Qu’on ait regretté dans Goethe, homme, l’absence de cette sensibilité qui fait aimer et souffrir, nous le concevons ; mais qu’on ait reproché à Goethe, artiste, son impassibilité presque divine, nous ne le concevons pas ; l’impassibilité n’est-elle pas le signe de la force ? […] Goethe n’était pas retenu par ce scrupule, parce qu’il était mille fois plus poète que nous et mille fois moins respectueux envers l’œuvre divine, dont les imperfections apparentes sont d’ineffables perfections. […] Méphistophélès et Faust paraissent sur le pas de la porte ; c’est là une des plus charmantes scènes inventées par le génie divin ou satanique de l’amour, et dont on ne trouve de trace ni dans le drame antique ni dans le moderne. […] Ici même, peut-être, ma bien-aimée, reconnaissante envers son divin Christ, enfant aux joues fraîches et saines, est venue pieusement baiser la main amaigrie de l’aïeul. […] L’âme pieuse de la femme, être plus divin que nous dans ses aspirations, parce qu’il est moins distrait et plus sensible, s’y retrouve tout entière.
« Ce qu’il y a de plus admirable dans l’ordre universel des choses, c’est l’action libre des êtres libres sous la main divine. […] Il y voit un de ces fléaux divins auxquels il est presque impie de résister, tant ils sont divins dans leur force. […] Tel est le livre, nul comme prophétie, violent comme philosophie, désordonné comme politique (relisez le chapitre sur la glorieuse fatalité et sur la vertu divine de la guerre ; cela est pensé par un esprit exterminateur et écrit avec du sang). […] Il sait très bien aussi donner à la fortune le nom majestueux et divin de Providence. […] Les politiques n’ont pas de scrupules, mais les prophètes, qui parlent sans cesse au nom de la morale divine, sont tenus d’en avoir.
Si c’est là en effet le dernier mot de l’incrédulité, il faudra désormais autant et plus de foi pour croire à ces conséquences dites philosophiques ou historiques, à ces conjectures écloses et nées d’un seul cerveau, qu’à nous, chrétiens, pour continuer de croire à la tradition, à l’Église, au miracle visible d’un établissement divin toujours subsistant, au majestueux triomphe où l’évidence est écrite, au consentement universel tel qu’il résulte du concert des premiers et seuls témoins… » J’abrège. […] Je ne m’explique pas qu’un homme tel que l’auteur me dépeint Jésus puisse être si divin sans être Dieu, au moins en bonne partie. […] Il se rencontrait un moment difficile et périlleux, dans une Vie du Christ ainsi conçue : c’est celui où, d’une première prédication toute tendre et plus modeste, il passe à son rôle divin plus déclaré et à son affectation de Messie.
C’est la vie divine de l’enfance, où Dieu se révèle de si près à ceux qui savent adorer. […] Le divin Sphérus d’Empédocle, où tout existe d’abord à l’état syncrétique sous l’empire de la [en grec], avant de passer sous celui de la Discorde, [en grec] (analyse), offre une belle image de cette grande loi de l’évolution divine.
On avait presque le droit de les appeler, selon le langage des anciens Pères, les chrétiens primitifs ; c’était du moins comme autant de Mages qui étaient déjà plus ou moins directement en chemin vers le divin berceau. […] Est-ce qu’il n’y a pas du divin dans chaque bienfait ? […] Nous n’en devons pas moins remercier la bonté divine, lorsqu’elle nous compose des plaisirs avec nos devoirs.
Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.
