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229. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

La division de l’Empire suivit de près la mort d’Alexandre. […] Clodius Albinus, qui disputa l’empire contre Sévere, & qui fut tué par lui, étoit l’auteur d’un Roman dont le vainqueur fit la critique en plein Sénat. […] La décadence de l’Empire Romain & de l’Empire Grec entraîna celle des Romans, comme la chûte d’un édifice cause la ruine des ornements légers qui l’embellissoient. Les Barbares, qui inonderent les différentes provinces de l’Empire, y porterent leurs usages, leurs productions, leur génie.

230. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

L’empire des Turcs était encore dans le cours impétueux de sa croissance, et sous l’élan de cette politique atroce qui semblait la condition de sa grandeur. […] Même sous son obscur successeur Sélim, surnommé l’Ivrogne, l’empire turc, encore dans le torrent de son invasion, allait enlever Chypre aux Vénitiens. […] La saison avancée, les pertes des alliés, et surtout la politique secrète de Philippe II, docilement respectée du jeune vainqueur quand la vue de l’ennemi n’entraînait plus son courage, ne laissèrent pas les chrétiens user de leur succès comme ils auraient dû, assaillir à coups pressés l’empire ottoman, et lui reprendre du moins sa récente conquête. […] L’immense et contradictoire incident qui nous a montré naguère l’empire turc protégé par une croisade partielle de l’Occident, le langage que l’orthodoxie même a pris quelquefois dans cette cause, par défiance d’un schisme bien moins éloigné d’elle que la barbarie du Coran, tout cela n’est qu’un retard et point un obstacle à l’œuvre inévitable du temps, à la dette sacrée de la Providence, à l’épuration des frontières orientales de l’Europe, au défrichement nouveau des rivages de l’Asie-Mineure, de cette banlieue de l’Europe si fertile jadis sous la liberté grecque et même sous l’empire romain.

231. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Ce temps viendra-t-il jamais pour le chef du second Empire ? […] D’ailleurs, le temps du bon jugement sur les hommes et les choses du second Empire est encore loin. […] Au sujet de « l’empire libéral », j’ai une réparation à lui faire. […] Cependant un pays ne se reconstitue que sous l’empire d’une foi commune. […] Il y avait chez certains d’entre eux, mêlé à la haine contre l’Empire, un reste de vieux levain romantique.

232. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Bossuet n’avait presque rien dit de la décadence de l’empire romain : ici Montesquieu marche seul ; et c’est une partie très neuve, très étudiée, et très originale. La grandeur de l’État romain qui a pour effet de substituer les guerres civiles aux dissensions du Forum, les guerres lointaines où périt le patriotisme du soldat, l’extension du droit de cité à toutes les nations, le luxe qui corrompt les mœurs, les proscriptions, qui, depuis Sylla jusqu’à Auguste, brisent par la peur le ressort des âmes et les dressent à la servitude, la suite des mauvais empereurs, le partage de l’empire, la destruction de l’empire d’Occident par les invasions barbares, et la lente agonie de l’empire d’Orient, voilà les principales étapes de la décadence du peuple romain.

233. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Il pensait, et il le dit expressément à son fils, que « les empires ne se conservent que comme ils s’acquièrent, c’est-à-dire par la vigueur, par la vigilance et par le travail ». […] Il voudrait que son fils, au lieu de s’arrêter en chemin, et de regarder autour de lui et au-dessous de lui, ceux qui valent moins, reportât ses regards plus haut : Pensez plutôt à ceux qu’on a le plus sujet d’estimer et d’admirer dans les siècles passés, qui d’une fortune particulière ou d’une puissance très médiocre, par la seule force de leur mérite, sont venus à fonder de grands empires, ont passé comme des éclairs d’une partie du monde à l’autre, charmé toute la terre par leurs grandes qualités, et laissé depuis tant de siècles une longue et éternelle mémoire d’eux-mêmes, qui semble, au lieu de se détruire, s’augmenter et se fortifier tous les jours par le temps. […] La condition des rois héréditaires allait devenir de plus en plus pareille à celle des fondateurs d’empires : il fallait presque, pour conserver désormais, le même génie et le même courage que pour créer et pour acquérir. […] Aussi l’empire est-il allé à ceux qui ont passé comme des éclairs d’une partie du monde à l’autre .

234. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Le petit ouvrage qu’il publia en 1845, intitulé : l’Esprit des institutions militaires, et dont le maréchal Bugeaud disait que tout officier en devait avoir un exemplaire dans son porte-manteau, me le montra tel que ses amis me l’avaient fait entrevoir, mais avec une supériorité de vues et de lumières, une netteté d’exposition, une imagination même et une couleur de parole, tout un ensemble de qualités auxquelles bien peu certes auraient atteint parmi les maréchaux de l’Empire. […] Auguste-Frédéric-Louis Viesse de Marmont, qui vient de mourir à Venise le 3 mars 1852, le dernier et le plus jeune d’âge des maréchaux de l’Empire, était né le 20 juillet 1774 à Châtillon-sur-Seine, d’une famille toute militaire. […] Dans les années qui suivirent, il réforma les différentes parties de cette arme, il simplifia les calibres de campagne, rendit le matériel léger, d’un facile transport, et établit le système qui a fait le tour de l’Europe pendant toutes les guerres de l’Empire. […] Appelé en avril 1811 au commandement de l’armée de Portugal, Marmont entra dès lors dans cette carrière de lutte, de succès chèrement achetés, et de revers, qui occupe les dernières années de l’Empire.

235. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Quant à l’empereur Frédéric, à ce terrible pupille d’Innocent III, qui, maître une fois de l’empire, brava si hardiment les pontifes de Rome, une tendre chanson qu’on lui attribue nous étonne par une humilité langoureuse, mais elle n’a rien de la grâce ni de l’ardeur lyrique ; et c’est ailleurs qu’il faut chercher ces germes de poésie nouvelle déjà semés dans l’Europe, couvés sous les feux du Midi, recueillis dans les cours, et que bientôt allait concentrer dans le miroir ardent de son génie l’Homère du moyen âge. […] Votre savoir n’a pas de force contre elle : elle pourvoit, elle juge ; elle règle son empire, comme les autres divinités disposent du leur. […] Mais la brusque succession des empires, les avènements de peuples nouveaux, tout ce travail de l’Europe depuis la chute de Rome, sont présents au poëte chrétien et grandissent pour lui le symbole païen qu’il emploie. […] Si le poëte lyrique de l’Empire est là plein de grâce et de verve, dans ses admirations ou dans ses colères, a-t-il pour nous cette perfection de naturel, et cette naïve nouveauté de langage qui ne vieillira jamais ?

236. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Voulez-vous attacher votre existence à l’empire absolu d’une idée ou d’un sentiment ? […] Ce n’est plus vis-à-vis du sort, mais de sa conscience qu’on se place, et, renonçant à toute influence sur le destin et sur les hommes, on se complait d’autant plus dans l’action du pouvoir qu’on s’est réservé, dans l’empire de soi-même, et l’on fait chaque jour avec bonheur quelque changement ou quelque découverte, dans la seule propriété sur laquelle on se croit des droits et de l’influence.

237. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Il a fallu, pour produire cette pauvre forme d’embryon, il a fallu que la population gallo-celtique de la Gaule fût réduite sous la loi de Rome, qu’elle prît les mœurs, la culture, la langue de ses vainqueurs, que l’empire romain et la culture latine, formes vénérables et vermoulues, tombassent en poussière au contact, non hostile, mais brutal, des barbares, et que les Francs, fondus dans la masse gallo-romaine, y déterminassent cet obscur travail, d’où sortirent ces deux choses, une race, une langue française. […] Comme dans les diverses régions de l’empire romain le latin se corrompit diversement sous d’insaisissables influences de climat et de race, selon d’occultes différences de structure des organes physiques de la voix, et comme il se ramifia en tout un groupe de langues de plus en plus divergentes, en France aussi ce ne fut pas une langue qui sortit du latin : mais des Pyrénées à l’Escaut et des Alpes à l’Océan s’échelonna une incroyable variété de dialectes, qui s’entretenaient et se dégradaient insensiblement, chacun d’eux ayant, quelques particularités communes avec ses voisins et les reliant.

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