On voit ce que cette perfection si simple d’ensemble et, en quelque sorte, définitive, a dû coûter d’études, d’efforts, d’épreuves successives et plus ou moins approchantes, avant de se fondre ainsi comme d’un seul jet et de se rassembler d’une ligne harmonieuse sous le regard. Et pour ce qui est de la Didon de Virgile en particulier, à laquelle tout ceci a trait et se rapporte, on se rend mieux compte alors de ces qualités souveraines qui assurent la vie aux œuvres de l’art dans les époques d’entière culture, à savoir, la composition, l’unité d’intérêt et un achèvement heureux de l’ensemble et des parties. Les productions antérieures dont Virgile a profité dans sa Didon manquent trop de cet ensemble et de cette conduite qui ménage en tout point le charme ; ce n’est pas à dire qu’elles ne méritent pas d’être plus connues, et de vivre dans la mémoire plus près du chef-d’œuvre auquel elles ont puissamment aidé. […] Ces remarques, qui tombent sur l’ensemble du poëme, cessent de s’appliquer justement au chant iii, c’est-à-dire au moment de l’arrivée des héros en Colchide, et dès qu’intervient le personnage de Médée. […] J’aime mieux supposer qu’il se sera fait scrupule d’emprunter un trait trop saillant et trop reconnaissable ; mais pourtant il empruntait assez visiblement l’ensemble du passage.
On vit bien ensemble, quand on vit ensemble depuis la naissance jusqu’à la mort, familièrement, avec les mêmes intérêts, les mêmes occupations et les mêmes plaisirs : tels des soldats avec leurs officiers, en campagne, sous la tente, subordonnés quoique camarades, sans que la familiarité nuise au respect. « Le seigneur les visite souvent dans leurs métairies, cause avec eux de leurs affaires, du soin de leur bétail, prend part à des accidents et à des malheurs qui lui portent aussi préjudice. […] Si ceux de Franche-Comté viennent une fois l’an dîner ensemble et entendre une messe, c’est par tolérance, et encore cette innocente confrérie ne doit s’assembler qu’en présence de l’intendant. — Séparé de ses égaux, le seigneur est encore séparé de ses inférieurs. […] Telle seigneurie, le Clermontois, appartenant au prince de Condé, renferme quarante mille habitants ; c’est l’étendue d’une principauté allemande ; « de plus tous les impôts ou subsides qui ont lieu dans le Clermontois sont perçus au profit de Son Altesse Sérénissime, le roi n’y perçoit absolument aucune chose70 » Naturellement, autorité et richesse vont ensemble, et, plus une terre rapporte, plus son propriétaire ressemble à un souverain. […] Les cent trente et un évêques et archevêques ont ensemble 5 600 000 livres de revenu épiscopal et 1 200 000 livres en abbayes, en moyenne 50 000 livres par tête dans l’imprimé, 100 000 en fait : aussi bien aux yeux des contemporains, au dire des spectateurs qui savaient la vérité vraie, un évêque était « un grand seigneur ayant 100 000 livres de rente73 ». […] Près de là, l’abbé de la Croix-Leufroy, « gros décimateur, et l’abbé de Bernay, qui touche cinquante-sept mille livres de son bénéfice et ne réside pas, gardent tout et donnent à peine à leurs curés desservants de quoi vivre ». — « J’ai dans ma paroisse, dit un curé du Berry88, six bénéfices simples dont les titulaires sont toujours absents, et ils jouissent ensemble de neuf mille livres de revenu ; je leur ai fait par écrit les plus touchantes invitations dans la calamité de l’année dernière ; je n’ai reçu que deux louis d’un seul, et la plupart ne m’ont pas même répondu. » — À plus forte raison faut-il compter qu’en temps ordinaire ils ne feront point remise de leurs droits.
