Les poètes étrangers furent pervertis par cette doctrine plus grande que nature. Ugo Foscolo en Italie, Byron en Angleterre y puisèrent, l’un son imitation de Werther dans les lettres de Jacopo Ortis, l’autre ses doctrines malfaisantes d’énergie dans le crime de ses premières poésies, et de raillerie cynique du bien dans Don Juan ; après cela Goethe réfléchit et changea peu à peu de route. […] La comtesse vient d’arriver de Paris, elle a été témoin des préliminaires de la Révolution, et elle n’en a pas déduit une mauvaise doctrine. […] Il était évidemment avec le Christ et avec ses premiers disciples, car l’apparition de cette nouvelle doctrine d’amour était un besoin pour les peuples ; il était aussi évidemment avec Luther, car il n’était pas moins nécessaire de purifier cette doctrine défigurée par le clergé.
Entre tous le xixe siècle a eu cette inspiration — disons même cette piété — de savoir « ressusciter » les siècles antérieurs obscurcis sous la nuée des discussions ou dédains d’écoles, de doctrines, de partis trop exclusifs : Michelet fut des premiers à nous entraîner à Domrémy pour le culte de la sainte nationale Quelques néo-royalistes médisent du romantisme : il est cependant le fils de la Restauration et un redressement de notre énergie épique. […] On loue ou blâme leurs opinions, leurs tendances, leurs mœurs, leur doctrine, leur influence, ne négligeant que leurs œuvres. […] Ils appuient leurs doctrines sur Le Play (que Bourget appelait « sage et lumineux »), sur Auguste Comte, sur Taine et même, comme l’a fait M. […] Seuls les marxistes et les dadaïstes mépriseraient impunément le xixe siècle français : les marxistes parce que leur doctrine est allemande d’origine, les dadaïstes parce qu’ils peuvent prétendre, à la rigueur, ne rien devoir qu’au xxe siècle, en quoi ils se séparent des cubistes eux-mêmes qui se réclament d’Ingres. […] Seuls, les marxistes seraient en droit de mépriser le xixe siècle, parce que leurs doctrine est allemande.
J’ai parlé contre ceux qui faisaient ressentir aux enfants leur tyrannie, et ce sont eux, à présent, qui tyrannisent leurs gouvernantes et leurs précepteurs98. » Fénelon avait été forcé de gourmander, lui aussi, certaines âmes pour leur trop grand attachement à sa doctrine du pur amour. […] La propriété considérée comme une permission du peuple souverain qui peut, s’il lui plaît, l’abolir, et qui, en l’abolissant, ferait disparaître le brigandage, les rapines et la violence ; la destination de l’homme, qui n’est pas de travailler et de mériter, mais de jouir ; le luxe, comme cause unique de la pauvreté ; le bonheur, non par le devoir ni par la raison, mais par le tempérament : toutes ces doctrines ont reparu, et, pour la dernière fois plaise à Dieu ! […] Ce ne sont pas des doctrines, mais des passions, sous les couleurs de l’amour du genre humain. […] Il y a une époque dans notre histoire où l’on a eu foi aux doctrines du Contrat social ; ce qui reste de cette foi est parmi les périls les plus pressants de notre temps. […] Pour ceux dont le sens moral est à l’épreuve de ses doctrines sur le droit de jouir, de sa politique par la souveraineté de l’individu, de sa morale fondée sur la double chimère de l’innocence naturelle de l’homme et de la corruption irréparable des sociétés : pour ceux-là, ce qui leur reste de cette lecture, c’est, parmi quelques souvenirs charmants, une impression attristante de ce mélange de lumière et d’ombre, de vrai et de faux, de hauteurs et de chutes, dans des ouvrages où les mauvais esprits deviennent pires, où les bons ne deviennent pas meilleurs.
