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413. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

s’écriait-il dans les moments de solitude, on les appelle doux et tendres, et, de telle façon qu’ils soient, je les déclare durs et amers… L’image des plaisirs innocents de l’enfance retrace un temps qui nous rapproche de celui où nous n’existerons plus. […] Mes arbres croissaient ; ce que j’aimais était encore au monde, ou existait pour moi. […] [NdA] Il existe une bonne biographie du prince de Ligne, une notice sur lui par M. de Reiffenberg (Nouveaux Mémoires de l’Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, t. 

414. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Il faut le dire, il y a deux idées différentes et presque contraires, qui ont présidé à la constitution de l’Académie française, telle qu’elle existe à présent, sous sa forme moderne, et il convient d’autant plus de les démêler que l’une s’est insensiblement substituée à l’autre et la masque tout à fait aujourd’hui. […] Il y avait bien dans ]’Institut une Classe qui répondait à ce qu’avait été l’Académie française ; mais cette Académie elle-même existait alors si peu comme un corps identique à l’ancien, qu’on a un mémoire rédigé par Fontanes vers cette date et en vue de son rétablissement : Napoléon, qui avait sans doute demandé le mémoire, ne donna pas suite à l’idée. […] La grande objection consistant à dire qu’il serait embarrassant de voir s’asseoir le lendemain à son côté un confrère dont, la veille, on aurait discuté et peut-être contesté en partie les titres, n’existe donc plus, ou du moins est fort affaiblie.

415. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Elle veut tout éclaircir, tout comprendre, tout mesurer ; elle ne vous concède rien d’obscur, d’inaccessible, et tout ce qu’elle ne peut pas éclairer de son flambeau n’existe point pour elle ; aussi a-t-elle une peur affreuse de la philosophie idéaliste, qui, à son sens, mène au mysticisme et à la superstition, et c’est là l’atmosphère où elle s’anéantit. […] Le sentiment de l’art lui manque ; et le beau qui n’est pas esprit et éloquence n’existe pas pour elle. […] Or, elle l’a dit, on ne cause véritablement qu’en France et en français : « la conversation, comme talent, n’existe qu’en France. » En Angleterre on ignore cette nuance particulière et si charmante de faire sentir l’éloquence dans la conversation ; si l’on a l’instinct et si l’on se donne la peine d’être éloquent, on l’est pour les Chambres et pour la vie publique ; on passe outre au salon, on ne s’amuse pas à ce prélude devant les dames.

416. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Une telle poésie existe de droit et se justifie à elle seule. — Poésie modérée, bien que depuis lors nous en connaissions une autre, grande, magnifique, souveraine, et que nous nous inclinions devant, et que nous l’admirions en ses sublimes endroits ; — poésie d’entre-deux, moins vive, moins imaginative, restée plus purement gauloise ou française, plus conforme à ce que nous étions et avant Malherbe et après ; — poésie qui n’es pas pour cela la poésie académique ni le lieu commun, et qui as en toi ton inspiration bien présente ; qui, à défaut d’images continues, possèdes et as pour ressources, à ton usage, le juste et ferme emploi des mots, la vigueur du tour, la fierté du mouvement ou la naïveté du jet ; poésie qui te composes de raison et de sensibilité unies, combinées, exprimées avec émotion, rendues avec harmonie ; puisses-tu, à ton degré et à ton heure, à côté de la poésie éclatante et suprême, te maintenir toujours, ne cesser jamais d’exister parmi nous, et d’être honorée chez ceux qui t’ont cultivée avec amour et candeur ! […] Le Rhin n’empêche pas la Marne de couler et d’exister ; le Rhône n’empêche pas le Lez21.

417. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Il les combat, il les réfute ; il évoque contre eux, de même qu’il le faisait contre les précédents adversaires, et sous une forme à peine différente, le péril de la ruine sociale, le spectre du néant, de l’athéisme, son incompatibilité profonde avec l’esprit humain, avec la société humaine, l’abîme de l’irresponsabilité morale où tomberaient les âmes… ; en un mot, la fin du monde civilisé, tel qu’il a été conçu jusqu’ici et qu’il a existé depuis la première cité et le premier autel. […] La prière une fois admise et reconnue pour efficace et légitime, la religion existe : Dieu et l’homme sont unis par un lien. […] Boutmy dans la Presse , du 27 août 1864. incompatibilité profonde avec l’esprit humain, avec la société humaine, l’abîme de l’irresponsabilité morale où tomberaient les âmes… ; en un mot, la fin du monde civilisé, tel qu’il a été jusqu’ici conçu et qu’il a existé depuis la première cité et le premier autel.

418. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

C’est un miroir qui reflète ce qui l’environne, et qui existe par lui-même. […] L’originalité varie beaucoup d’un esprit à l’autre, mais elle existe chez tous et partout. […] Il se pose par eux, il existe par eux, mais il s’oppose à eux, il ne jouit guère qu’en leur causant quelque dommage, il profite de leurs souffrances, il ne vit que de leur mort.

419. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Pour cette classe d’esprits, Sophocle et son Œdipe, Phidias et son Jupiter n’ont jamais existé. […] Cet Être souverain daigne s’abaisser un jour jusqu’à lui et lui dit : Je suis Celui par qui tout est ; sans moi, tu n’existerais point ; je te douai d’un corps sain et robuste, j’y plaçai l’âme la plus active : tu sais avec quelle profusion je versai la sensibilité dans ton cœur, et la gaieté sur ton caractère ; mais, pénétré que je te vois du bonheur de penser, de sentir, tu serais aussi trop heureux si quelques chagrins ne balançaient pas cet état fortuné : ainsi tu vas être accablé sous des calamités sans nombre ; déchiré par mille ennemis, privé de ta liberté, de tes biens ; accusé de rapines, de faux… Et lui, se prosternant devant l’Être des êtres, répond en acceptant toute sa destinée : Être des êtres, je te dois tout, le bonheur d’exister, de penser et de sentir.

420. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

La plupart sont des systématiques et des logiciens qui font ou des constructions à priori ou des plaidoyers : ils défendent ou condamnent la démocratie d’après certains principes généraux ; mais pas un n’a étudié la démocratie comme un fait, et cela d’ailleurs par une raison très-facile à comprendre, c’est que ce fait n’existait pas encore, au moins sur une grande échelle. […] Peut-être Tocqueville a-t-il exagéré les chances que la société avait de tomber dans une de ces égalités au lieu de s’élever à l’autre ; mais que de pareilles chances existent dans une société démocratique, c’est ce qu’il est impossible de nier. […] Moi, je voudrais que la société vît ces périls comme un homme ferme qui sait que ces périls existent, qu’il faut s’y soumettre pour obtenir le but qu’il se propose, qui s’y expose sans peine et sans regret, comme à une condition de son entreprise, et ne les craint que quand il ne les aperçoit pas dans tout leur jour. » Dans une lettre de la même époque à un autre de ses amis, trop longue pour être citée, il exprime encore avec plus de précision la vraie pensée du livre de la Démocratie.

421. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Il existe encore pour nous un autre motif d’étonnement à constater cette singulière méprise des novateurs : c’est qu’ils eurent pour principal auxiliaire et pour guide intellectuel, le vivant et robuste John Ruskin, dont le naturisme puissant semble en contradiction flagrante avec l’esprit chrétien de la « Confrérie ». […] Exista-t-il jamais un grand artiste pour qui l’être virant fut d’ordre secondaire et le « mythe » seul important. […] La peinture ancienne, presque toute entière, quelqu’admirable qu’ait été ses glorieux représentants, se meut dans le vide ; l’atmosphère n’existe pas pour elle.

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