Rien, au fond, n’est moins peintre que lui… Rien de moins grand historien, à l’ampleur puissante et tranquille, que ce ramasseur de commérages au détriment de la grandeur intrinsèque des hommes et des choses, que cette espèce de portier d’institut dans l’Histoire, qui « cancane » sur les choses historiques comme les autres portiers sur les choses de leur quartier.
J’ai secoué les délicatesses morbides, exalté l’œuvre féconde de la chair tente l’assaut des tours solitaires, qu’elles fussent d’ivoire ou de pierre, fait surgir des passions qui aboutissaient à la reproduction de l’espèce.
Et elle crée aussi du nouveau à l’intérieur d’elle-même, puisque l’action volontaire réagit sur celui qui la veut, modifie dans une certaine mesure le caractère de la personne dont elle émane, et accomplit, par une espèce de miracle, cette création de soi par soi qui a tout l’air d’être l’objet même de la vie humaine.
Toutefois, dans son ensemble, et précisément parce qu’elle est pratiquée par de nombreux esprits d’espèces fort diverses, la littérature déconcerte souvent par sa richesse et sa variété ; la valeur relative et la valeur absolue se confondent, les goûts se contredisent, les idées heurtent des opinions personnelles, et, dans l’enchevêtrement des causes, des effets, des précurseurs, des attardés, des formes traditionnelles, des formes neuves et sincères, il est presque aussi malaisé de dégager la ligne essentielle qu’il est difficile de définir « la vie ».
Je l’ai vu qui entendait chanter ses mélodies adorables, le Vieil air, si pimpant et mélancolique, la sublime déploration de Mes morts tristement nombreux, l’extraordinaire Dansons la gigue, dont le rythme terrible et railleur emporte des tourbillons de souffrance et de chagrin qui fait le fou : il était heureux jusqu’aux larmes et il éprouvait, avec une minutie alarmée, tout le détail des sentiments qu’il avait réalisés sous les espèces magiques des sons. […] Ils vivent et ils travaillent sous les espèces de l’éternité. […] … Maurice Donnay l’épie ; et je le vois qui la regarde, qui en suit les incidents avec ses yeux mobiles, curieux, tendres et rieurs ; ses doigts frémissent d’une espèce d’impatience, à cause de la prodigieuse diversité du spectacle. […] Si nous en étions, il y aurait là, de la part d’hommes qui ont vu ce que nous avons vu, disons une espèce d’effronterie. […] Cette espèce de gens florit aux époques de décadence.
Lundi 9 janvier Toute la journée, je la passe à voir planter une quarantaine de pivoines, qu’Hayashi m’a envoyées du Japon, et qu’il m’a fait dire être les espèces les plus remarquables et les plus rares. […] Et Daudet parle de l’admiration, de l’espèce de culte pour le mal, chez les médecins, les infirmiers, citant l’enthousiasme lyrique d’un frère Saint-Jean-de-Dieu pour la plaie du petit Montegut, chantant sa beauté, la comparant à une pivoine.
La critique des professionnels est faite par des spécialistes, dont le métier est de lire des livres, de tirer de ces livres une certaine doctrine commune, d’établir entre les livres de tous les temps et de tous les lieux une espèce de société. […] Pour la plupart des romanciers, écrit Brunetière, nous ne sommes que ce qu’on pourrait appeler les annonciers de la littérature ; et quand nous n’annonçons pas, on croirait, à les entendre, que nous manquons à une espèce de contrat. […] L’orateur n’est ici pour nous que le chef de file de ces espèces analogues, l’homme politique, le journaliste ou le critique qui ont toujours raison. […] Il le définit, en effet, « ce tact de l’âme, cette faculté innée ou acquise de saisir et de préférer le beau, espèce d’instinct qui juge les règles et qui n’en a point ».
Voici l’hôpital de la Résurrection, où les deux chiens Scipion et Berganza dissertent la nuit si savamment sur l’espèce humaine. […] Un menteur pour Hamlet, dont l’élément de vie est la vérité, est une caricature, un être grotesque et surprenant, exactement comme pour l’homme antique, dont l’élément de vie était la liberté, pour le Dion, pour le Pélopidas, le tyran était une espèce de monstre ridicule en dehors de toutes les règles naturelles. […] Une expérience incessamment renouvelée lui avait appris en effet qu’une âme humaine est une mine inépuisable en métaux mêlés de toute espèce, or et argent précieux, cuivre vulgaire, plomb terne et vil étain. […] Cependant l’espèce de mépris affectueux qu’il inspirait avait des causes plus profondes, qu’il avait pénétrées parfaitement, et dont la connaissance lui rendait facile son rôle de parasite et de bouffon. […] Dans Rabelais, le bonhomme Gargantua et le bon Pantagruel, un roi et un prince, expriment seuls des sentiments élevés ; Panurge est un personnage fort comique, mais un drôle de la pire espèce.
Zola ; il est tel sillon fraîchement remué qu’il vous décrira en poète grand comme Millet ; mais quand par malheur pour l’espèce humaine elle tombe sous sa main, il l’abaisse, l’avilit tant et si bien que le dégoût vous prend des agissements qu’il lui prête et que vous ne vous intéressez plus guère dans ses romans qu’à la partie nature morte de l’œuvre. […] Le héros du livre, Michel Berthier, n’a du moins, lui, pas de plan de défection bien arrêté ; c’est un homme de nature faible (espèce redoutable !) […] tout le monde les a aujourd’hui ; le sublime du métier, c’est de savoir saisir les nuances intimes de chaque espèce de pattes, et de les habiller chacune selon son tempérament ! […] Par l’instinct du travail peut-être (qui est si grand dans son espèce), elle sentit que je devais être un paisible travailleur, et que j’étais là aussi occupé, comme elle, à tisser ma toile.