Pendant cet interrègne, libre à chacun de s’attacher à toute doctrine, d’être suivant son goût pythagoricien ou platonicien, stoïque ou péripatétique. […] Il n’en est pas ainsi dans les États dogmatiques, où il y a une raison vivante et actuelle, une doctrine hors de laquelle il n’y a point de salut. […] Le gouvernement est alors absolu et se fait au nom de la doctrine acceptée de tous. […] Il faut de la doctrine à l’humanité. […] Les grandes et larges idées sur Dieu ont été et sont, en Allemagne, la doctrine de tout esprit cultivé philosophiquement ; en France, nul n’a encore osé les avouer, et celui qui oserait le faire trouverait plus d’obstacles qu’il n’en eût trouvé à Tubingue ou à Iéna sous des gouvernements absolus.
L’écrivain en qui était déposée la vertu suprême de donner la vie, d’en reproduire les innombrables formes, de la comprendre totalement dans un immense embrassement d’intelligence, s’est détourné de soi, s’est repris au monde avec lequel il était entré en une plus intime communion qu’il n’appartient d’habitude à un homme, et s’est réduit aux pensées étroites d’un religieux qu’inquiètent seulement la pratique et la prédication d’une doctrine selon les pauvres d’esprit. […] Il le considère, le dégage et le restitue, avec une âme prise d’abord d’amour jusqu’aux moelles, puis déprise, inintelligente, déçue et dédaigneusement détachée, puis fuyant au loin et s’apaisant dans l’humilité d’une religion dont les doctrines concilient son amour avec son erreur. […] L’auteur qui eût paru capable entre les premiers de mettre debout un capitaine de génie et qui rencontre Napoléon sous sa plume, ne sait nous en décrire que quelques aspects anecdotiques ridicules, et quand il se trouve amené à propos de la guerre à exposer ses vues sur la philosophie de l’histoire, c’est à la plus mesquine, à la plus absurde doctrine qu’il se rallie, prétendant citer le hasard, l’instinct obscur des masses comme une explication, et préférant la stupide inaction de Koutouzoff à tous les actes déterminants de ses lieutenants et de ses adversaires. […] Partir d’œuvres littéraires qui embrassent et montrent tout le merveilleux spectacle de la vie, s’en détacher peu à peu et s’en déprendre par une lente et sourde angoisse d’un idéal de vertu, hésiter, ne savoir que faire un temps et continuer à considérer le monde avec de soudaines reprises de tendresse, puis se buter contre le problème de sa fin et de sa cause, oublier son charme, sa grandeur, son radieux fleurissement de force pour lui demander compte de son sens en présence de son terme, et s’encercler peu à peu dans ce problème comme un sorcier dans son rhombe, dédaigner les véritables solutions par mépris et impuissance de l’intelligence et en venir comme le dernier des prédicants et comme le solitaire de Port-Royal à une doctrine de simplification, de retranchement de toutes les obligations sociales, de reniement de tous les appétits et de l’amour même de soi, de sa propre vie, avec l’idée folle d’exclure, en ce monde de guerre, la violence et le mal des actes des hommes, telles furent les phases de la transformation mentale de Tolstoï, déclin dont on peut mesurer la profondeur en comparant l’épopée grandiose et par bonheur acquise de La Guerre et la Paix, à des récits comme Le Tilleul, à des moralités puissantes encore mais puériles comme Le Premier Distillateur et La Puissance des Ténèbres. […] Il ne lui restait donc qu’à se retirer de la société telle qu’elle existe, à proclamer que le bonheur réside dans une réforme pratique du genre de vie de chacun, dans le renoncement à cette intelligence qui le torturait, à formuler enfin du fond de sa retraite une doctrine, qui contenait les préceptes pour atteindre le bonheur et qui, crue instantanément persuasive et applicable, jetait même sur ce monde, qu’il avait délaissé, un éclat au moins imaginaire de paix et de bonté.
mais déjà derrière la lutte incessante de la lumière et des ténèbres, d’Ormuz et d’Ahriman, l’antique doctrine mazdéenne laisse entrevoir le triomphe définitif de la lumière et du bien. […] Telle est la doctrine de l’Évangile éternel ; par l’influence de Lessing, qui l’adopta, elle a trouvé du crédit jusqu’à nos jours. […] On s’étonne, après tous les échecs qu’a déjà subis cette doctrine, qu’elle ait pu séduire un des plus savans et des plus récens historiens du progrès, le professeur Conrad Hermann de Leipzig. […] De là sans doute la doctrine de la métempsychose, qui fait circuler les âmes humaines à travers toutes les formes animales ; de là, jusque chez Aristote, cette opinion étrange que les abeilles participent, comme nous, à l’intellect actif, parce qu’elles sont capables de concevoir la régularité abstraite de certaines figures géométriques ; de là ce symbolisme qui, au moyen âge, figurait les vices et les vertus des hommes, le bien ou le mal, par les habitudes vraies ou supposées des animaux. […] N’est-ce pas là l’hypothèse des variations accidentelles, qui joue un si grand rôle dans la doctrine darwinienne ?