Mais la conscience connaît si mal nos événements intérieurs, qu’elle range sur la même ligne, à titre de couleurs, nos sensations et nos manques de sensation ; ce qui la frappe, ce sont des différences entre nos états, et, à cause de cela, elle met ensemble, comme des faits semblables, le passage du repos à l’action et le passage de l’action au repos, en les notant comme contraires, sans démêler que l’un est négatif et l’autre positif. […] « Chaque filet nerveux du toucher ne peut, dit Fick, transmettre qu’une seule et même sensation, laquelle n’est capable que de degrés… Mais les excitants extérieurs ordinaires n’atteignent point des filets élémentaires isolés ; ils atteignent un groupe de filets pris ensemble. […] V Tâchons de jeter sur tous ces faits une vue d’ensemble. […] En attendant, la théorie des sensations est comme un édifice dont une partie est achevée et une partie indiquée. — Mais cette construction incomplète suffit pour nous donner une idée de l’ensemble. […] « Cette hypothèse d’Young, dit-il, donne une vue d’ensemble et une explication extraordinairement claire et simple de tous les phénomènes qui appartiennent à la science physiologique des couleurs. » 79.
Résumé général et vues d’ensemble. — Dans toutes les opérations précédentes, une image ou un groupe d’images est soudé à une sensation ou à un groupe de sensations, à une image ou à un groupe d’image, en vertu des lois de réviviscence et d’association des images. — Complication croissante du composé mental. — Complication énorme du composé qui constitue l’idée d’un individu. — Tout composé mental est un couple, et, à ce titre, il est une connaissance. — Quand le premier terme du couple est répété par la sensation actuelle, le second terme devient une prévision. — Mécanisme de la prévision et projection du second terme dans l’avenir. — Dans la majorité des cas, notre prévision concorde avec l’événement prévu. — Correspondance ordinaire de la loi mentale avec la loi réelle — Deux états du couple mental. — Il agit avant d’être démêlé. — Opposition de la pensée animale à la pensée humaine. — Passage de la première à la seconde. — Après les idées des choses individuelles naissent les idées des choses générales. […] Mais cette association principale, étant acquise, peut être défaite ; il en est de même des associations secondaires qui soudent ensemble dans mon esprit les divers fragments de la série totale. […] Nous l’admettons et sans grand scrupule, sinon sur une démonstration directe, du moins d’après un cortège de confirmations innombrables et comme une hypothèse que justifie tout l’ensemble de l’expérience, des vérifications et des prévisions humaines. — Cela posé, il nous suffit de l’expliquer, et nous n’avons qu’à regarder le mécanisme décrit pour comprendre la justesse presque infaillible de son jeu. […] Il suffit que les trois images viennent chevaucher l’une sur l’autre, pour que les deux refoulements s’opèrent dans le sens indiqué ; le mécanisme qui les situe joue pour les aligner aussitôt que la loi d’évocation mutuelle les éveille ensemble. […] IX Toutes ces connaissances sont composées des mêmes éléments soudés ensemble selon la même loi.
Procédés de démonstration : descriptions, analyse : De même que l’écriture de Flaubert se décompose finalement en une succession de phrases indépendantes douées de caractère identiques, ainsi ses descriptions, ses portraits, ses analyses d’âmes, ses scènes d’ensemble se réduisent à une énumération de faits qui ont de particulier d’être peu nombreux, significativement choisis, et placés bout à bout sans résumé qui les condense en un aspect total. […] Mannaëi, le décharné bourreau d’Hérode, la vieille nourrice au profil de bête qui sert Salammbô, sont dépeints en traits dont le lecteur doit imaginer l’ensemble. […] L’art de ne révéler d’un paysage, d’une physionomie et d’une âme qu’un petit nombre d’aspects saillants, cette concision choisie et savante, ressortent encore des tableaux d’ensemble où se mêlent les péripéties et les descriptions. […] Les effets L’ensemble : L’œuvre de Flaubert est double, départie entre le vrai et le beau. […] Par ces dernières œuvres, Flaubert restera l’artiste, de ces temps qui sut assembler les mille éléments épars de beauté matérielle et sensible, en de plus ravissants ensembles.
