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462. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Ma destinée à moi, tout entière, consiste peut-être à faire qu’il reste quelque trace sur cette terre de votre noble existence. […] Le Chateaubriand politique, que nous avons autrefois essayé de peindre, achève de s’y dessiner tout entier, jamais content, toujours prêt à rompre, en ayant, dès le second jour, de cent pieds par-dessus la tête, voulant tout et ne se souciant de rien, n’ayant pas assez de pitié et de dédain pour ses pauvres amis, ses pauvres diables d’amis (comme il les appelle), croyant que de son côté sont tous les sacrifices, et se plaignant de l’ingratitude des autres, comme si seul il avait tout fait. […] [NdA] C’est ce double sentiment d’admiration persistante pour l’écrivain et de vérité entière sur l’homme, que j’ai essayé de rendre dans mon ouvrage Chateaubriand et son groupe littéraire ; la plupart des critiques n’ont voulu y voir qu’une chose, qui n’y est pas, le désir de rabaisser Chateaubriand ; les lecteurs français sont si pressés et si inattentifs qu’ils n’admettent guère qu’une idée à la fois.

463. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

. — Je dis qu’il est commode, car du haut de la religion, de cette idée inexpugnable et infaillible, on est à l’aise pour courir sus à toutes les opinions et à tous les partis, au siècle tout entier. […] Malgaigne), est si plaisamment singé pour le geste et noté pour l’accent : journée unique où, au milieu de ses graves préoccupations, la Chambre entière fut prise d’un fou rire, d’un rire homérique, et où, pour un moment, il n’y eut plus amis ni ennemis sur tous les bancs, « il n’y eut que des gensde bonne humeur. » Mon métier ici n’est pas de mettre les noms propres : comme cependant en pareille matière rien ne vit que par là, et que le recueil des Mélanges est bien gros à feuilleter tout entier, MM. 

464. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Cuvier, non encore partagé par la politique ou par l’administration et tout entier à la science, à la vie intellectuelle, prolongeait bien avant dans la nuit avec quelques amis dignes de l’entendre, sous les grands arbres du Jardin des Plantes, des entretiens « dignes de Platon !  […] Ce désappointement se changea en un sentiment plus pénible encore, lorsqu’en 1830 Arago succéda en cette même qualité de secrétaire perpétuel à Fourier, et prit au sein du Corps savant une prépondérance qui dura entière jusqu’à la fin de sa vie (1853). […] Biot s’opposait à ce qu’on pût acquérir une connaissance plus exacte et plus entière de ces grands hommes de la science.

465. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Dans les cas où elle ne se dérobe pas tout entière, on gagne beaucoup à l’observer. […] Tant qu’on ne s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a pas répondu, ne fut-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces questions sembleraient le plus étrangères à la nature de ses écrits : — Que pensait-il en religion ? […] Ils ont des talents royaux, j’en conviens ; mais là-dessous, au lieu de ces âmes pleines et entières comme les voudrait Montaigne, est-ce ma faute si j’entends raisonner des âmes vaines ?

466. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Baudry de nous avoir aujourd’hui donné les Mémoires en entier, dégagés de leur confusion primitive, et accompagnés de tout ce qui peut les éclaircir et les confirmer. […] Et puis, quand, tout cela sera fait et parfait, quand il se sera maintenu au premier rang des ministres du second ordre force de zèle et de miracles administratifs ; quand il pourra se vanter auprès du roi d’avoir accompli ses désirs les plus chers, d’avoir converti vingt-deux mille âmes sur vingt-deux mille, moins quelques centaines, et cela dans l’espace d’environ seize mois ; quand il aura plus que personne contribué, par cette fausse apparence d’une réussite aisée, au fatal Édit qui s’ensuivit ; lorsqu’il aura inscrit de gaieté de cœur son nom dans l’histoire au-dessous de celui de Baville, ce même, honnête homme s’en ira jouir de sa réputation acquise, dans une intendance heureuse et plus facile, il s’y fera aimer, aimer surtout des savants qu’il assemblera et présidera volontiers, et avec une entière compétence ; il fondera des chaires, il fera des fouilles, il découvrira d’antiques cités enfouies, en même temps qu’il embellira les cités nouvelles ; il recherchera des manuscrits, il aura un riche cabinet de médailles, il sera auprès des curieux l’aménité même et recueillera pour tant de services pacifiques et d’attentions bien placées des éloges universels. […] Mais ce ne sont là que des préludes et des roses dans sa carrière de persécuteur : il marquera bientôt par des moissons entières de lauriers, par de vrais exploits et des conquêtes.

467. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

On se le demandait, et bientôt on sut qu’en artiste ironique et fier, qui prétend ne pas dépendre du public ni de son propre succès, résistant à tout conseil et à toute insinuation, opiniâtre et inflexible, il laissait de côté pour un temps le roman moderne où il avait, une première fois, presque excellé, et qu’il se transportait ailleurs avec ses goûts, ses prédilections, ses ambitions secrètes ; voyageur en Orient, il voulait revoir quelques-unes des contrées qu’il avait traversées et les étudier de nouveau pour les mieux peindre ; antiquaire, il s’éprenait d’une civilisation perdue, anéantie, et ne visait à rien moins qu’à la ressusciter, à la recréer tout entière. […] On entrevoit très-bien, par la facilité qu’ils eurent de faire soulever des villes et des provinces entières, que les Carthaginois proprement dits étaient des colons conquérants qui s’étaient établis principalement sur les côtes, mais qui ne s’étaient pas fondus avec les populations autochtones, qui les dominaient, les pressuraient au besoin, et qui n’étaient pas bien vus d’elles. […] A ces fureurs et à cette poursuite, la nuit entière est passée.

468. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Les miracles, il commence par là ; naturellement et nécessairement il est tout entier croyant, et de toutes ses forces, au surnaturel et au divin dans les prodiges opérés ; mais il en distingue le caractère particulier et nouveau, qui est tout humain : « Ce ne sont point, dit-il, des signes dans le ciel, tels que les Juifs les demandaient : il les fait presque tous sur les hommes mêmes et pour guérir leurs infirmités. […] On ne saurait mieux comprendre qu’en lisant Bossuet à cet endroit et dans tout ce qui suit, la difficulté qu’il y avait pour le monde, pour l’univers païen, à faire ce grand pas, à sortir non plus en la personne de quelques individus d’élite, mais en masse et par classes et nations tout entières, de cette chose confuse et qui nous paraît si absurde, l’idolâtrie. […] Jésus-Christ obtenu et parfaitement défini, au lieu de passer outre pour s’étendre, comme on s’y attend, sur les progrès de l’Église par saint Paul et après saint Paul, il va encore revenir et avec une sorte d’acharnement sur les châtiments des Juifs, sur l’accomplissement des prophéties par leur entière ruine au temps de Vespasien et de Titus.

469. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Déjà, en 1848, lorsque je fis à Liège mon cours sur Chateaubriand, j’avais pu citer quelques pensées inédites, tirées de ce morceau, qui m’avaient été transcrites par Mlle de Sénancour ; mais aujourd’hui que cette respectable dame, solitairement vouée à la mémoire de son père, a bien voulu mettre sous mes yeux le morceau même en son entier, je ne craindrai pas de l’insérer ici. […] Il en est ainsi de la privation des bras ; cette faiblesse a bien d’autres effets que d’empêcher de faire certains mouvements et de rendre difficiles ou embarrassantes les moindres actions de la vie commune, ce qui serait déjà un mal bien triste par sa continuité ; cette faiblesse ôte toute confiance dans l’avenir, entrave la vie entière, borne toute perspective, assujettit à cent besoins qu’on eût méprisés et, à la place d’un rôle d’homme, vous jette dans une dépendance aussi grande que celle des femmes. […] J’aime mieux compléter mes citations par la page suivante, qui est de l’entière maturité de l’auteur et qui consomme son propre jugement sur lui-même : « Il y a, dit-on, dans mes écrits trop de vague et trop de doute.

470. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Il y a donc dans les derniers éléments mobiles une ou plusieurs forces capables de devenir disponibles, attraction, répulsion, qui croissent à mesure que leur opposition fait décroître la force en exercice et qui la représentent tout entière sous forme de recette, après qu’elle a disparu sous forme de dépense. — En second lieu, si toute la force en exercice pouvait à la longue se convertir en force disponible, si la nature ou l’arrangement des derniers éléments mobiles étaient tels que la transformation des effets en effet équivalents, mais différents, dût un jour s’arrêter partout, cela serait déjà fait ; or cela n’est pas fait. […] J’ai vu une personne qui, en causant, en chantant, écrit, sans regarder son papier, des phrases suivies et même des pages entières, sans avoir conscience de ce qu’elle écrit. […] Pour l’embrasser tout entière, il faudrait à la théorie de l’intelligence ajouter la théorie de la volonté ; si je juge de l’œuvre que je n’ose encore entreprendre par l’œuvre que j’ai essayé d’accomplir, mes forces ne suffiront pas ; tout ce que je me hasarde à souhaiter, c’est que le lecteur accorde à celle-ci son indulgence, en considérant la difficulté du travail et la longueur de l’effort.

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