Deux voix s’élèvent tour à tour Des profondeurs troubles de l’âme : La raison blasphème, et l’amour Rêve un dieu juste et le proclame. […] — Les dieux !
Et vraiment les dieux lointains de son antique patrie lui ont donné la finesse, la grâce, le bien dire, la joie de vivre, l’équilibre des facultés intellectuelles. […] Pourtant je le vois comme un Grec un peu amolli, plus près d’Alcibiade que de Socrate, pour qui il a été maintes fois injuste (après d’autres), et plutôt encore comme un Grec d’arrière-saison, contemporain de Théocrite, jouissant de ses dieux sans y croire, mais sans les nier publiquement ; et moins comme un Athénien que comme un Grec des îles, plein de science et de douceur, traînant sa tunique dénouée dans les bosquets de lauriers-roses… Mais ce méridional est un méridional blond.
Surtout il y a, — formée sur le modèle de l’inquiète Leuconoé d’Horace, laquelle interrogeait tous les dieux afin de trouver le bon, — la patricienne de décadence qui a du vague à l’âme, et qui se fait chrétienne par romantisme. […] Voici la première phrase du chef des cuisines : « Jamais festin plus somptueux n’aura été servi dans le triclinium du préfet de Rome, Pedanius Secundus » ; et l’intendant Priscus, à peine entré, interpelle les esclaves en ces termes choisis : « Approchez, Égyptiens, et vous, Éthiopiens, plus noirs que Pluton, dieu des enfers… À mesure que les convives apparaîtront dans l’atrium, précipitez-vous à leurs pieds ; que rien ne manque à leurs ablutions.
Des paysans, témoins de ce sacrifice, se mirent à danser autour de la victime, en chantant les louanges du dieu. […] Je suppose, par exemple, que Thespis, ou quelque autre de ses successeurs, eût pris pour sujet, comme Homère, la colère d’Achille : je m’imagine, que son acteur, représentant le prêtre d’Apollon, venait dire que vainement il avait tâché de fléchir Agamemnon par des prières et des présents ; que ce roi inflexible s’était obstiné à ne lui pas rendre sa fille Chryséide ; que sur cela Chrysès implorait le secours du dieu pour se venger.
Remy de Gourmont Puisqu’il ne nous laissa que de trop brèves pages, l’œuvre seulement de quelques années ; puisqu’il est mort à l’âge où plus d’un beau génie dormait encore, parfum inconnu, dans le calice fermé de la fleur, Mikhaël ne devrait pas être jugé, mais seulement aimé… Parallèlement à ses poèmes, Mikhaël avait écrit des contes en prose ; ils tiennent dans le petit volume des Œuvres, juste autant, juste aussi peu de place que les vers… Il suffit d’avoir écrit ce peu de vers et ce peu de prose : la postérité n’en demanderait pas davantage, s’il y avait encore place pour les préférés des dieux dans le-musée que nous enrichissons vainement pour elle et que les barbares futurs n’auront peut-être jamais la curiosité d’ouvrir.
C’est le poëte de la raison, des graces & de la volupté ; fier & sublime, lorsqu’il célèbre les dieux & les héros ; intéressant & tendre, lorsqu’il soupire pour sa maîtresse.
Les causes des événements qu’Hérodote avait cherchées chez les Dieux, Thucydide, dans les constitutions politiques, Xénophon, dans la morale, Tite-Live, dans ces diverses causes réunies, Tacite les vit dans la méchanceté du cœur humain.
Ainsi en voïant la tragedie de Phédre, on se prête à la supposition qui faisoit les dieux du paganisme les auteurs et les vengeurs des crimes, bien que cette supposition revolte encore plus le bon sens, que ne le fait la plus extravagante des métamorphoses qu’Ovide a mises en vers.
Derrière nous, tout le long de la route parcourue, se dressent des autels qui s’illuminèrent jadis, l’un après l’autre, comme des phares, de la flamme des sacrifices offerts à des divinités bienfaisantes, aujourd’hui déchues ; c’est plus loin, c’est plus haut, sur un autel nouveau, que la flamme nous appelle vers un dieu encore inconnu.