Ces divers signes ne se retrouvent jamais tous ensemble chez aucune autre espèce sauvage de la famille : tandis que chez chacune des espèces domestiques, même en ne considérant que des oiseaux de races bien pures, toutes ces marques, jusqu’au bord blanc des plumes caudales externes, réapparaissent quelquefois parfaitement développées. […] De l’ensemble de ces diverses raisons nous pouvons conclure avec sécurité que toutes nos races domestiques descendent de la Colomba livia et de ses sous-espèces géographiques53. […] C’est enfin une circonstance des plus favorables pour la production d’espèces distinctes que les Pigeons mâles et femelles puissent s’apparier à perpétuité, parce que les différentes lignées peuvent ainsi être renfermées ensemble dans la même volière. […] Quelqu’un conserve et fait reproduire un individu qui présente quelque modification peu sensible, ou prend plus de soin qu’un autre pour apparier ensemble ses plus beaux sujets, et ainsi les améliore encore. […] Il se peut que ces souches sauvages n’aient été elles-mêmes que des variétés naturelles locales et transitoires, maintenant éteintes et supplantées, et que l’une d’elles, plusieurs ou toutes ensemble, aient eu quelque tendance à produire des Pigeons huppés et pattus, soit par suite de quelque croisement accidentel récent, soit plutôt par réversion aux caractères d’un ancêtre commun plus ou moins éloigné.
CCXXVII Le lendemain, avant le soleil levé, on frappa à la porte de la prison, c’était le frère Hilario ; le bargello l’introduisit dans la cour et dans le cachot d’Hyeronimo, et les laissa seuls ensemble dans la chapelle. […] CCXXXVI Nous passâmes ainsi ensemble ce soir-là, et tous les autres, de longs moments qui ne nous duraient qu’une minute, parlant de ceci, de cela, de ce que faisaient ma tante et mon père sous le châtaignier, de ce que nous y ferions nous-mêmes si jamais nos angoisses venaient à finir, soit par la grâce de monseigneur le duc, soit par la fuite que nous imaginions ensemble dans quelque pays lointain, comme Pise, les Maremmes, Sienne, Radicofani ou les Apennins de Toscane ; il se livrait avec délices à cette idée de fuite lointaine, où je serais tout un monde pour lui, lui tout un monde pour moi ; où nous gagnerions notre vie, lui avec ses bras, moi avec la zampogne, et où, après avoir amassé ainsi un petit pécule, nous bâtirions, sous quelque autre châtaignier, une autre cabane que viendraient habiter avec nous sa vieille mère et mon pauvre père aveugle, sans compter le chien, notre ami Zampogna, que nous nous gardions bien d’oublier ; mais, cependant, tout en ayant l’air de partager ces beaux rêves, pour encourager Hyeronimo à les faire, je me gardais bien de dire toute ma pensée à mon amant, car je savais bien que je ne pourrais assurer son évasion sans me livrer à sa place, à moins de perdre le bargello et sa brave femme, qui avaient été si bons pour moi, et que je ne voulais à aucun prix sacrifier à mon contentement, car les pauvres gens répondaient de leurs prisonniers âme pour âme, et le moins qu’il pouvait leur arriver, si je me sauvais avec Hyeronimo, c’était d’être expulsés, sans pain, de leur emploi qui les faisait vivre, ou de passer pour mes complices et de prendre dans le cachot la place du meurtrier et de leur porte-clefs. […] Je me jetai tout habillée sur mon lit ; je fermai les yeux et je recueillis en moi toutes mes forces dans ma tête pour inventer le moyen de nous sauver ensemble ou de le faire sauver au dernier moment, en le trompant innocemment lui-même et en mourant pour lui toute seule. […] Ici la voix s’interrompit longtemps comme quelqu’un qui cherche ; puis elle reprit : — Oui, une fois que vous serez mariés, il faut le tromper lui-même et lui faire croire qu’il doit partir le premier, t’attendre ensuite au rendez-vous sous l’arche du pont, au pied de la montagne où tu as rencontré la noce de la fille du bargello, jusqu’à ce que tu viennes le rejoindre par un autre chemin un peu avant la nuit, et que vous partiez ensemble par des chemins détournés au bas de la montagne pour sortir des États de Lucques et pour atteindre avant le jour les frontières des États de Toscane, dans les Maremmes de Pise.
