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1764. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Nous avons loué sans réserve, ailleurs, ce commérage sur toute une société, le plus délicieux qu’on ait entendu depuis Mme de Sévigné, que Mme de Girardin surpasse souvent par l’agrément continu et le piquant gai du détail. […] Gautier ne dit pas tout cela, bien entendu, mais sa notice n’empêchera pas qu’on le dise.

1765. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Mettez telle épithète que vous voudrez à Virgile, à Shakespeare, à Dante, à Corneille, qu’on appelle aussi parfois le bonhomme, à la condition d’ajouter son nom immédiatement après, vous serez obligé, pour vous faire entendre, d’écrire leur nom à tous derrière leur épithète, tandis qu’en parlant de La Fontaine, vous n’avez qu’à dire : « le bonhomme », et la Gloire ne pourra s’y méprendre ; car toute la terre aura compris. […] Et enfin, puisqu’il est descriptif, La Fontaine, l’originalité du paysagiste, quand, en France, de son temps, il n’y en avait pas encore un seul dans la littérature, et que Fénelon nous donnait (dans son Télémaque) une nature souvenue et tirée des Anciens… Eh bien, disons-le, à travers toutes ces originalités différentes, qu’on retrouve quand on les y cherche dans le génie décomposé de La Fontaine, la meilleure à mes yeux et la plus étonnante, celle qui le fait le mieux ce phénix de La Fontaine, celle qui complète le mieux toutes ses puissances par un charme vainqueur de tout, c’est la bonhomie, c’est cet accent de bonhomie qui se mêle à tous les détails de son œuvre, — et je n’entends pas ici que les Fables, mais les Contes !

1766. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Je lui ai entendu dire à lui-même, à ce jeune homme du temps de la photographie victorieuse, dans les œuvres de l’esprit comme dans les œuvres de la main, qu’il n’y avait, en définitive, que des romans d’analyse. […] Si la Critique, comme je l’entends du moins, n’était pas plus haute que la sensation, le sentiment et tous les genres de critiques de ce temps matérialiste, sentimentalement niais et individuel, le livre, je l’avoue, aurait passé avec moi un mauvais quart d’heure.

1767. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

et Lovelace (le roman de Richardson eût pu s’appeler très-bien Lovelace) n’est-il pas l’idéal de la séduction impitoyable, comme on l’entend, chez cette grande race de flibustiers ? […] ce que nous avons entendu n’était plus si beau !

1768. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Mais j’entends par romans-feuilletons tous les livres composés, ou plutôt décomposés, en vue de l’intérêt de chaque jour et de son succès, et je dis que cette forme littéraire abaissée pourrait, au fond, très bien s’appeler la forme « Rigolboche » en littérature ! […] … Dans Un Début à l’Opéra, vous avez, bien entendu, la première représentation ; puis un duel, l’éternel duel dont la cause est un potage de bisque renversé sur le collet d’un habit (il faut être exact !) 

1769. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

La voilà implantée, la grande idée anglaise, j’entends la persuasion que l’homme est avant tout une personne morale et libre, et qu’ayant conçu seul dans sa conscience et devant Dieu la règle de sa conduite, il doit s’employer tout entier à l’appliquer en lui, hors de lui, obstinément, inflexiblement, par une résistance perpétuelle opposée aux autres et par une contrainte perpétuelle exercée sur soi. […] On ne saurait imaginer des clubs mieux munis du nécessaire et du superflu, des maisons si bien approvisionnées et si bien menées, l’agrément et l’abondance si savamment entendus, un service si sûr, si respectueux, si rapide. […] Quand, à Hyde-Park, on voit leurs jeunes filles riches, leurs gentlemen à cheval et en équipage, lorsqu’on réfléchit sur leurs maisons de campagne, sur leurs habits, leurs parcs et leurs écuries, on se dit que véritablement ce peuple est fait selon le cour des économistes, j’entends qu’il est le plus grand producteur et le plus grand consommateur de la terre, que nul n’est plus propre à exprimer et aussi à absorber le suc des choses ; qu’il a développé ses besoins en même temps que ses ressources, et vous pensez involontairement à ces insectes qui, après leur métamorphose, se trouvent tout d’un coup munis de dents, d’antennes, de pattes infatigables, d’instruments admirables et terribles, propres à fouir, à scier, à bâtir, à tout faire, mais pourvus en même temps d’une faim incessante et de quatre estomacs. […] Entrez dans un meeting, considérez ces gens de toute condition, ces dames qui viennent pour la trentième fois entendre la même dissertation, ornée de chiffres, sur l’éducation, sur le coton, sur les salaires. […] Aujourd’hui que les grandes violences historiques, j’entends les destructions et les asservissements de peuples, sont devenus presque impraticables, chaque nation peut développer sa vie suivant sa conception de la vie ; les hasards d’une guerre ou d’une invention n’ont de prise que sur les détails ; seules, maintenant, les inclinations et les aptitudes nationales dessinent les grands traits de l’histoire nationale ; lorsque vingt-cinq millions d’hommes conçoivent d’une certaine façon le bien et l’utile, c’est cette sorte de bien et d’utile qu’ils recherchent et finissent par atteindre.

