Voltaire ne fut de l’Académie qu’en 1746, c’est-à-dire tard, comme Boileau ; mais une fois entré, bien qu’absent et de loin, il y régna et gouverna, ce que Boileau n’avait pas fait. […] Mais un jour, un ordre précis arrive de Ruel où était le cardinal, à tous ceux qui font partie de l’Académie, d’avoir à opter dans trois jours ou d’y donner leurs soins et leurs assistances régulières, lorsqu’ils seront à Paris et qu’ils ne seront point malades, ou de faire place à beaucoup de personnes de considération qui demandent à y entrer : Et cet ordre sérieux, et témoigné par Mme la duchesse d’Aiguillon qui y était présente, a eu un tel effet, nous dit Chapelain, que notre homme (Voiture) s’est résolu de contraindre son libertinage et de venir plutôt à l’Assemblée en enrageant que de la négliger comme il l’avait fait, de peur d’attirer sur lui l’indignation de celui qui peut toutes choses. […] L’embarras était donc grand de la part de M. le cardinal d’Estrées, qui ne pouvait me donner sa voix sans entrer à l’Académie, et qui ne pouvait d’ailleurs se résoudre à y entrer qu’il n’eût un fauteuil.
On raconte que ceux qui arrivèrent à Genève y entrèrent en chantant d’une voix grave un psaume des Hébreux fugitifs, traduit par Théodore de Bèze : Faut-il, grand Dieu, que nous soyons épars ! […] Il s’agissait, pour ce peuple errant et dispersé, de se donner un rendez-vous à l’extrémité du lac de Genève, à Bex, aux portes du Valais, d’entrer en Savoie, « de l’effleurer par le territoire de Saint-Maurice, de passer à Martigny, de suivre la vallée du grand Saint-Bernard jusqu’à Orsières, de remonter le val Ferret, puis traverser le col Letrevre, descendre à Courmayeur, passer de là au petit Saint-Bernard, tourner ainsi le Mont Blanc, et venir retomber en Savoie entre le col Bonhomme et le mont Iseran du côté de Scez, sur la route qu’avaient reconnue leurs premiers éclaireurs. » Cet itinéraire habile et hardi ne fut pas suivi comme il avait été tracé d’abord ; le premier projet échoua ; la pratique et la nécessité en suggérèrent un autre : ce fut à Prangins, près de Nyon, que le rendez-vous patriotique eut lieu ; on traversa le lac à cet endroit (16 août 1689) ; on passa par Cluse, Sallanches, on attaqua le Mont-Blanc et le col du Bonhomme par un autre côté. […] Il y entra, dit-on, le 8 février (1687) à pied, couvert de son manteau sans que personne l’attendît, pour éviter toutes les cérémonies qui n’étaient pas de son goût et pour épargner les dépenses vaines. […] Aujourd’hui il est bien clair et démontré pour tous que Catinat, en 1690, aurait pu entrer plus tôt en campagne, qu’il perdit du temps avec le duc de Savoie ; il aurait pu assiéger Turin avant que le duc fût prêt.
