La tolérance est une vertu excessivement difficile. Elle est plus difficile, pour quelques-uns, que l’héroïsme. […] Si l’on diffère sur les moyens, il n’est pas si difficile de s’accorder sur le but.
Quand on a composé seize Pieces de Théatre, un Poëme immense [celui d'Alaric], des Discours politiques en grande quantité, des Histoires, des Romans, des Traductions, sans compter une infinité d'autres Ouvrages, il est bien difficile d'être irréprochable du côté du jugement & du style. […] Tel Poëte qui se croît un Virgile, n'en a souvent imité que la foiblesse, parce qu'il est aussi difficile de faire de bons Poëmes que de grands sacrifices.
Ils se trompent, s’ils s’imaginent en cela avoir le mérite de la difficulté vaincue : il est plus difficile d’écrire et de parler bien sa langue, que de parler et d’écrire une langue morte ; la preuve en est frappante. […] Avec quelque soin qu’on travaille un auteur ancien, il est difficile de n’en faire aucun : les usages, les allusions à des faits particuliers, les différentes acceptions des mots de la langue, et une infinité d’autres circonstances peuvent y donner lieu. […] Pour pouvoir déchiffrer, il faut d’abord connaître la langue : Viète, il est vrai, a prétendu pouvoir s’en passer ; mais cela paraît bien difficile, pour ne pas dire impossible. […] On pourrait conclure de là, que souvent les figures seront nécessaires dans un dictionnaire de langue ; car il est dans les sciences et dans les arts une grande quantité d’objets, même très familiers, dont il est très difficile et souvent presque impossible de donner une définition exacte, sans présenter ces objets aux yeux ; du moins est-il bon de joindre souvent la figure avec la définition, sans quoi la définition sera vague ou difficile à saisir. […] Ce travail est immense et comme impraticable ; mais il est plus long que difficile, et les concordances qu’on a faites des meilleurs auteurs y aideront beaucoup.
Les affaires difficiles, et dont le succès a quelque chose ae fâcheux, laissent toujours beaucoup à raisonner, et la bonne conduite que l’on y tient est peu connue et peu pénétrée. Il faut que ce soit des gens du métier et qui suivent bien une affaire. » Et dans le même temps : « Notre campagne n’est pas brillante, mais je te réponds qu’elle a été difficile, et qu’il a fallu bien prévoir des choses pour qu’elle ne fût pas dangereuse, ou au moins d’être obligé de sortir bien plus tôt du Piémont. […] Il est difficile de ne pas être de l’avis de Feuquières dans la double critique qu’il fait de cette campagne, la première remontant à Louis XIV, la seconde s’adressant à Catinat qui se tint trop longtemps sur des hauteurs près de Pignerol et ne rayonna pas assez vivement. […] Mme Pucelle, la mère du célèbre abbé de ce nom, méritait-elle donc qu’on lui appliquât le mot de La Fontaine : Rien ne pèse tant qu’un secret : Le porter loin est difficile aux dames. […] Catinat ne s’est pas trompé ; il n’y a pas de retour de la part d’un jaloux : « Le parfait silence de M. de Rubentel, écrit-il quelques jours après, ne t’a point surpris ainsi que moi ; je suis bien sûr que ce sera très fort malgré lui s’il se trouve dans quelque endroit où tu seras. » Cherchez vite si vous êtes curieux, lisez dans Saint-Simon le portrait de ce Rubentel, ancien lieutenant colonel du régiment des gardes, ancien lieutenant général, brave homme de guerre, mais difficile à vivre, d’une humeur à faire damner les gens, d’autant plus roide et plus cassant qu’on lui fait plus d’avances, et furieux si on le néglige ; enfin un fagot d’épines.
