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366. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Écoutez encore, et remettez-moi ces grimoires de papier, ces sommations et ces actes que Nicolas del Calamayo, le conseil, l’avocat et l’huissier de Lucques, vous a fait signifier l’un après l’autre pour vous déposséder du pré, de la grotte, des champs, des mûriers, de la vieille vigne et du gros châtaignier, au nom de parents que vous ne vous connaissiez pas dans les villages de la plaine du Cerchio ; c’était peut-être une mauvaise pensée qui me tenait l’esprit, ajouta le frère, mais, quand j’ai su la passion bestiale du chef des sbires pour votre belle enfant, sauvage comme une biche de votre forêt ; quand j’ai appris qu’un homme si riche et si puissant dans Lucques vous avait demandé la main d’une fille de rien du tout, nourrie dans une cabane ; quand on m’a dit que la petite l’avait refusé, et qu’à la suite de ce refus obstiné pour l’amour de vous et de son cousin, le sbire s’était présenté tout à coup et coup sur coup, muni de soi-disant actes endormis jusque-là, qui attribuaient, champ par champ, votre petit bien au chef des sbires, acquéreur des titres de vos soi-disant parents d’en bas, je n’ai pu m’empêcher d’entrevoir là-dedans des hasards bien habiles, et qui avaient bien l’air d’avoir été concertés par quelque officier scélérat de plume, comme il y en a tant parmi ces hommes à robe noire qui grignotent les vieux parchemins, comme des rats d’église grignotent la cire de l’autel. […] La fenêtre était si étroite, qu’une grosse barre de fer scellée en bas et en haut dans la pierre de taille, derrière le vitrail, suffisait pour empêcher un regard même d’y passer. […] Le bon Dieu fera le reste ; nous saurons par lui des nouvelles de nos pauvres parents ; je me ferai connaître de lui avec confiance, il ne me trahira pas de peur de t’enlever ta dernière consolation jusqu’à l’heure suprême ; nous lui ferons transmettre nos propres messages à la cabane, il empêchera ta mère et mon père de désespérer, et, si nous devons mourir, soit l’un ou l’autre, soit tous les deux, il les soutiendra dans leur misère et dans leurs larmes. […] et elle pourra entrevoir d’un coup d’œil, sans détourner trop la tête, tout ce qu’elle chérit ici bas ; ne lui parlez que des yeux et du geste du fond de la loge, elle ne vous parlera que par son silence ; vous aurez assez le temps de lui parler tous de la langue, si je parviens jamais à vous la rendre par la grâce de Dieu, et surtout empêchez bien le chien de japper et de s’élancer vers elle contre la grille, quand nous passerons et repasserons devant le cachot.

367. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Mais, avant d’aborder celle de ses théories qui s’applique à tout le théâtre de Racine, je ne puis m’empêcher de signaler au passage telle observation de détail un peu trop ingénieuse à mon gré. […] Remarquez que Joad est ou se croit profondément désintéressé, qu’il s’imagine travailler pour Dieu et agir sous son inspiration, que, si j’entends bien la magnifique scène de la prophétie, il sacrifie à ce Dieu la vie de son propre enfant et que la vision du meurtre de Zacharie ne l’empêche point de faire ce qu’il croit être son devoir dans le présent  Les fanatiques sont gens fort curieux, surtout dans un drame, où l’on n’a rien à craindre de leur manie. […] Cela ne l’empêche point de s’exprimer comme auraient pu faire Guiche et Lauzun en soignant leur style. […] On y songe sans le dire, et cela n’empêche pas le cœur d’être déchiré.

368. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

La modestie sulpicienne l’empêcha de rien publier. […] La science qu’il avait de l’erreur était toute spéculative, une cloison étanche empêchait la moindre infiltration des idées modernes de se faire dans le sanctuaire réservé de son cœur, où brûlait, à côté du pétrole, la petite lampe inextinguible d’une piété tendre et absolument souveraine. […] L’immense travail auquel je me livrais m’empêchait de tirer les conséquences ; ma conférence d’hébreu m’absorbait ; j’étais comme un homme dont la respiration est suspendue. […] Je la reproduis sans rien atténuer de ce qu’elle a de contradictoire et de légèrement fiévreux : Monsieur, Quelques voyages que j’ai dû faire au commencement de mes vacances m’ont empêché de correspondre avec vous aussitôt que je l’eusse désiré.

369. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Les costumes, les uniformes, les appellations étonnent les oreilles comme les yeux ; la vieille armée humiliée et grondeuse ne se peut empêcher de rire. […] Decazes, qui était alors, je crois, ou à Ville-d’Avray ou à Madrid, le conseil se tint chez lui, et pendant la durée de ce conseil qui ne fut guère que de deux heures, il arriva jusqu’à trois ou quatre messages empressés de Louis XVIII, exprimant pour le cher ami ses attentions, son inquiétude, avec le tutoiement de l’extrême familiarité ; et le ministre favori ne put s’empêcher de laisser voir négligemment à ses collègues ces petits billets qui se succédaient de si près et si caressants.

370. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Ces paroles du plus excellent de tous les livres après l’Écriture sainte me reviennent, et je ne puis m’empêcher de vous les dire : Disce humiliari, pulvis atque cinis. […] pour le coup, Rancé ne put s’empêcher de sourire, et on surprend ce mouvement de physionomie, chez lui si rare, à travers les simples lignes de sa réponse : « J’ai jeté les yeux sur votre ouvrage des Sirènes, mais je vous avoue que je n’ai osé entrer avant dans la matière.

371. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Donc, tout en rendant hommage à la science et au talent du candidat, la Faculté ne put s’empêcher de protester contre l’énormité du volume « qui paraît, dit le rapport, quelque peu disproportionné avec l’importance et la nature du sujet ». […] Je ne puis m’empêcher, Messieurs, de regretter pour nos études qu’avant cette dernière et irrévocable disparition, il nous ait été si tôt et tant de fois ravi, et dès le lendemain presque de ses débuts, par les séductions d’autres carrières et d’autres objets.

372. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Ces qualités seraient plutôt propres à empêcher de l’acquérir. […] Quant à Stirner, son instantanéisme ne l’empêche pas d’être le théoricien de l’unicité du moi.

373. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Ce mariage n’empêcha pas le cours de ses galanteries. […] Toutefois, il ne put s’empêcher de placer le nom d’Arthenice dans l’ouvrage : Arthenice était l’anagramme de Catherine nom de la marquise.

374. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Avec les dispositions d’un pareil peuple, abandonner au hasard la direction des théâtres, ne s’en réserver aucune, ne pas user de ces grands organes, de ces foyers électriques d’action sur l’esprit public, ne pas assurer une existence régulière à trois ou quatre d’entre eux qui, à force de zèle et d’activité, à force de bonnes pièces, de nouveautés entremêlées à la tradition, fassent concurrence aux théâtres plus libres et empêchent qu’on ne puisse dire Paris s’ennuie, ou Paris s’amuse, à faire peur, ce serait méconnaître les habitudes et les exigences de notre nation, le ressort de l’esprit français lui-même. […] On le dit toujours mort ou bien malade ; il vit, il reparaît à chaque intervalle, le même au fond ; il cherche avec avidité à se satisfaire ; et ce qui importe, c’est d’empêcher qu’il ne tourne à mal et qu’il ne se pervertisse.

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