Rien n’est cependant plus du sien, et Sa Majesté est persuadée qu’il convient tout à fait à son service, de faire entrer son armée en Piémont la campagne prochaine… Vous devez avoir reçu une lettre de Sa Majesté par laquelle elle vous marque que, voulant absolument que son armée entre en Piémont la campagne prochaine, elle ne vous rendra en aucune façon responsable des événements de la campagne, et c’est ce qu’elle m’a encore ordonné de vous confirmer… Comme je crois que vous voulez bien me compter au nombre de vos amis, j’ai cru ne pouvoir vous donner une plus grande marque que j’en suis que de vous avertir pour vous seul, s’il vous plaît, que Sa Majesté est persuadée que, si votre goût n’était point aheurté à une guerre défensive, il ne se trouverait peut-être pas tant de difficultés à en faire une offensive cette année : ainsi, quoique je ne sois pas capable de vous donner des conseils, cependant je crois devoir vous donner celui de renouveler de soins et d’attentions pour essayer de rendre facile, par l’avancement de la voiture (du voiturage) des farines, une chose que le roi désire aussi ardemment. » Catinat répondait en remerciant Barbezieux de cet avis amical, et il protestait que la défensive n’était point chez lui un parti pris et que son goût n’était point aheurté à ce genre de guerre ; qu’elle lui tenait, au contraire, l’esprit dans une continuelle inquiétude dont il aimerait mieux se décharger en agissant ; il ajoutait : « Le roi me demande des mémoires sur les dispositions de l’offensive : je ne puis que me donner l’honneur de les lui envoyer aussi détaillés qu’il m’est possible avec les difficultés qui se rencontrent dans leur exécution, afin qu’il lui plaise de donner ses ordres pour les surmonter. » Louis XIV se rendait en dernier ressort aux raisons et démonstrations de Catinat ; mais il se formait de lui peu à peu une idée qui n’était plus aussi avantageuse qu’auparavant, ni aussi brillante. […] Inaugurant dès le début une guerre nouvelle, Eugène entra en Italie par Trente, passa l’Adige à Carpi, pénétra dans le Bressan, déjoua partout Catinat et le rejeta derrière l’Oglio. […] Catinat s’en aperçut ou s’en douta ; le soupçon seul, une fois entré dans son esprit, devait achever de le déconcerter et le rejeter à l’excès du côté de la prudence. […] Il fit demander au roi que, tout en restant à l’armée pour la fin de cette campagne, il lui fût permis de se retirer après, et il en donna les raisons suivantes, ne craignant point de fournir lui-même des motifs d’excuses et presque des armes à la sévérité dont il était l’objet : « Je ne suis.plus jeune, écrivait-il à Chamillart (28 août), je suis près d’entrer dans ma soixante-quatrième année.
De grands-oncles de ce nom de Desbordes, riches libraires établis en Hollande et restés protestants, proposèrent, à ce qu’il paraît, à leurs parents de Douai de les faire entrer dans leur succession, si les enfants étaient rendus à la religion protestante, qui était celle des aïeux avant la révocation de l’édit de Nantes. […] — C’est alors que, retrouvant sa famille dans le plus grand dénuement, elle se résigna, après bien des hésitations, à entrer au théâtre. […] Mme Gontier vieille et devenue dévote, bien que restée comédienne, n’entrait jamais en scène sans faire deux ou trois fois dans la coulisse le signe de la croix. […] Un jour que Murville montait les dernières marches de l’escalier, la camériste entra tout effrayée dans la chambre de sa maîtresse pour lui annoncer le péril, péril plus grand encore qu’à l’ordinaire.
On a retrouvé alors, ou, au besoin, on a réinventé tout cela : il y a eu, dans la grande reconstruction, du vrai, du solide et de l’authentique ; il y est aussi entré bien du mensonger, de l’apocryphe et du postiche. […] Et voilà que, dès 1837, le calme presque universel s’établissait ; et, pour réduire la question aux limites de notre sujet, voilà que littérairement, ce calme social d’apparence propice n’enfantait rien et ne faisait que mettre à nu le peu de courant ; que de guerre lasse, et à force de tourner sur soi-même, on se reportait d’un zèle oiseux vers le passé, non pas seulement le haut et grand passé, mais celui de toute espèce et de toute qualité, et l’on déjeunait des restes épicés de Crébillon fils comme pour mieux goûter le Racine ; voilà que les générations survenantes, d’ordinaire enthousiastes de quelque nouvelle et grande chimère et en quête d’un héroïque fantôme, entraient bonnement dans la file à l’endroit le plus proche sans s’informer ; que sans tradition ni suite, avec la facilité de l’indifférence, elles se prenaient à je ne sais quelles vieilles cocardes reblanchies, et, en morale comme dans l’art, aux premiers lambeaux de rubans ou de doctrines, aux us et coutumes de carnaval ou de carême. […] Massillon disait, à propos de son Petit Carême, que, lorsqu’il entrait dans cette grande avenue de Versailles, il sentait comme un air amollissant. […] A cet âge qu’accuse le chiffre moyen du cadran commun, artistes et poëtes, on est entré généralement dans la manière définitive.