Ces praticiens qui, établissons-le de nouveau, forment la grande majorité des travailleurs intellectuels, par conséquent aussi des membres des sectes à la mode dans l’art et la littérature, sont d’ailleurs complètement sains au point de vue intellectuel, quoique à un très bas degré de développement, et celui qui les examinerait pourrait facilement mettre en doute, en ce qui concerne les fidèles des nouvelles doctrines, la justesse du diagnostic « dégénérescence ». […] Conformément à la doctrine de leur maître théorique Ruskin, le déclin de l’art commence, pour les préraphaélites, avec Raphaël. […] « En doctrine religieuse et philosophique », dit M. […] Le socialisme, en effet, à côté de ses doctrines économiques radicales et de ses théories égalitaires impossibles, représente l’émancipation de la pensée. […] Pendant quelques années il a été le grand-prêtre de cette doctrine secrète, et il a desservi son culte avec le sérieux requis.
Il est le libre causeur par excellence ; il a de l’ancienne société le ton, le goût, les façons déliées, avec tous les principes (y compris les conséquences) de la nouvelle ; il a de bonne heure épousé et professé les doctrines généreuses de son temps, et il n’en a pris aucun lieu commun. […] Allié de Casimir Périer et de La Fayette, tour à tour il paya tribut à ces deux alliances ; mais par doctrine, par goût, il semble qu’il penche plutôt du côté de la dernière. […] L’ouvrage sur Abélard, qui contient une admirable vie de ce philosophe et un exposé définitif de son, épineuse doctrine, exige quelque explication préalable et nous oblige à revenir un peu sur le passé. […] Il s’y préparait ou en avait l’air, et, pour s’en donner le prétexte, il se mit à faire des recherches plus particulières sur les ouvrages et sur les doctrines d’Abélard. […] Le maintien ou le rétablissement du gouvernement aristocratique, le retour à ce qu’ils regardaient comme l’ancien régime, était leur seul effort et leur unique doctrine.
Ce qui est sûr, c’est que j’ai rarement vu plus immense labeur, ni plus rigoureuse unité d’esprit et de doctrine dans des occasions plus variées, ni plus riche et plus robuste tempérament d’écrivain. […] Malgré l’impartialité qu’il étale, le noble pair n’a pu prendre sur lui de déguiser cette passion qu’il éprouve au même degré que nos ministres en exercice, cette passion gouvernementale et doctrinaire qui ne veut pas que les évêques s’occupent des affaires de l’Église et s’en occupent publiquement d’une autre façon que le pouvoir ne le désire. » Et, trente ans plus tard (car, là-dessus, Veuillot n’a jamais varié) : « Nous n’ignorons pas que, selon la doctrine catholique libérale, la politique est une chose et la religion en est une autre, et que tout homme a le droit de faire ou l’une ou l’autre de ces deux choses, ou de faire l’une et l’autre à part, et même contradictoirement, mais n’a jamais le droit de les confondre. […] » Les différences essentielles d’esprit ou de tempérament par où se séparent de nous les autres hommes, nous les percevons avec plus de colère chez ceux qui professent extérieurement les mêmes doctrines que nous. […] Toutefois, certains articles de son projet impliquent que l’État a le devoir de reconnaître, sinon la vérité de la doctrine catholique, du moins le caractère vénérable et bienfaisant de cette doctrine et de lui assurer le respect public. […] Veuillot l’a pris tel qu’il est, avec sa hiérarchie, avec ses doctrines autoritaires en politique, même avec les us et traditions qui, pour les inattentifs et les superficiels, paraissent s’éloigner de l’esprit de l’Évangile.