Poli, doué, à ce qu’il semble, des avantages extérieurs et d’un grand esprit de sociabilité, aimant à se répandre, à voir, à savoir, à observer, et se plaisant à verser chaque matin sur une idée aisément éclose un courant de versification facile, il était heureux et si bien dans son élément, que le dégoût ne lui serait point venu. […] Quand je dis que Sénecé ne porte pas dans son talent ni dans son esprit la marque précise et le cachet du siècle de Louis XIV, je désire bien faire entendre en quoi cela est vrai ; car il a de ce siècle la politesse, l’élégance facile et une langue pure ; mais il n’en a pas le procédé de composition, ni les jugements ni certaines qualités non moins essentielles que la pureté et l’élégance. […] Sénecé n’a pas assez tenu compte de cet avis, ou plutôt il a obéi et cédé à sa nature, qui était plutôt facile que laborieuse. […] Non, maréchal ; donnez-nous des Mécènes, Et vous verrez des Virgiles pleuvoir… On ne saurait mieux parodier ni plus gaiement traduire le vers de Martial : Sint Maecenates, non deerunt, Flacce, Marones, Sénecé est tout naturellement un conteur ; c’est là son principal mérite ; c’est dans ce genre que son vers déploie sans inconvénient le caractère facile et coulant qui lui est familier, et qu’il mérite qu’on en dise : Mais tel qu’il est, il est d’un tour aisé. […] Sommeil profond, facile à provoquer ; Ni créanciers, ni, prêts à critiquer, Censeurs fâcheux ; — beauté tendre et sincère, Point inégale, et n’aspirant à plaire Qu’à moi tout seul : — Bellocq, si quelque jour Un beau miracle en ma faveur opère De ce souhait l’agréable chimère, Je t’abandonne et Paris et la Cour.
Il leur était bien plus facile de s’expliquer Racine et Boileau, qui appartiennent à la partie régulière et apparente de l’époque, et en sont la plus pure expression Littéraire. […] La Fontaine, en effet, comme Regnier son prédécesseur, aimait avant tout les amours faciles et de peu de défense. […] On a cherché à expliquer un début si tardif dans un génie si facile, et certains critiques sont allés jusqu’à attribuer ce long silence à des études secrètes, à une éducation laborieuse et prolongée. […] Mais cette légère inconséquence, qui lui est commune avec d’autres grands esprits naïfs de son temps, n’a pas lieu d’étonner chez lui, et elle confirme bien plus qu’elle ne contrarie notre opinion sur la nature facile et accommodante de son génie. […] Que La Fontaine était de l’école de Boileau et de Racine en poésie ; qu’il suivait les mêmes procédés de composition studieuse, et qu’il faisait difficilement ses vers faciles ?
Étienne était heureux ; il avait l’humeur facile, le talent facile, la plume aisée, une sorte d’élégance courante et qui ne se cherche pas. […] Reçu à l’Académie française en novembre 1811, à l’âge de trente-trois ans ; dans l’intime faveur des ministres Bassano et Rovigo ; rédacteur en chef officiel du Journal de l’Empire, remplissant la scène française et celle de l’Opéra-Comique par la variété de ses succès, connu d’ailleurs encore par les joyeux soupers du Caveau et par des habitudes légèrement épicuriennes, on se demandait quel était l’avenir de ce jeune homme brillant, au front reposé, au teint vermeil ; s’il n’était (comme quelques-uns le disaient) que le plus fécond et le plus facile des paresseux, un enfant de Favart ; s’il ne faisait que préluder à des œuvres dramatiques plus mûres, et où il s’arrêterait dans ces routes diverses qu’il semblait parcourir sans effort. […] Étienne, quand il parle en vers, est facile, coulant, élégant, comme on dit, mais d’une élégance qui, sauf quelques vers heureux242, devient et demeure aisément commune. […] Il rédigeait le Constitutionnel, et se laissa vivre de ce train d’improvisation facile et de paresse occupée qui semble avoir été le fond de ses goûts et de sa nature.