Mais la tragédie s’achevait à peine, que les gens de police entrèrent et firent défense de passer outre. […] Elle n’eut pas plutôt achevé, qu’elle vit entrer une femme qui dit brusquement : « Non, madame, ce n’est point une dame, c’est la Beauval. » Toute part faite à la singularité de la personne qui disait ce mot, on a là une mesure vraie du préjugé social au commencement du xviiie siècle. […] L’abbé entrait dans son sens en lui indiquant l’hôtel de Bouillon comme le lieu d’où venait le péril. […] M. de Maurepas écrivit au lieutenant de police que l’intention du cardinal de Fleury n’était point d’entrer dans cette affaire de la sépulture ecclésiastique, mais de s’en rapporter à ce que feraient l’archevêque de Paris et le curé de Saint-Sulpice : « S’ils persistent à la lui refuser comme il y a apparence, écrivait-il, il faudra la faire enlever la nuit et enterrer avec le moins de scandale que faire se pourra. » Le corps fut donc enlevé de nuit dans un fiacre ; deux portefaix guidés par un seul ami, M. de Laubinière, allèrent l’enterrer dans un chantier désert du faubourg Saint-Germain, vers l’angle sud-est actuel des rues de Grenelle et de Bourgogne.
Cette correspondance dans laquelle Rousseau n’entra qu’à son corps défendant, et où, du premier au dernier jour, chaque billet lui fut comme arraché, a pourtant cela de remarquable et d’intéressant, qu’elle est suivie, qu’elle forme un tout complet, qu’elle n’était pas destinée au public, qu’elle nous montre Jean-Jacques au naturel depuis le lendemain de La Nouvelle Héloïse jusqu’au moment où sa raison s’altéra irrémédiablement. […] Après d’assez longs éloges sur cette Julie inconnue et sur son droit d’entrer en relation avec le grand homme, on indiquait à Rousseau un moyen de répondre. […] Au reste, il aurait bien tort de se contraindre ; car ces deux femmes, dans les lettres qui suivent, vont entrer à leur tour dans ces détails de santé, non seulement avec intérêt et affection, mais avec importunité et harcèlement, jusqu’à discuter, par moments, les voies et moyens et les vices de conformation, comme feraient des chirurgiens et des anatomistes. […] Byron, qui n’était pas exempt de ce même mal dont furent diversement atteints Chateaubriand et Rousseau, a mieux daigné y entrer et le comprendre ; les stances qu’il a consacrées, dans Childe-Harold, au peintre de Clarens et à l’amant de Julie, resteront le portrait le plus sympathique et le plus fidèle.
La tête de Psyché devrait être penchée vers l’Amour, le reste de son corps porté en arrière, comme il est lorsqu’on s’avance vers un lieu où l’on craint d’entrer, et dont on est prêt à s’enfuir ; un pied posé, et l’autre effleurant la terre. […] Dans l’analyse de La Pleureuse, il fait plus, il y fait entrer toute une élégie de son invention. […] Diderot, dans ses Salons, a trouvé la seule et vraie, manière de parler aux Français des beaux-arts, de les initier à ce sentiment nouveau, par l’esprit, par la conversation, de les faire entrer dans la couleur par les idées. […] Diderot a innové dans la langue, et y a fait entrer des couleurs de la palette et de l’arc-en-ciel : il voit déjà la nature à travers l’atelier et par la lunette du peintre.
Quand il est entré, il s’assoit dans une bergère, et il n’est pas plus tôt assis, qu’il s’écrie : « Ah ! […] Il laissait entrer jusqu’aux sots et aux impertinents, qui n’étaient point pour lui des importuns : son esprit fin les pénétrait et les perçait de toutes parts sans qu’ils s’en aperçussent, et il leur prenait, avec une sorte de bienveillance encore, de quoi s’amuser à leurs dépens, et souvent de quoi les amuser eux-mêmes. […] Le dialogue fourmille de choses fines, de traits qui entrent comme des aiguilles. […] C’est seulement à cette date que son talent, jusqu’alors borné au cercle du salon et de la société, put sortir au-dehors et se donner un but, qu’il put véritablement entrer dans le public, et devenir à son moment, et sans se dénaturer, une des armes de la France.