. — Ainsi, dans tout l’ordre social et moral, le passé justifie le présent ; l’antiquité sert de titre, et si, au-dessous de toutes ces assises consolidées par l’âge, on cherche dans les profondeurs souterraines le dernier roc primordial, on le trouve dans la volonté divine. — Pendant tout le dix-septième siècle, cette théorie subsiste encore au fond de toutes les âmes sous forme d’habitude fixe et de respect inné ; on ne la soumet pas à l’examen. […] Pour des millions d’hommes, pour des centaines de générations, il n’y avait accès que par leur voie aux choses divines. […] Les antiques institutions perdent leur prestige divin ; elles ne sont plus que des œuvres humaines, fruits du lieu et du moment, nées d’une convenance et d’une convention. […] instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre, juge infaillible du bien et du mal qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature. » — À côté de l’amour-propre, par lequel nous subordonnons le tout à nous-mêmes, il y a l’amour de l’ordre, par lequel nous nous subordonnons au tout. […] Il est dans la nature de l’égalité de s’accroître ; c’est pourquoi l’autorité des uns a grandi en même temps que la dépendance des autres, tant qu’enfin, les deux conditions étant arrivées à l’extrême, la sujétion héréditaire et perpétuelle du peuple a semblé de droit divin comme le despotisme héréditaire et perpétuel du roi. — Voilà l’état présent, et, s’il change, c’est en pis. « Car423 toute l’occupation des rois ou de ceux qu’ils chargent de leurs fonctions se rapporte à deux seuls objets, étendre leur domination au dehors, et la rendre plus absolue au dedans. » Quand ils allèguent un autre but, c’est prétexte. « Les mots bien public, bonheur des sujets, gloire de la nation, si lourdement employés dans les édits publics, n’annoncent jamais que des ordres funestes, et le peuple gémit d’avance, quand ses maîtres lui parlent de leurs soins paternels. » — Mais, arrivé à ce terme fatal, « le contrat du gouvernement est dissous ; le despote n’est maître qu’aussi longtemps qu’il est le plus fort, et, sitôt qu’on peut l’expulser, il n’a point à réclamer contre la violence ».
« Souvent l’âme, fortifiée par la contemplation des choses divines, voudrait déployer ses ailes vers le ciel. […] Une étincelle divine est seule en nous l’indice de l’immortalité. […] Une seule voix sans parole, non pas sans harmonie, sans force, mais irrésistible, proclame un Dieu au fond de notre cœur : tout ce qui est vraiment beau dans l’homme naît de ce qu’il éprouve intérieurement et spontanément : toute action héroïque est inspirée par la liberté morale ; l’acte de se dévouer à la volonté divine, cet acte que toutes les sensations combattent et que l’enthousiasme seul inspire, est si noble et si pur, que les anges eux-mêmes, vertueux par nature et sans obstacle, pourraient l’envier à l’homme. […] « Non, certes, la vie n’est pas si aride que l’égoïsme nous l’a faite : tout n’y est pas prudence, tout n’y est pas calcul, et quand une action sublime ébranle toutes les puissances de notre être, nous ne pensons pas que l’homme généreux qui se sacrifie a bien connu, bien combiné son intérêt personnel ; nous pensons qu’il immole tous les plaisirs, tous les avantages de ce monde, mais qu’un rayon divin descend dans son cœur pour lui causer un genre de félicité qui ne ressemble pas plus à tout ce que nous revêtons de ce nom, que l’immortalité à la vie. […] « Ou tout est hasard, ou il n’y en a pas un seul dans ce monde, et s’il n’y en a pas, le sentiment religieux consiste à se mettre en harmonie avec l’ordre universel (qu’il soit pour nous ou contre nous), parce qu’il est la volonté divine.
Tous ces hommes géométriques qui seuls avaient alors la parole et qui nous écrasaient, nous autres jeunes hommes, sous l’insolente tyrannie de leur triomphe, croyaient avoir desséché pour toujours en nous ce qu’ils étaient parvenus en effet à flétrir et à tuer en eux, toute la partie morale, divine, mélodieuse, de la pensée humaine. […] comme tout ce qui est divin en nous, cela ne peut se définir par un mot ni par mille. C’est l’incarnation de ce que l’homme a de plus intime dans le cœur, et de plus divin dans la pensée ; dans ce que la nature visible a de plus magnifique dans les images et de plus mélodieux dans les sons ! […] Plus tard à la vieillesse des peuples, triste, sombre, gémissante et découragée comme eux, et respirant à la fois dans ses strophes, les pressentiments lugubres, les rêves fantastiques des dernières catastrophes du monde, et les fermes et divines espérances d’une résurrection de l’humanité sous une autre forme : voilà la poésie. […] C’est le symbole vague et confus de mes sentiments et de mes idées à mesure que les vicissitudes de l’existence et le spectacle de la nature et de la société les faisaient surgir dans mon cœur ou les jetaient dans ma pensée ; ces sentiments et ces idées ont varié avec ma vie même, tantôt sereines et heureuses comme le matin du cœur, tantôt ardentes et profondes comme les passions de trente ans, tantôt désespérées comme la mort et sceptiques comme le silence du sépulcre, quelquefois rêveuses comme l’espérance, pieuses comme la foi, enflammées comme cet amour divin qui est l’âme cachée de toute la nature.