— Je n’ai pas dit, répondrai-je, qu’elle fût facile ; je n’ai pas dit non plus qu’elle dût être nécessairement exécutée par un individu. […] Bref, la science sera en possession de vérités qui, rendant plus intelligible la façon dont le passé s’est déroulé, rendront par-là plus facile l’art de prévoir et de créer l’avenir.
Il en est des réputations faciles comme des modes. […] Mais qu’est-ce que la littérature facile ? […] Quels talents ne nous a pas gâtés la littérature facile ? […] personne ne trouvera une heure à donner à la littérature facile et inutile ? […] La seconde tâche est plus facile.
La raison en est facile à trouver ; c’est que la Postérité ne juge jamais d’un Auteur sur les éloges de ses contemporains & de ses amis ; elle le cite en personne devant son Tribunal, & ses Productions ne peuvent se soutenir à ses yeux que par leur propre mérite. […] L’aptitude à résoudre un problême, n’est pas non plus capable de soutenir la réputation de Grand Homme, facile à se procurer, quand, avec quelque mérite, on a l’adresse d’intéresser l’amour-propre des autres au succès du sien.
Les choses se passent ainsi ordinairement, parce que, ordinairement, ou nous lisons un texte facile à entendre, ou nous relisons un texte difficile qui nous est devenu familier. […] S’agit-il, au contraire, d’un texte de notre langue maternelle, d’un texte français, par exemple, et non d’un texte ancien, que nous serions tentés de traduire en langage d’aujourd’hui, mais d’un texte contemporain, — s’il est facile à entendre, le sens immédiatement conçu sera définitif ; — s’il est difficile, pour le bien comprendre nous ne chercherons pas à le traduire : nous nous contenterons de relire après avoir lu et de relire après avoir relu ; le sens se déterminera, se précisera, se corrigera et s’enrichira peu à peu sans que l’expression varie ou s’accroisse par des commentaires. […] Parmi les pensées claires, celles-là seules sont faciles à exprimer et à bien exprimer, qui sont faciles à trouver et à entendre ; ce sont les idées du sens commun et du bon sens, que tout le monde admet d’avance. […] Les auteurs dont les manuscrits ne sont souillés d’aucune rature, dont le premier jet est définitif, sont toujours ou des écrivains négligés, à la fois obscurs et incorrects, ou des esprits vagues, ou des esprits faciles et superficiels. […] Lemoine, p. 175-176 : il distingue les parleurs faciles, esprits médiocres, et les esprits féconds, parleurs maladroits ; « les uns pensent leur parole, les autres parlent leur pensée… C’est la perfection quand le mot ne précède jamais l’idée, mais ne tarde jamais à la suivre. » 37.
Il est de quelque province dont il n’a quitté que fort tard le village ou les champs ; il en garde l’accent ; il en garde l’esprit de clocher, les jalousies, les rancunes, toutes les tares originelles qui faisaient de lui une médiocrité de la province, et sur lesquelles la fréquentation des milieux parisiens n’a mis qu’un léger vernis, bien facile à reconnaître, bien facile à briser. […] « Pour des vers faits dans la province, ces vers-là sont fort beaux », disait Molière, que Gresset devait copier outrageusement, en composant ce vers facile et célèbre : Elle a d’assez beaux yeux pour des yeux de province. […] Il y avait surtout, à cette époque, une classe de provinciaux qui était bien faite pour étonner le Parisien, pour servir de cible à sa plaisanterie facile et de modèle aux auteurs comiques : c’était la bourgeoisie rurale. […] Ils pensent encore que le calme, la possession plus complète de soi-même, la vue prochaine et facile des campagnes véritables, non enjolivées, et non bâties, ne sont pas des compensations sans valeur à l’éloignement des théâtres et des sources immédiates de l’information politique ou mondaine.
Le roman mondain est le plus facile, parce qu’il simplifie. […] Car l’intrigue est trop facile, a coûté trop peu, et il y paraît. […] Je les ai certes retrouvés dans ce roman spirituel, vif, mais, j’y reviens, facile, et M.