Ce qu’il est, il l’est devenu tout seul. […] Cette suite va devenir l’idée essentielle de Bossuet : suite, ordre, dessein, unité providentielle, le contraire du hasard, c’est son point de vue constant, régulier, comme inévitable, et en quelque sorte la loi impérieuse de son esprit. […] Les Juifs deviennent ainsi le centre et comme la clef de voûte du Discours. […] Il était temps : la tradition orale était devenue insuffisante ; le désordre était partout. […] Ce qu’on savait moins, c’est que de prétendues beautés qui tenaient à des leçons mal lues disparaissent et s’évanouissent (ainsi le passage où il est question d’Horace, vainqueur des Curiaces et meurtrier de sa sœur, mais absous en vue de sa gloire : Et facinus intra gloriam fuit, devient tout simple et ordinaire, si on lit infra).
De l’Époque, après le naufrage, il fut recueilli au journal la Presse, et, dès lors, on le vit un peu partout ; romans, nouvelles, feuilletons de théâtre, articles de critique, il ne se refusa rien : Le principal étant de vivre, Fidèle au : « Tel père, tel fils », Ma ressource devint le livre ; Mon père en vendait, — moi, j’en fis. […] Ce ne serait pas chose aisée : Et puis, je suis devenu grand. […] La Harpe, dans sa chétive personne, presque aussi exiguë que celle de Pope, sous cette enveloppe petite et frêle, que tous ces hommes gros et gras lui reprochaient grossièrement, avait des qualités vives, des susceptibilités fines, des nerfs délicats ; il sentait en lui un principe supérieur, une flamme, ce qui est devenu à certain jour un flambeau, ce qui lui a fait entreprendre et mener à bien les belles parties de son Cours de Littérature. […] L’Almanach des Gourmands, qui a succédé (1862), rapporta à son auteur un si grand nombre de cadeaux, bourriches, pâtés, etc., qu’il lui devint indispensable d’appeler autour de lui un jury dégustateur, composé d’hommes experts, « pour l’aider, disait-il, à se prononcer sur le mérite de ces envois. » Il faut voir comme il en parle. […] Quand j’ai une fois traité un sujet, il devient mien jusqu’à un certain point, et je suis comme obligé dorénavant, bon gré, mal gré, de noter et de réunir tout ce qui le concerne.
Les diverses cours féodales grandes ou petites, l’importance prise par les villes, ont peu à peu centralisé ces divers patois, les ont fait passer à l’état de langue : mais cela n’empêche pas qu’il ne soit resté des traces de diversité presque à l’infini dans les montagnes, dans les campagnes ; les rudes vestiges sont encore vivants ; il y a des patois locaux qui sont restés à peu près ce qu’ils étaient à l’origine, qui ne sont jamais devenus des langues ; ces patois restés paysans n’ont pas éprouvé de malheurs, si vous le voulez, mais aussi ils n’ont pas eu de bonheur, ni de chance, comme on dit. […] Mais n’est-il pas devenu lui-même patois en son genre avec les années, avec les siècles ? […] Il avait le culte et la dévotion de ces signes et de ces emblèmes qui devenaient aussitôt pour lui des reliques sacrées. […] L’archéologie y est devenue une vérité, une actualité : si l’on n’était homme du Nord et sceptique, on se croirait tout de bon à une renaissance. […] Hippolyte Lucas, son ami intime et de tous les temps, qui avait été son témoin dans ses duels, son confident dans ses amours, qui lui vi faire son testament, m’écrit : « Sur la fin, il était devenu un peu mystique ; il se reprochait les vivacités de ses poésies juvéniles, et à son lit de mort il recommanda de brûler les derniers exemplaires de son Elle Mariaker (une dernière tendresse sous forme de remords).