1770. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

J’entendis, quand j’étais jeune, les chansons des voyages polaires ; je fus bercé au souvenir des glaces flottantes, des mers brumeuses semblables à du lait, des îles peuplées d’oiseaux qui chantent à leurs heures et qui, prenant leur volée tous ensemble, obscurcissent le ciel. […] J’y ai pris une sorte d’habitude de voir sous terre et de discerner des bruits que d’autres oreilles n’entendent pas, L’essence de la critique est de savoir comprendre des états très différents de celui où nous vivons. […] C’est par ce que j’ai vu de ces excellents marins et ce que j’ai lu et entendu des paysans de Lithuanie ou même de Pologne, que j’ai formé mes idées sur la vertu innée de nos races, quand elles sont organisées selon le type du clan primitif. […] Nous nous entendions à merveille. […] Maintenant encore, je ne peux pas entendre chanter.

1771. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Et par-dessus leurs voix, il entend la voix ineffable mais navrante du Sauveur profané par des mains indignes. […] Il sort de sa hutte ; car il a entendu un profond gémissement, un soupir d’angoisse derrière le buisson. […] Par réalisme, nous n’entendons rien que la recherche de la vérité : dans le drame parlé réaliste, les caractères acquièrent, par la puissance de la poésie, une portée idéale, quoiqu’ils ne se meuvent pas devant nous comme des Idéals, mais comme des réalités, et la distinction demeure que nous avons faite entre le style idéal classique, et le style réaliste du drame parlé, — entre Schiller et Shakespeare, entre le chant et la parole, il faudra donc, dans tout effort pour réformer le drame parlé, laisser de côté toute tentative d’Idéalisation : le poète plongera son regard dans l’âme même du peuple ; il nous montrera des symboles de la Réalité, non pas des Idéals, mais des exemples personnifiés des idées universellement humaines. […] On peut comparer la Volonté, telle que Schopenhauer l’entend, à un globe liquide ; les vagues représenteraient les choses, individuelles, dont la hauteur est déterminée, avec une rigoureuse nécessité, par la position de tous les atomes environnants et qui, chacune, cache sous sa surface toute la masse, uniforme, du globe. […] Une condamnation des préjugés : « Nous lisons trop, nous entendons trop : et nous ne Voyons pas assez » (p. 110).

1772. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Racine lui-même, notre plus grand poète, n’est que le plus mélodieux des symphonistes, qu’on peut entendre au théâtre, ou qu’on peut lire comme on écoute, dans le silence de l’âme, la musique des langues. […] … Les politiques ont parlé d’un contrat social, où le peuple n’était pas préalablement entendu ; mais le contrat humain et divin, mais ce contrat entre la vie et le néant, mais ce contrat entre la victime et le supplice, qu’en dites-vous ? […] Je n’ai pas entendu dans les cèdres antiques Le cri des nations monter et retentir, Ni vu du haut Liban les aigles prophétiques S’abattre au doigt de Dieu sur les palais de Tyr. […] Je n’ai pas entendu, du fond de ses abîmes, Le Jourdain lamentable élever ses sanglots, Pleurant avec des pleurs et des cris plus sublimes Que ceux dont Jérémie épouvanta ses flots. […] « L’œil n’est qu’un faux cristal voilé d’une paupière « Qu’un éclair éblouit, qu’aveugle une poussière ; « L’oreille, qu’un tympan sur un nerf étendu, « Que frappe un son charnel par l’esprit entendu ; « La bouche, qu’un conduit par où le ver de terre « De la terre et de l’eau vit ou se désaltère ; « La main, qu’un muscle adroit, doué d’un tact subtil ; « Mais quand il ne tient pas, ce muscle, que sait-il ?

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