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305. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Que le feu qui me brûle purifie l’Anneau, de la Malédiction : vous, dans le flot dissolvez le, et, purement, gardez le brillant Or, qui, pour le Malheur, vous fut volé. »   Elle se tourne vers le bûcher, où gît le cadavre de Siegfried, et elle arrache à un homme une forte torche. […] Dans le feu luisant, là, gît ton Maître, Siegfried, mon bien heureux Héros : pour suivre l’Ami, hennis tu, joyeusement ? […] Sens ma poitrine, aussi, comme elle brûle ; le clair Feu me prend le cœur : l’enlacer, être par lui embrassée, dans la très puissante Volupté être à lui mariée… Heiaïaho ! […] Aussitôt, l’incendie s’élève, crépitant, et le feu remplit tout le fond.

306. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Le chenet est le petit chien du foyer, chiennet ; le portugais dit caes da chamine, les chiens de la cheminée ; le provençal, cafuec, et l’anglais, fire-dog, le chien du feu ; l’allemand, feuerbock, et le danois, ildbuk, le bouc du feu ; l’espagnol, morillo, le petit Maure du feu, et l’idée est bien espagnole, de faire rôtir éternellement l’ennemi national ; mais il est probable que la métaphore n’est plus comprise, pas plus que celle, plus douce, qui a fait chez nous du chien le fidèle gardien du foyer. […] Max Muller (Nouvelles leçons, I, ve leçon) montre que l’épervier et le tiercelet, délaissés comme instruments de chasse, donnèrent leurs noms à des armes à feu : l’épervier, muscatus, devint le mosquet ou mousquet ; en italien le tiercelet, terzuolo, devint un petit pistolet, terzeruolo.

307. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Le Dante n’avait pas épuisé la richesse du sol italien rajeuni ; ou du moins, lorsqu’il eut enlevé sa triple moisson, si la terre, comme brûlée de ses feux, dut reposer deux siècles, à côté de lui, au souffle de son génie, une autre flamme était née, brillante et légère. […] La flotte chrétienne longea, du nord au sud, la côte d’Albanie, marchant à l’ennemi précédée de six galéasses vénitiennes, ou grands vaisseaux, dont les hauts bords et les feux étaient irrésistibles. […] Ta colère les a soudain dévorés, comme le feu dévore la paille sèche. […] Tel qu’un feu embrase les forêts et sur leurs épaisses cimes a répandu sa flamme, tel, dans ta colère et tes foudres, tu les as suivis, et tu as couvert leur face de honte. » Cet aspect du Dieu des armées, ces images empruntées aux souvenirs bibliques, sont dignes de la verve du poëte.

308. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » p. 416

En lisant néanmoins ses Ouvrages, qui sont en très-grand nombre, on ne peut s’empêcher d’être étonné du feu, de l’imagination, & de la fécondité qu’il avoit reçues de la Nature.

309. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Méprisant les saines limites de la nature de l’homme, il voulait qu’on n’existât que pour lui, qu’on n’aimât que lui seul. « Si quelqu’un vient à moi, disait-il, et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple 884. » — « Si quelqu’un ne renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple 885. » Quelque chose de plus qu’humain et d’étrange se mêlait alors a ses paroles ; c’était comme un feu dévorant la vie à, sa racine, et réduisant tout à un affreux désert. […] Désormais les ennemis de chacun seront dans sa maison 893. » — « Je suis venu porter le feu sur la terre ; tant mieux si elle brûle déjà 894 ! 

310. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Chefs-d’œuvre de haute raillerie, ses traits se sont inscrits en lignes de feu sur la chair de l’hypocrite et du faux dévot. […] Celui-ci porte jusqu’au fond des os le feu et la rage.

311. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Elle cherchait à se décharger sur quelque bonne amie, du déplaisir qu’elle avait de la tiédeur des feux du grand Alcandre. […] Elle dit que de tous les millions de lettres que madame de Richelieu a reçues, celle de M. de Grignan était la meilleure ; qu’elle l’a eue longtemps dans sa poche, qu’elle l’a montrée, qu’on ne saurait mieux écrire, ni plus galamment, ni plus noblement, ni plus tendrement pour feu madame de Montausier. »

312. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

; supposez enfin que toute cette gourme d’esprits faussés, mais non pas faux, qui est en eux, tombe un jour comme elle doit tomber sous peine de perdre le talent dont ils ont le germe, et vous aurez deux écrivains, — ou un écrivain à deux têtes, comme l’aigle d’Autriche — d’une expression étincelante, et chez qui la race mettra son feu ! […] Un écrivain sérieux aurait d’abord examiné ce qu’il y a de semblable et de différent entre Paris, ce caravansérail du monde et de la province, ce home de la France, — comme diraient les Anglais, — entre Paris, le vaste déversoir de toutes les vagues sociales qui viennent s’y engloutir avec leurs impuretés et leurs écumes, et la province, cette multitude de baies où le flot se circonscrit et séjourne ; — Paris, patrie anonyme de tous les hommes qui ont brisé le lien de la famille et qui ont quitté la province pour en éviter le regard qui tombait de trop près sur eux, et la province, cette vraie patrie de la famille française qui en garde plus austèrement l’honneur et les traditions ; — entre Paris enfin, spirituel, mobile, éloquent, au cœur un peu trop tendre aux révolutions, qui s’habille, babille, se déshabille et brille… de cet éclat de strass qui exagère les feux du diamant, et la province, perle sans rayon, mais d’un bon sens si tranquille et pourtant d’une action si puissante quand il s’agit de dire des mots décisifs, la province, qui a toujours répondu par des empires — parfaitement français — aux républiques parisiennes.

313. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Vauvenargues est un esprit distingué, réfléchi, délicat, plus élevé certainement que les hommes de son temps, parce qu’il vécut à l’écart d’eux ; mais entre ces qualités et celles que lui donnait Voltaire, il y avait l’imagination et le caprice de cet esprit de vif-argent et de feu grégeois. […] Sur une lettre, très peu merveilleuse, que nous pouvons lire dans l’édition de Gilbert, et dans laquelle Vauvenargues s’amuse à l’éternel parallèle, cher aux rhétoriques, du génie de Corneille et du génie de Racine, Voltaire prend feu comme un jeune homme pour cet officier du régiment du roi qui s’ennuie de son métier, et qui lui envoie, avec tous les salamalecs d’usage, de la littérature de garnison.

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