Il devient évident que si la guerre a été le premier état naturel de l’homme barbare et sauvage, que si elle a été le triomphe et le jeu de quelques génies prééminents, l’élément nécessaire et l’instrument de grandeur des nations souveraines et des peuples-rois, la paix, avec tous les développements qu’elle comporte, est la fin dernière des sociétés humaines civilisées. […] Pendant ces travaux où il faisait preuve d’habileté pratique et de connaissance des détails, il avait l’œil aux grands événements qui se déroulaient et qu’il considérait de haut et d’ensemble comme d’un belvédère, ou mieux encore comme du centre d’une fournaise ; car la Suisse, en ces années d’occupation et de déchirement, devenue un champ de bataille dans toute sa partie orientale, offrait « l’aspect d’une mer enflammée. » Jomini y suivit de près les fluctuations de la lutte, les habiles manœuvres de Masséna pendant les sept mois d’activité de cette campagne couronnée par la victoire de Zurich, les efforts combinés de ses dignes compagnons d’armes, les Dessolle, les Soult, les Loison, les Lecourbe : ce dernier surtout « qui avait porté l’art de la guerre de montagne à un degré de perfection qu’on n’avait point atteint avant lui. » Mais, s’il estimait à leur valeur les opérations militaires, il ne jugeait pas moins les fautes politiques, et ce qu’il y avait de souverainement malhabile et coupable au Directoire à avoir voulu forcer la nature des choses, à avoir prétendu imposer par décret une unité factice à treize républiques fédérées, à s’être aliéné une nation amie, à avoir fait d’un pays neutre, et voué par sa configuration à la neutralité, une place d’armes, une base d’opérations agressives, une grande route ouverte aux invasions. […] Cependant une nouvelle coalition s’était formée : l’armée de Boulogne faisant volte-face devenait soudainement, en quelques jours, et par une évolution savante, l’armée du Danube. […] C’est à ce premier Traité de grande Tactique, devenu à la seconde édition (1811) le Traité des grandes Opérations militaires 31, que s’appliquent quelques notes sur la première guerre d’Italie, dictées par Napoléon à Sainte-Hélène. […] Le chapitre de son ouvrage, que Jomini avait eu l’esprit d’indiquer à lire à Napoléon au lendemain d’Austerlitz (le ive du tome II de la première édition, qui est devenu le xive de l’édition de 1851), ce chapitre n’était pas si mal choisi ni fait pour déplaire au nouvel Empereur.
Théoriquement, c’est logique : la vertu n’est qu’un mot dont le sens, réduit à l’échelle bourgeoise, devient : philanthropie, dévoûment, servilité. […] On en veut devenir membre, parce que c’est un titre qui assure une vente en province. […] Mais s’il n’y a de grands écrivains que les novateurs, les grands écrivains ont donc moins de chance que les autres de devenir académiciens. Ils ne le deviennent que s’ils vivent assez longtemps pour voir ce qu’ils ont apporté de révolutionnaire fonder une nouvelle tradition. […] Le grand public, que domine aujourd’hui l’Académie, est devenu incroyablement niais et timoré.
Leur malheur fut, dans tous les temps, de ne pas demeurer à Rome : elle serait devenue la capitale de leurs États, et les papes auraient été soumis sous l’œil du maître. […] Le dessin, la musique et la poésie le consolèrent et partagèrent ses moments, jusqu’à ce qu’il devint homme public, en 1300 : c’est là l’époque de tous ses malheurs. […] Quand son sénat, qui ne faisait pas tout ce qu’il en eût désiré, le nomma à l’ambassade de Rome, ce poëte, considérant l’état de crise où il laissait la république, et le péril de confier cette légation à un autre, dit ce mot devenu célèbre : S’io vo, chi sta, e s’io sto, chi va : Si je pars, qui reste, et si je reste, qui part ? […] Les deux poëtes s’élèvent de division en division et des punitions qui deviennent toujours plus de clartés en clartés, trouvant sans cesse légères. […] Si jamais, ce qu’il n’est pas permis de croire, notre théologie devenait une langue morte, et s’il arrivait qu’elle obtînt, comme la mythologie, les honneurs de l’antique ; alors Dante inspirerait une autre espèce d’intérêt : son poëme s’élèverait comme un grand monument au milieu des ruines des littératures et des religions : il serait plus facile à cette postérité reculée de s’accommoder des peintures sérieuses du poëte7, et de se pénétrer de la véritable terreur de son Enfer ; on se ferait chrétien avec Dante, comme on se fait païen avec Homère.
