelés à pénétrer, et que de très grands talents eux-mêmes ne soupçonnent pas. […] On dégagerait de la sorte et on mettrait dans tout leur jour des pages fines, neuves, délicates, les lettres sur la Curiosité, sur l’Éducation, celles sur Cicéron, sur Voltaire commentateur de Corneille, celle où il trace le plan d’une Correspondance entre Carlin et Ganganelli, et tant d’autres.

429. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

» La Bruyère présageait et voyait déjà quelque chose de ce changement profond qui a éclaté depuis, quand il disait : Pendant que les grands négligent de rien connaître, je ne dis pas seulement aux intérêts des princes et aux affaires publiques, mais à leurs propres affaires ; qu’ils ignorent l’économie et la science d’un père de famille, et qu’ils se louent eux-mêmes de cette ignorance…, des citoyens s’instruisent du dedans et du dehors d’un royaume, étudient le gouvernement, deviennent fins et politiques, savent le fort et le faible de tout un État, songent à se mieux placer, se placent, s’élèvent, deviennent puissants, soulagent le prince d’une partie des soins publics. […] Il céda pourtant, et vers la fin il fit tout pour accroître cette confusion par les faveurs et les prérogatives dont il ne cessa de combler ces branches parasites et adultères. […] On sait que la faiblesse de Louis XIV, obsédée par celle de Mme de Maintenon, cette nourrice plus que mère du duc du Maine, alla vers la fin jusqu’à égaler en tout les bâtards aux princes du sang légitimes, à les déclarer en définitive habiles à succéder au trône, et sa dernière volonté, si elle avait été suivie, ménageait au duc du Maine le rôle le plus influent dans la future Régence. […] Tous ceux qui ont parlé d’elle ont noté ce tour précis de son esprit et cette justesse dans le brillant : elle était de cette école de la fin du xviie  siècle, à qui Mme de Maintenon avait appris que les longues phrases sont un défaut. […] C’est une pièce de physiologie morale des plus fines ; j’en donnerai les principaux traits : Mme la duchesse du Maine, à l’âge de soixante ans, n’a encore rien acquis par l’expérience ; c’est un enfant de beaucoup d’esprit ; elle en a les défauts et les agréments.

430. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

L’Empire était tombé ; la Restauration s’inaugurait avec de nouvelles modes et un changement complet de décoration, bien qu’avec bon nombre des mêmes personnages : c’était l’heure de la dévotion de salon, de l’aristocratie plus fine, de l’élégance plus assaisonnée d’esprit. […] Mais, dans ses élégies premières (Ourika, Il m’aimait, Natalie, etc.), il y a quelque mouvement, des vers heureux, parfois brillants ; d’autres fins ou spirituels. […] Et aussi comment, avec un sentiment si vif et si fin de la raillerie, n’est-on pas toujours averti de celle à laquelle on peut prêter soi-même par le temps qui court ? […] Rien n’est piquant pour un instant comme de se reporter à ses premiers vers, aux éditions de ses premiers chants qui ont pour vignette une harpe, quand on vient de relire tout fraîchement les jolis feuilletons dans lesquels se joue, en un sens si différent, un talent également sûr, une plume ferme et fine, une de celles vraiment qui font le mieux les armes. […] Mais, à la manière dont Mme de Girardin décrit les alentours, les personnages secondaires, et l’oncle fat, et la duchesse coquette, et l’héritière parée, il est évident qu’elle a déjà passé au portrait, à l’observation fine et satirique.

431. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Cette fille, d’un mérite extraordinaire comme on l’appelait, était née au Havre en 1607, sous Henri IV ; elle ne mourut qu’en 1701, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, vers la fin du règne de Louis quatorzième, comme elle disait volontiers. […] Dans ce portrait et cette histoire de Sapho, qui se lit vers la fin du Grand Cyrus, elle marque à quel point elle en était pénétrée, et elle y apporte plus de nuances et de tact que de loin, d’après sa réputation, on ne lui en suppose. […] Ce sont là des remarques fines, et qui sentent l’expérience du monde et presque celle du cœur. […] Et puis Nicole finit tout par Dieu et par la considération de la fin suprême, tandis que Mlle de Scudéry finit toujours par les louanges et l’apothéose du roi ; elle y met une adresse et une industrie particulière que Bayle a remarquée et qui ne laisse pas de déplaire un peu. […] Chapelle et Bachaumont, dans leur agréable Voyage, nous font assister à une conversation ridicule des précieuses de Montpellier, où tout ce qui se dit est au rebours du bon sens et de la fine justesse.

432. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Il est à remarquer comme dans ses récits, de quelque nature qu’ils soient, il n’oublie jamais les détails du manger, le vin de Champagne ou le flacon de vin de Tokai qui animait la fin des plus spirituels repas. Si les soupers de M. de La Popelinière à Passy ou ceux des premiers commis à Versailles lui paraissaient amples, il n’oublie pas qu’il n’en était pas ainsi des plus fins soupers de Mme Geoffrin, et que la bonne chère en était succincte. […] Il honora sa fin de carrière par cette sagesse. […] Une instruction variée, des observations de détail ingénieuses, des nuances bien démêlées dans la pensée, une synonymie fine dans la diction, en font un livre qu’on parcourt toujours avec plaisir, et que la jeunesse non orgueilleuse peut lire avec fruit. […] Il rentra dans la vie privée, écrivant jusqu’à la fin pour ses enfants des livres de grammaire, de logique, de morale, qui témoignent de la lucidité de son esprit comme de la sérénité et de la bénignité de son âme.

433. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Retour au naturel : facilité et diffusion à la fin du siècle. […] L’Italie avait été un trop actif agent de notre Renaissance, pour ne pas avoir imprimé fortement sa marque jusque sur notre langage ; l’Espagne à la fin du siècle regagne du côté de l’influence intellectuelle ce qu’elle perd en influence politique ; elle nous insinue de ses manières et de ses façons de parler. […] Et en général le défaut de cette langue de la fin du siècle, entre 1580 et 1620. quand le génie individuel ne la réveille pas, c’est une sorte d’égalité diffuse, sans nerf et sans accent.

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