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689. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Le moment est difficile sans doute ; mais depuis que je suis parti, je n’ai guère eu jusqu’à cette heure que des avantages. […] M. de Talleyrand a toujours nié l’avoir vu ; mais d’autres que lui le virent, et il est difficile de douter qu’il n’y ait réellement eu un conciliabule où l’on discuta le coup proposé par Maubreuil : — se défaire de Napoléon.

690. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Vous savez que c’est un des plus honnêtes garçons qu’on puisse voir, et propre aux galères comme à prendre la lune avec les dents. » Le style de Mme de Sévigné a été si souvent et si spirituellement jugé, analysé, admiré, qu’il serait difficile aujourd’hui de trouver un éloge à la fois nouveau et convenable à lui appliquer ; et, d’autre part, nous ne nous sentons disposé nullement à rajeunir le lieu-commun par des chicanes et des critiques. […] Et, maintenant, si dans tout ce qui précède nous paraissons à quelques esprits difficiles avoir poussé bien loin l’admiration pour Mme de Sévigné, qu’ils nous permettent de leur adresser une question : L’avez-vous lue ?

691. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

On conçoit dès lors combien il était difficile à Boileau de tout repousser dans la thèse que soutenait Perrault ; à quelles chicanes, à quelles subtilités, ou à quelles contradictions brutales et sans preuves il était réduit, pour justifier les anciens et condamner Perrault sans réserve et sans nuances. […] Il prétend que Perrault ne fut pas content de sa lettre : Perrault, vraiment, était difficile.

692. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Voilà comment Michelet a conçu sa tâche : il fallait, pour en venir à bout, deux conditions difficiles à réunir, la science et la poésie. […] Il fixe ses impressions, ses visions, ses frissons, ses suggestions dans des livres étranges, difficiles à classer, souvent délicieux, l’Oiseau, l’Insecte, la Montagne, la Mer : le lyrisme y déborde, mais un lyrisme nourri de fortes idées, pénétré de science solide.

693. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Mais c’est là un défaut qu’on lui passe, tant il est parvenu à en triompher en des pages heureuses, tant, à force de travail et d’émotion, il a assoupli son organe et a su donner à ce style savant et difficile la mollesse et le semblant d’un premier jet ! […] Je leur aurais volontiers échappé si j’avais pu ; mais, une fois en train dans leurs jeux, j’étais plus ardent et j’allais plus loin qu’un autre ; difficile à ébranler et à retenir.

694. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Quand les partis n’ont pas de chef ni de tête, quand ils se présentent par leur corps seul, c’est-à-dire par leur réalité la plus hideuse et la plus brutale, il est plus difficile et aussi plus hasardeux de se montrer envers eux si équitable et de faire à chacun sa part jusqu’au milieu de l’action. […] « Qui ne me voudra savoir gré, dit-il, de l’ordre, de la douce et muette tranquillité qui a accompagné ma conduite, au moins ne peut-il me priver de la part qui m’en appartient par le titre de ma bonne fortune. » Et il est inépuisable à peindre en expressions vives et légères ce genre de services effectifs et insensibles qu’il croit avoir rendus, bien supérieurs à des actes plus bruyants et plus glorieux : « Ces actions-là ont bien plus de grâce qui échappent de la main de l’ouvrier nonchalamment et sans bruit, et que quelque honnête homme choisit après, et relève de l’ombre pour les pousser en lumière à cause d’elles-mêmes. » Ainsi la fortune servit à souhait Montaigne, et, même dans sa gestion publique, en des conjonctures si difficiles, il n’eut point à démentir sa maxime et sa devise, ni à trop sortir du train de vie qu’il s’était tracé : « Pour moi, je loue une vie glissante, sombre et muette. » Il arriva au terme de sa magistrature, à peu près satisfait de lui-même, ayant fait ce qu’il s’était promis, et en ayant beaucoup plus fait qu’il n’en avait promis aux autres.

695. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Cherchant à rassembler dans sa raison toutes ses forces et tous ses motifs de renoncement, il se dit qu’il n’a guère plus de quarante ans ; qu’il y a moyen, après avoir consacré sa jeunesse au service du roi et de sa patrie, de vivre chez soi en honnête homme ; il se trace le plan d’une vie heureuse et privée : « Avoir du bien honnêtement, n’avoir rien à se reprocher (et, pour cela, commencer par payer toutes ses dettes), avoir mérité d’avoir des amis, et savoir s’amuser des choses simples. » Toutes ces conditions pourtant ne laissent pas d’être difficiles à rencontrer dans le même homme, et il suffit d’une seule qui échappe, ou d’un goût étranger qui se réveille, pour faire tout manquer, et pour corrompre ce tranquille bonheur. […] Il dit du mal de la Cour et nous en déduit le fort et le faible, mais il a la bonne foi d’en avouer tout l’attrait : Il faut cependant avouer qu’il est difficile de quitter ce pays-là quand on y a passé une partie de la vie ; et, malgré tous les vices et les défauts que j’y ai remarqués, il y a un petit nombre d’hommes et de femmes avec qui on peut passer agréablement sa vie, et mieux qu’ailleurs, par la difficulté de les assembler.

696. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Pourtant, quand il aura vu Rome, c’est-à-dire la grande et suprême beauté, il regrettera plus d’une de ses exclamations premières et superlatives, qui lui sont échappées : « À mesure qu’on se forme le goût, on devient plus difficile. » Il ne regarde pas seulement ce qui est de l’art, il fait attention aux hommes, beaucoup aux dames, à la société, aux conversations, à la nature. […] Dante, au contraire, lui est pénible et difficile ; il le trouve d’un sublime dur : « Il me paraît plein de gravité, d’énergie et d’images fortes, mais profondément tristes ; aussi je n’en lis guère, car il me rend l’âme toute sombre. » Le Moyen Âge répugne à de Brosses ; il lui refuse le nom d’antiquité ; il visite au retour, à la bibliothèque de Modène, le docte Muratori, avec ses quatre cheveux blancs et sa tête chauve, travaillant malgré le froid extrême, sans feu et nu-tête, dans cette galerie glaciale, au milieu d’un tas d’antiquités ou plutôt de vieilleries italiennes : « Car, en vérité, dit-il, je ne puis me résoudre à donner le nom d’antiquités à tout ce qui concerne ces vilains siècles d’ignorance… Sainte-Palaye, au contraire, s’extasiait de voir ensemble tant de paperasses du xe  siècle. » — Tous ces jugements se tiennent, on le sent, et s’accordent soit en littérature, soit en peinture ou en musique ; et celui qui aime tant l’Arioste pourra se déclarer de la sorte en faveur de Pergolèse : Parmi tous ces musiciens, mon auteur d’affection est Pergolèse.

697. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

La réponse de saint François de Sales est admirable de sagesse et de prudence : « Vous requérez de moi, répond-il à cette dame, une chose également difficile et inutile » ; et il montre en quoi la solution est difficile, non pas tant en soi et pour les esprits simples qui la cherchent par le chemin de la charité, mais parce qu’en cet âge qui abonde « en cervelles chaudes, aiguës et contentieuses », il est malaisé de dire une chose qui n’offense pas ceux qui, « faisant les bons valets soit du pape, soit des princes, ne veulent jamais qu’on s’arrête hors des extrémités ».

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