. — Quelle faculté ouvre le monde des causes. […] On y suppose nos facultés en exercice, et l’on y admet leurs découvertes originelles. […] La nature d’un mammifère carnassier consiste en ce que la propriété d’allaiter, avec toutes les particularités de structure qui l’amènent, se trouve jointe à la possession des dents à ciseaux ainsi qu’aux instincts chasseurs et aux facultés correspondantes. […] — Pas davantage. — Vous pensez qu’il y a une faculté autre que l’expérience et la raison propre à découvrir les causes ? […] L’abstraction rend aux axiomes leur valeur en montrant leur origine, et nous restituons à la science la portée qu’on lui ôte en restituant à l’esprit la faculté qu’on lui ôtait.
Dans une troisième partie, j’analyserai la désorganisation romantique de la faculté de penser. […] Il édifie sur la part des circonstances, des hasards, des fatalités dans les destinées humaines ; ces cent explications dont se divertissent déplorablement de belles facultés stérilisées par quelque défaut d’adaptation inné ou accidentel aux conditions extérieures. […] Une faculté ne peut chercher sa satisfaction ultime dans son anéantissement. […] Les plus riches facultés naturelles ont besoin, pour produire œuvre viable, d’une culture. Et qu’est-ce que la culture des facultés, sinon la méditation et l’approfondissement des réalités ?
La faculté philosophique du siècle avait donc besoin, pour s’individualiser en un génie, d’une tête à conception plus patiente et plus sérieuse que Voltaire, d’un cerveau moins étroit et moins effilé que Condillac ; il lui fallait plus d’abondance, de source vive et d’élévation solide que dans Buffon, plus d’ampleur et de décision fervente que chez d’Alembert, une sympathie enthousiaste pour les sciences, l’industrie et les arts, que Rousseau n’avait pas. […] Tout homme doué de grandes facultés, et venu en des temps où elles peuvent se faire jour, est comptable, par-devant son siècle et l’humanité, d’une œuvre en rapport avec les besoins généraux de l’époque et qui aide à la marche du progrès. […] Qu’il fût admirablement organisé pour la géométrie et les arts, je ne le nie pas ; mais certes, les choses étant ce qu’elles étaient alors, une grande révolution, comme il l’a lui-même remarqué89, s’accomplissant dans les sciences, qui descendaient de la haute géométrie et de la contemplation métaphysique pour s’étendre à la morale ; aux belles-lettres, à l’histoire de la nature, à la physique expérimentale et à l’industrie ; de plus, les arts au xviiie siècle étant faussement détournés de leur but supérieur et rabaissés à servir de porte-voix philosophique ou d’arme pour le combat ; au milieu de telles conditions générales, il était difficile à Diderot de faire un plus utile, un plus digne et mémorable emploi de sa faculté puissante qu’en la vouant à l’Encyclopédie. […] Il n’en fut pas ainsi de Diderot, qui, n’ayant pas cette tournure d’esprit critique, et ne pouvant prendre sur lui de s’isoler comme Buffon et Rousseau, demeura presque toute sa vie dans une position fausse, dans une distraction permanente, et dispersa ses immenses facultés sous toutes les formes et par tous les pores.
D’ailleurs, une critique un peu large et qui se pique de justice n’a point à faire de chicanes à des facultés qui naissent tard, pourvu qu’elles naissent ; à des œuvres inespérées et qui rompent une série de travaux sur lesquels on pouvait compter, pourvu toutefois que l’œuvre nouvelle vaille ce qu’on perd dans un autre ordre. […] Cousin n’avait pas en lui cette faculté à part, la faculté sui generis qu’avait Walter Scott à un degré qui a mis sa gloire presque au niveau de celle de Shakespeare : — la faculté de comprendre un personnage historique par une intuition supérieure plus puissante, pour aller au vrai, que toutes les précautions de l’information et de la recherche, — le portrait de Mme de Longueville ne devait plus être qu’une peinture sans profondeur sur une toile inerte.
Comme il emportait bien avec lui la faculté merveilleuse développée dans l’humble solitude de Saint-Maurice ! […] Ces deux passages, d’une pénétration si remarquable, procèdent directement de cette faculté que j’ai appelée le don de l’œil. […] Je dis seulement que l’auteur d’une œuvre d’imagination destinée à émouvoir doit posséder cette faculté mystérieuse de s’extérioriser, de vivre dans ses personnages imaginaires, d’être eux-mêmes jusqu’à souffrir de leurs maux inventés, de les faire penser, agir, parler, comme si, vraiment, plusieurs âmes de plus étaient descendues parmi nous. […] Qu’est devenue cette faculté d’entendre jusqu’au silence du désert ?
Il eut le bonheur de conserver jusqu’au bout toutes ses facultés ; mais les souffrances ne lui furent pas épargnées. […] Cette faculté logique dominatrice dictera à Taine sa doctrine, qui sera le déterminisme le plus inexorable. […] Ce labeur précoce aurait pu, semble-t-il, étouffer dans leur fleur les facultés de l’enfant. […] Ils eurent des relations assez suivies vers 1830 ; et quand Guizot devint ministre en 1833, il prit Michelet pour son suppléant à la Faculté des lettres. […] L’histoire déroule une vaste psychologie qui embrasse dans un ordre successif toutes les notions, toutes les facultés qui constituent l’intelligence de l’homme ; chaque notion, chaque faculté se révèle tour à tour sous la forme d’un parti, d’une nation, d’une doctrine, et fait à travers les événements sa fortune dans le monde.
Dans la seconde se réveillent les facultés oratoires, précédant les facultés poétiques : nous avons vu, au xviie siècle, le lyrisme se résoudre en éloquence ; on refait le même chemin en sens inverse.
Point n’est besoin d’une faculté extraordinaire et mystique pour concevoir une négation, ni pour mettre le signe — à la place du signe +. […] Vous concevoir, pour moi, c’est simplement vous construire par cette imagination psychologique qui, chez les romanciers, devient la faculté dominante.
Ni toute cette malheureuse et vaine littérature qu’elle avait d’abord absorbée avec une voracité d’engoulevent, dans le temps où elle avait ses trois professeurs allemands à la suite qui la chargeaient de notions inutiles ou de connaissances ridicules, comme on charge de poudre, à l’en faire crever, une pauvre pièce d’artillerie, ni le grand amour de Dieu qui l’atteignit plus tard, cette mâle passion des âmes fortifiées, ne purent lui faire perdre le sexe de ses facultés qui ne furent jamais, Dieu en soit béni ! que des facultés de femme, rien de plus, mais n’est-ce pas assez ?