savoir le grec, ce n’est pas comme on pourrait se l’imaginer, comprendre le sens des auteurs, de certains auteurs, en gros, vaille que vaille (ce qui est déjà beaucoup), et les traduire à peu près ; savoir le grec, c’est la chose du monde la plus rare, la plus difficile, — j’en puis parler pour l’avoir tenté maintes fois et y avoir toujours échoué ; — c’est comprendre non pas seulement les mots, mais toutes les formes de la langue la plus complète, la plus savante, la plus nuancée, en distinguer les dialectes, les âges, en sentir le ton et l’accent, — cette accentuation variable et mobile, sans l’entente de laquelle on reste plus ou moins barbare ; — c’est avoir la tête assez ferme pour saisir chez des auteurs tels qu’un Thucydide le jeu de groupes entiers d’expressions qui n’en font qu’une seule dans la phrase et qui se comportent et se gouvernent comme un seul mot ; c’est, tout en embrassant l’ensemble du discours, jouir à chaque instant de ces contrastes continuels et de ces ingénieuses symétries qui en opposent et en balancent les membres ; c’est ne pas rester indifférent non plus à l’intention, à la signification légère de cette quantité de particules intraduisibles, mais non pas insaisissables, qui parsèment le dialogue et qui lui donnent avec un air de laisser aller toute sa finesse, son ironie et sa grâce ; c’est chez les lyriques, dans les chœurs des tragédies ou dans les odes de Pindare, deviner et suivre le fil délié d’une pensée sous des métaphores continues les plus imprévues et les plus diverses, sous des figures à dépayser les imaginations les plus hardies ; c’est, entre toutes les délicatesses des rhythmes, démêler ceux qui, au premier coup d’œil, semblent les mêmes, et qui pourtant diffèrent ; c’est reconnaître, par exemple, à la simple oreille, dans l’hexamètre pastoral de Théocrite autre chose, une autre allure, une autre légèreté que dans l’hexamètre plus grave des poètes épiques… Que vous dirais-je encore ? […] Il n’était pas propre aux travaux sérieux, suivis et d’ensemble, où tout se tient, où il y a commencement, milieu et fin. […] Mais, par une raison contraire, elle n’est point offensée de nos monosyllabes français, parce qu’elle y est accoutumée, et que non-seulement il n’y a point de rudesse à en joindre plusieurs ensemble, mais il y a même de la douceur, puisque l’on en fait des vers tout entiers, et que celui de M. de Malherbe qu’on allègue pour cela est un des plus doux et des plus coulants qu’il ait jamais faits. […] « Il ne faut donc faire aucun scrupule de laisser plusieurs monosyllabes ensemble quand ils se rencontrent.
Vue hors de France, et pourtant en pays français encore de langue et de littérature, cette littérature française est comme un ensemble de montagnes et de vallées, observées d’un dernier monticule isolé, circonscrit, lequel, en apparence coupé de la chaîne, y appartient toujours, et sert de parfait balcon pour la considérer avec nouveauté. […] On y gagne de connaître une culture, d’un intérêt général aussi, qui reproduit en moins, mais assez au complet, les grands mouvements de l’ensemble, et les fait revoir d’un jour inattendu dans une sorte de réflexion secondaire. On a chance encore d’y rencontrer quelques hommes parmi lesquels il en est peut-être d’essentiels, et qui importent à l’ensemble de la littérature elle-même. […] La plante est là, entière, authentique et reconnaissable à un certain point ; mais où est sa couleur, son port, sa grâce, le souffle qui la balançait, le parfum qu’elle abandonnait au vent, l’eau qui répétait sa beauté, tout cet ensemble d’objets pour qui la nature la faisait vivre, et qui vivaient pour elle ?