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2325. (1933) De mon temps…

Cette conversation, à la fois prolixe et décousue, ces digressions embrouillées, cette élocution hésitante, tout le gâchis et toutes les bavures de son discours faisaient de lui une espèce de « raseur supérieur » ; mais, qu’il prit la plume, et tout ce déchet et ce tâtonnement de sa pensée devenaient de l’éloquence, de la finesse, de la profondeur, de l’harmonie.

2326. (1896) Le livre des masques

Comme il sait toutes les théogonies et toutes les littératures, J’ai connu tous les dieux du ciel et de la terre, comme il a bu à toutes les sources, il connaît plus d’une manière de s’enivrer : dilettante d’espèce supérieure, quand il aura épuisé la joie des navigations, quand il aura choisi sa demeure (sans doute près d’une vieille fontaine sacrée), ayant beaucoup cueilli, ayant beaucoup semé de nobles graines, il se verra le maître d’un jardin royal et d’un peuple odorant de fleurs, Fleurs éternelles, fleurs égales aux dieux !

2327. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Une masse d’arbres magnifiques y permet la promenade même au mois de juillet quand le soleil est au zénith : ses rayons ne pénètrent pas dans les frais sentiers qui traversent ces bois de hêtres séculaires, et l’herbe qui y croît récrée la vue par ce vert obscur des plantes vierges des rayons solaires, de même que l’odorat ne se lasse pas de sentir le parfum des fleurs et que l’ouïe est charmée par le gazouillement des mille espèces d’oiseaux qui peuplent les bois… Pour que rien ne manque à Roncevaux, tout n’y est pas forêt. […] Mais voici qu’à cette autorité s’en oppose une autre qui, en l’espèce, paraît encore plus décisive.

2328. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Rien de plus curieux que ces études mêlées de fantaisie, il est vrai, mais où, malheureusement pour l’espèce humaine, la vérité tient aussi sa place. […] Plus loin, le poète est repris par les hautes pensées, son esprit se promène sur toute la création, et en présence des cruautés de la politique de conquête, il lance, lui, l’homme de progrès, l’anathème contre la civilisation : Vous croyez civiliser un monde Lorsque vous l’enfiévrez de quelque fièvre immonde, Quand vous troublez ses lacs, miroirs d’un dieu secret, Lorsque vous violez sa vierge, la forêt ; Quand vous chassez du bois, de l’antre, du rivage Votre frère naïf et sombre, le sauvage, Cet enfant du soleil peint de mille couleurs, Espèce d’insensé des branches et des fleurs, Et quand, jetant dehors cet Adam inutile, Vous peuplez le désert d’un homme plus reptile, Vautré dans la matière et la cupidité, Dur, cynique, étalant une autre nudité, Idolâtre du dieu dollar, fou qui palpite, Non plus pour un soleil, mais pour une pépite, Qui se dit libre, et montre au monde épouvanté L’esclavage étonné servant la liberté !

2329. (1802) Études sur Molière pp. -355

Aussi a-t-il froid ensuite, et sachant qu’il a détruit toute espèce d’illusion, il va chauffer ses mains sur la rampe, et le public a la… bonhomie d’applaudir avec le même discernement qu’il vient de battre des mains, scène xii , lorsque Mascarille, infidèle au comique pour le bouffon18, s’est vanté d’avoir reçu à la dernière affaire un coup de cotret ; il y a dans Molière un coup de mousquet : et voilà comme on empoisonne la tradition et le goût.

2330. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

c’est-à-dire le séducteur, l’irrésistible, le dernier rejeton mâle de cette race éteinte qu’on nomme les hommes à bonnes fortunes ; mélange de dépravation diabolique et de vertu patriarcale ; démon à velléités séraphiques ; ange aux allures infernales ; très corrompu et pourtant très prude ; Lovelace greffé sur Grandisson ; employant à sauver les femmes qu’il a perdues toutes les séductions qui lui ont servi à les perdre : bref, pour revenir à mon texte, le mauvais sujet troubadour, tel qu’on le retrouvera encore dans les romans de femmes cent ans après que l’espèce en aura disparu dans le monde.

2331. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Depuis longtemps, dans le domaine de la création artistique et littéraire, cette espèce d’hommes n’a plus de représentants, la seule devant laquelle la Femme soit obligée de s’incliner sans lui pouvoir rien opposer, car, nous le disions au début de notre Préface, sur ces hauteurs sacrées par le génie mâle flotte une atmosphère irrespirable à de certains poumons, et comme il est peu d’intelligences pour embrasser dans leur plénitude l’intime signification de leurs œuvres, on en trouve moins encore pour leur susciter des équivalents.

2332. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

En art, la vérité matérielle ne doit point préoccuper, il ne faut s’attacher qu’à la vérité morale, et, dans l’espèce, cette vérité résulte du contraste des caractères.

2333. (1881) Le naturalisme au théatre

Durant quatre années, j’ai été chargé de la critique dramatique, d’abord au Bien public, ensuite au Voltaire. Sur ce nouveau terrain du théâtre, je ne pouvais que continuer ma campagne, commencée autrefois dans le domaine du livre et de l’œuvre d’art. Cependant, mon attitude d’homme de méthode et d’analyse a surpris et scandalisé mes confrères. Ils ont prétendu que j’obéissais à de basses rancunes, que je salissais nos gloires pour me venger de mes chutes, parlant de tout, de mes œuvres particulièrement, à l’exception des pièces jouées. Je n’ai qu’une façon de répondre : réunir mes articles et les publier.

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