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382. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Il faut rendre à M. de Persigny cette justice qu’il a dans le cœur ce je ne sais quoi d’élevé qui répond bien à un tel sentiment, qui y sollicite et peut y rallier même des adversaires, qui va chercher en chacun ce qui est vibrant, et que le sentiment napoléonien historique et dynastique tel qu’il le conçoit dans son esprit et dans son culte, tel qu’on l’a entendu maintes fois l’exprimer avec une originalité saisissante (toute part faite à un auguste initiateur), est à la fois ami de la démocratie, sauveur et rajeunisseur des hautes classes, animateur de la classe moyenne industrielle en qui il tend à infuser une chaleur de foi politique inaccoutumée. En revenant au discours du Forez, on retrouve là dans la piquante théorie de la noblesse qui, à la bien entendre, n’est plus un privilège et doit se répartir à divers degrés entre tous les individus d’un même pays, une variante ingénieuse pour exprimer ce sentiment patriotique d’union.

383. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

C’est de cette manière, ajouta-t-elle, que je lui ai montré, et vous avez vu les jolies lettres qu’il a faites.” » Ainsi conduit et dirigé, en effet, l’enfant, après plusieurs épreuves, sentira, tirera lui-même cette conclusion, « que le principal, pour bien écrire, est d’exprimer clairement et simplement ce que l’on pense ». […] L’essentiel est de lire les réflexions développées dans ce volume, d’une manière désintéressée, sans le vulgaire désir d’y apprendre des procédés rapides et mécaniques ; si l’on y prend des points de départ, des matériaux, une direction, un stimulant, pour penser par soi-même, pour comprendre comment les écrivains bâtissent leurs ouvrages, ordonnent et expriment leurs conceptions, et comment on doit soi-même travailler, insensiblement l’esprit, familiarisé avec les grandes lois de l’art d’écrire, dont il aura pénétré la vérité et mesuré la portée, s’y conformera en composant, et il conduira, disposera, traduira ses pensées selon des règles qui ne seront plus logées dans la mémoire, mais feront partie de lui-même et auront passé dans sa substance.

384. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

On n’a pas d’idées : on fait semblant d’en exprimer. […] Le pis est qu’on ne s’en aperçoit pas et que l’on croit bien véritablement exprimer son sentiment personnel ; on s’y affermit, on en conçoit la vérité en le voyant partagé par tant d’autres, qui lisent aussi le journal.

385. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Ce poète, aussi peu « homme de lettres qu’Homère, ce qu’il exprimait sans effort, c’était tous les beaux sentiments tristes et doux accumulés dans l’âme humaine depuis trois mille ans : l’amour chaste et rêveur, la sympathie pour la vie universelle, un désir de communion avec la nature, l’inquiétude devant son mystère, l’espoir en la bonté du Dieu qu’elle révèle confusément ; je ne sais quoi encore, un suave mélange de piété chrétienne, de songe platonicien, de voluptueuse et grave langueur. […] Rappellerai-je que ce roi de l’élégie amoureuse et religieuse est aussi le poète de la Marseillaise de la paix, des Révolutions, des Fragments du livre antique ; que nul n’a plus aimé les hommes, ni annoncé avec une éloquence plus impétueuse l’Evangile des temps nouveaux ; qu’il a fait Jocelyn, cette épopée du sacrifice et le seul grand poème moderne que nous ayons ; que nul n’a exprimé comme lui la conception idéaliste de l’univers et de la destinée, et qu’enfin c’est dans Harold, dans Jocelyn et dans la Chute d’un Ange que se trouvent les plus beaux morceaux de poésie philosophique qui aient été écrits dans notre langue ?

386. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Mais, comme il avait pourtant une imagination de poète et beaucoup de sincérité, il lui arrivait d’exprimer, avec un accent assez pénétrant, la tristesse de sa solitude morale et la mélancolie d’une âme qui se croit supérieure à sa destinée. […] Seulement nous la cachons mieux ; nous ne l’exprimons pas, en général, par des préfaces, mais par des actes, par toute notre conduite et par le mal que nous disons de nos confrères.

387. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Maeterlinck se caractérise en ceci : qu’il s’exprime en phrases très claires, très simples, mais à double ou à triple sens, sens de plus en plus lointains sans cesser jamais d’être cohérents, et de s’amplifier les uns par les autres. […] Aussi, dans la Quenouille et la Besace s’y exprimera-t-il avec moins de pessimisme que dans les Serres chaudes, avec moins de poésie artificielle et avec des refrains de complaintes plus délicates, plus douces, plus émouvantes.

388. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Mme de Staël risque celle-ci : « Tout ce qui concerne l’exercice de la pensée dans les écrits, les sciences physiques exceptées » ; et Schlegel : « Tous les arts et toutes les sciences, ainsi que toutes les créations et toutes les productions qui ont pour objet la vie et l’homme lui-même, mais qui, sans avoir aucun acte extérieur pour but, n’agissent que par la pensée et le langage et ne se manifestent qu’à l’aide de la parole et de l’écriture. » Cette définition encyclopédique est peut-être juste, mais, si elle définit quelque chose, elle exprime que la littérature embrasse tout ce qui s’écrit, car où serait la démarcation ? […] On oublia que le poème ne gagne pas plus à la valeur sociale des idées qu’il exprime, que l’opéra de Wagner ne perd à l’inauthenticité des légendes germaniques évoquées.

389. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

Le respect et l’attention que la cour d’un roi de Perse témoigne pour son maître, doivent être exprimez par des demonstrations qui ne conviennent pas à l’attention de la suite d’un consul romain pour son magistrat. […] Le peintre y exprime parfaitement bien la difference qui est entre l’action naturelle des personnes de chaque temperament, quoiqu’elles agissent par la même passion ; et l’on sçait bien que cette sorte d’execution ne se faisoit point par des bourreaux païez, mais par le peuple lui-même.

390. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Pour la bien exprimer, il faut que le coeur en ressente du moins quelque legere atteinte. […] Il consiste dans une disposition méchanique à se prêter facilement à toutes les passions qu’on veut exprimer.

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