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1178. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

C’est la démocratie envahissant l’Art, après l’Etat ; la pure Raison perd son pouvoir, devant ce flot montant des images et des sensations ; à peine, par instants, de l’intime émotion, de la spéculation contemplative, un reflet : tout se traduit en figures, en couleurs, en sonorités. […] Ainsi que le littérateur peut, par le même moyen des mots constants d’une langue, nous communiquer, immédiatement, la suite de ses pensées — et c’est la Prose — ou bien, aussi, — dans la Poésie — négligeant, presque, le sens habituel des mots, avec le seul agencement des rythmes et des sons, évoquer en nous, plus exacte, la vie intense de l’émotion ; ainsi peuvent les peintres, par le même moyen des procédés plastiques, traduire, immédiatement, leur vision du monde objectif, — ou bien, aussi, négligeant, presque, le sens habituel des figures, avec le seul agencement des lignes et des teintes, évoquer en nous, réelles, précises, des émotions que nulle poésie, nulle musique, ne sauraient exprimer. […] On notera dans ce second article sur le Beethoven de Wagner la filiation Bach, Beethoven,Wagner et la figure du mage, du prêtre, qui révèle au monde le dogme du pur amour dans son chorale de la neuvième symphonie.

1179. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Il voit se former peu à peu une apparition étrange, qui prend un corps, une figure. […] Une seule chose nous restera dans l’esprit, dominant le tumulte du Drame : la figure de ce farouche Coriolan dont la fierté est en lutte avec la voix intérieure de sa conscience, voix qu’appuie, plus haut encore et plus puissamment, la propre Mère de Coriolan ; et, de tout le développement dramatique, une seule vision nous restera, la victoire de cette voix sur la fierté du héros, le brisement de la résistance d’une âme forte surnaturellement. […] On s’étonnera que ce texte fondateur du wagnérisme en littérature ne figure pas ici dans son entier.

1180. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Le théâtre est un spectacle de vie su fictif par les spectateurs qui le contemplent et conséquemment d’une sensation moins éparse, plus homogène, plus intense que le spectacle de la vie réelle ; le théâtre est le premier degré de l’art parmi la vie… Après dix ans de luttes et de souffrances lointaines, voilà que las et triomphant de ses armes rouillées de sangs, le roi-guerrier revient à la couche de son épouse, et l’attend l’adultère, et le trappe, qui un jour par le vouloir d’Atè et l’acte filial sera puni ; telle, dans l’amplitude sereine et introublée des portiques, entre les colonnades haut ornées des figures de dieux, l’action humaine apparaissait, et libre de soucis étrangers, toute drue d’elle-même, la sensation des divinités implacables aux Atréides surgissait, véhémente plus que d’aucune réalité, terrifiante et sûre, art, dans les âmes spectatrices. […] L’aspiration universelle étant le sujet primitif du Parsifal, voyons, parmi l’infinité des extensions possibles, quelques figures de l’existence, sujets secondaires que vous pouvez supposer. […] Voilà-t-il pas enfin les artistes, sages jadis à augmenter sous les disciplines épiscopales l’édification des âmes par le rehaussement des splendeurs de la lithurgie, maintenant curieux des chimères irréligieuses : un artiste veut instituer à côté du dogme une explication, à côté de la religion un art ; et dans son œuvre d’indépendance — blasphème ajouté à l’impiété — il reprend les cérémonies du culte ; et le Parsifal, impie pour réexpliquer ce que la religion explique, est un blasphème pour copier le rite et le fait, l’ordonnance de la Messe et la figure du Sauveur.

1181. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Je me sentis à l’instant rassuré et pris au cœur par la bonhomie sincère et grandiose à la fois de cette figure. […] Je me figure encor sa nourrice éperdue, Qui devant les bourreaux s’était jetée en vain, Et, faible, le tenait renversé sur son sein. […] Athalie, suivie de son général Abner, paraît ; elle révèle en une langue digne de Corneille sa politique ; mais le remords l’agite sous la figure de ses songes.

1182. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

On causait hier, dit-il, chez un libraire au Palais-Égalité ; on parlait sans ménagement de Barère et des Jacobins ; on était unanime, lorsqu’entre un homme assez mal vêtu, la figure hâve, les cheveux à la jacobine. […] Pour qui ne l’approchait pas et n’était pas à même d’apprécier son activité originale et sa gaieté naturelle, il semblait que son enveloppe un peu âpre, son profil accentué, sa figure maigre, anguleuse, d’une coupe tranchante, exprimassent d’autres passions que celles qui animaient son esprit fertile et son cœur honnête.

1183. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

À d’autres jours il voyait plutôt les avantages de la vieillesse, et il se consolait en regrettant : « La délicatesse dans les plaisirs, le badinage dans la conversation, le goût et la connaissance des hommes, se trouvent rarement dans l’âge où l’on a une figure aimable : cependant cet assortiment serait bien souhaitable. » C’était aussi le vœu de Pétrarque : « le fruit de l’âge dans une fleur de jeunesse », Frutto senile in sul giovenil flore. […] Je me suis plu à montrer cette figure qui fuirait aisément, mais qui a pourtant son espèce d’originalité.

1184. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Si nous le voyions paraître tout à coup et entrer en personne, je me le figure (comme nous l’a montré un critique ingénieux)73 noble et humain de visage, n’ayant rien du taureau, du sanglier ni même du lion, portant dans sa physionomie, comme Molière, les plus nobles traits de l’espèce et ceux qui parlent le plus à l’âme et à l’esprit modéré, sensé de propos, et le plus souvent (pitié ou indulgence) souriant et doux ; car il a créé aussi des êtres ravissants de pureté et de douceur, et il habite au centre de la nature humaine. […] On ne s’est pas borné aux figures historiques, à proprement parler, on a voulu descendre dans le for intérieur, dans le foyer privé des hommes les plus éloquents par la plume ou la parole, et en examinant leurs papiers, leurs lettres autographes, les éditions premières de leurs œuvres, les témoignages de leurs alentours, les journaux des secrétaires qui les avaient le mieux connus, on s’est fait d’eux des idées un peu différentes, et certainement plus précises que celles que donnait la seule lecture de leurs œuvres publiques.

1185. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Il ne pouvait guère en être autrement, et cela est vrai, en général, de ces grandes figures, quelles qu’elles soient, devenues la matière et l’objet de la légende : on peut dire d’elles, avec certitude qu’il n’y a jamais de si grande fumée sans feu. […] Nous sommes ici à l’époque chevaleresque, tout à la fin du xiie  siècle ou au début du xiie  ; un siècle entier s’est écoulé depuis la mort du Cid ; un idéal s’est créé à son sujet : il est devenu une figure noble et pure, et même douce autant que fière, un modèle de chevalerie en cette civilisation féodale.

1186. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Se figure-t-on, à la mort du mari, cette femme qui a assisté à la composition de l’œuvre, qui y a prêté son attention, quelquefois sa plume, qui a été la confidente, l’auxiliaire, le secrétaire par moments d’un mari distingué ou illustre, se la figure-t-on privée d’un droit utile et cher, et voyant un étranger s’en emparer légalement après un laps de temps déterminé ?

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