Les Mémoires de Franklin sont d’une lecture pleine d’intérêt pour tous ceux qui ont eu les débuts laborieux, qui ont éprouvé de bonne heure les difficultés des choses et le peu de générosité des hommes, qui ne se sont pourtant ni aigris ni posés en misanthropes et en vertueux méconnus, ni gâtés non plus et laissés aller à la corruption intéressée et à l’intrigue, qui se sont également préservés du mal de Jean-Jacques et du vice de Figaro, mais qui, sages, prudents, avisés, partant d’un gain pénible et loyal, mettant avec précaution, et avec hardiesse quand il le faut, un pied devant l’autre, sont devenus, à divers degrés, des membres utiles, honorables, ou même considérables, de la grande association humaine ; pour ceux-là et pour ceux que les mêmes circonstances attendent, ces Mémoires sont d’une observation toujours applicable et d’une vérité qui sera toujours sentie. […] Dans les dernières années de son séjour à Philadelphie, Franklin était devenu de plus en plus considérable dans sa province. […] Dans cette nouvelle mission, où l’envoyé de la Pennsylvanie devient bientôt l’agent général et le chargé d’affaires des autres principales colonies, il commence à exprimer les vœux et les plaintes d’une nation très humble d’abord et très filiale, mais qui sent déjà sa force et qui est décidée à ne point aliéner ses franchises. […] On a discuté sur l’exactitude de ce dernier fait, qui est devenu une sorte de légende ; j’incline à le croire exact, et à supposer que cet habit est le même que Mme Du Deffand a mentionné, quand elle écrivait en mars 1778 : « M. […] II, p. 488 de sa publication de Franklin), ne s’est pas souvenu du témoignage de Priestley, et s’est borné à réfuter une assertion de lord Brougham, qui, par une méprise mêlée d’embellissement, avait reporté la petite scène, devenue par là plus dramatique, au moment même de la signature du traité de paix entre l’Angleterre et l’Amérique, novembre 1782.
Le fait est que nous devenons très drôles depuis quelque temps. […] La voilà tout à coup devenue bien modeste ! […] Comme talent donc, tout le monde lui a donné ; et la possession d’état dans la célébrité a été toujours s’accroissant pour elle et est devenues ! […] Mme Cottin le fut sous l’Empire. — Mme Sand, — talent relativement supérieur, je l’accorde, — durera-t-elle assez pour que cette argile de la célébrité se durcisse au souffle du temps et devienne le marbre de la gloire ? […] Le livre des Impressions littéraires, où, devenue critique, elle se juge et elle se confesse, l’a prouvé.
Quittons le domaine qui leur est propre ; sortons de ces vérités moyennes où elles s’exercent ; voyons ce qu’elles deviendront sur un autre terrain. […] En disant que les axiomes et les notions de la raison sont dans la conscience, et font partie de la conscience, il leur attribue l’autorité et la certitude de la conscience ; comme la conscience a toujours passé pour infaillible, la raison, par contagion, devient infaillible. […] Plus que jamais, fidèle à la méthode psychologique, au lieu de sortir de l’observation, je m’y enfonçai davantage, et c’est par l’observation que, dans l’intimité de la conscience et à un degré où Kant n’avait pas pénétré, sous la relativité et la subjectivité apparentes des principes nécessaires, j’atteignis et démêlai le fait instantané, mais réel, de l’aperception spontanée de la vérité, aperception qui, ne se réfléchissant point elle-même, passe inaperçue dans les profondeurs de la conscience, mais y est la base véritable de ce qui, plus tard, sous une forme logique et entre les mains de la réflexion, devient une conception nécessaire. […] Qu’est devenue cette doctrine des signes, vérifiée dans toutes les sciences ? […] Il a dépouillé sa poésie, il est resté simple orateur ; son style est devenu plus mesuré ; et cependant sa jeunesse parfois lui revient ; il s’enflamme encore ; on sent alors qu’il oublie ses auditeurs ; il voit son idée se lever devant lui ; il s’éprend d’amour pour elle ; il retrouve son enthousiasme ; il écrit cette phrase dont j’entends d’ici l’accent transporté et poétique.