En l’absence de William Shakespeare, trépassé il y a trois siècles, Beaumont-Vassy avait pensé à nous ressusciter le galbe imposant de cet halluciné sublime dans je ne sais quel drame, — ou plutôt dans je ne sais quelle scène historique de longue haleine comme ont imaginé d’en écrire les hommes qui ne savent pas remuer puissamment l’échiquier du théâtre, où les conceptions de la pensée se carrent et se cubent sous l’empire des plus difficiles combinaisons. […] Mais être l’Hamilton du chevalier de Grammont, c’est plus difficile ; car le génie, comme la conscience, c’est la perle divine qu’on trouve au fond de la coquille d’huître de l’humanité, et que tous les monteurs de pierres fausses ne pourront imiter jamais ! […] Quand on fit le procès à ce chef-d’œuvre, qu’on lira encore quand on saura la Russie par cœur, personne ne se dit que Custine était de cette famille de jugeurs dont madame de Staël se vantait d’être, — madame de Staël, qu’il rappelle d’ailleurs pour le style et pour sa manière habituelle et soudaine de faire partir l’étincelle de l’aperçu. « Je serais conduite à l’échafaud, — disait un jour madame de Staël, — qu’en chemin, je crois, je voudrais juger le bourreau. » Custine avait plus difficile à faire : il avait à juger ceux qui voulaient le séduire, et il a été plus fort que ses séducteurs. […] Ils avaient sous eux une colossale obéissance… Il n’y a que les peuples de ce côté-ci de l’Europe, si vite cabrés, qu’il soit difficile de gouverner et qui nous donnent, par conséquent, la véritable idée de la force de celui qui les gouverne et la justification de sa gloire.
On a dit que la plus belle couleur qu’il y eût au monde était cette rougeur aimable dont l’innocence, la jeunesse, la santé, la modestie et la pudeur coloraient les joues d’une fille ; et l’on a dit une chose qui n’était pas seulement fine, touchante et délicate, mais vraie : car c’est la chair qu’il est difficile de rendre ; c’est ce blanc onctueux, égal sans être pâle ni mat ; c’est ce mélange de rouge et de bleu qui transpire imperceptiblement ; c’est le sang, la vie qui font le désespoir du coloriste. […] Il y a un prestige dont il est difficile de se garantir, c’est celui d’un grand harmoniste. […] Au contraire, c’est la vigueur de coloris qu’il est difficile d’allier avec l’harmonie.
Mais ce qui est certain, c’est qu’une telle recherche amènerait infailliblement pour conclusion qu’en réalité il y a beaucoup moins de grands historiens que de grands hommes, et qu’en Histoire, comme dans les arts, c’est bien plus le peintre que le modèle qu’il est difficile de trouver. […] Il ne s’agit plus d’idéal en présence d’une réalité qui parle aussi haut que l’Idéal lui-même, d’une réalité qu’il faudrait étreindre pour l’exprimer, tâche difficile, tant Napoléon est immense ! […] La critique a le respect des choses difficiles.
Il est difficile, dit-on vulgairement, de faire entrer Paris dans une bouteille. […] Il a comparé très joliment cette opération difficile de mettre dans un sonnet un peu plus qu’il ne peut tenir, et sans pourtant le faire craquer, à cette difficulté de toilette bien connue des dames et qui consiste à passer une robe juste et collante.
Certes la belle page est plus difficile à écrire que la belle action à faire58 ; mais celle-ci est d’une bien autre importance. […] Elle nous apprend que le latin que les élèves ont étudié dans les écoles par le thème et la version leur est très-familier, et que le grec qu’ils n’ont étudié que par la version leur est toujours difficile. […] La langue grecque ayant beaucoup influé sur le latin, et la grammaire en étant un peu plus difficile, on pense communément que c’est par cette étude qu’il faut commencer ; mais l’étudiant n’étant plus un enfant, ayant le jugement fait et la tête meublée d’une assez bonne provision de connaissances élémentaires en tout genre, il est temps qu’il médite et qu’il réfléchisse. […] Ces deux langues renferment de si grands modèles en tous genres, qu’il est difficile d’atteindre à l’excellence du goût sans les connaître. […] Il désigne les ouvrages auxquels il renvoie par un titre de fantaisie qui indique bien ce qu’ils contiennent, mais sous lequel il est difficile parfois de reconnaître le véritable.