Jouffroy autour du « problème de la destinée humaine. » Elle a perverti sa réponse par une équivoque91 involontaire, et l’a arrêté sur le seuil, dans un préjugé théologique d’où il n’est point sorti. […] Jouffroy proposait à l’homme pour destinée l’immortalité et la vertu, et le public se réjouissait d’appuyer sur des raisonnements les nobles idées qu’il avait lues dans ses poètes. […] Le double sens du mot destinée.
Les compilateurs de cette trempe ont moins travaillé pour le Public, que pour les Ecrivains destinés à les suivre, & à refondre, dans des Histoires plus élégantes & plus polies, les matériaux qu’ils ont péniblement recueillis.
Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.
Dès les premières pages, le lecteur pressent que Manon tient dans ses mains la destinée entière de des Grieux. […] Il a subi la commune destinée ; à mesure qu’il avançait dans la vie, il a vu se ternir ou s’écrouler les idoles qu’il avait adorées avec ferveur. […] Hugo, la destinée silencieuse que leur a faite l’indifférence. […] Bien des femmes y liront le secret de leur destinée. […] Les destinées diverses de ces deux tragédies tiennent, selon moi, à la diversité profonde des sujets.
Je trouve, en juillet et août 1809, des articles d’elle sur Collin d’Harleville ; elle distingue en son talent deux époques diverses séparées par la Révolution, l’une marquée par des succès, l’autre par des revers ; dans cette dernière, Collin, très-frappé du bouleversement des mœurs, essaya de les peindre et y échoua : « Car, dit-elle, ce n’était point la société que Collin d’Harleville était destiné à peindre ; ses observations portent plutôt au dedans qu’au dehors de lui-même : il peint ce qu’il a senti plutôt que ce qu’il a vu, etc. » Le nom de Collin d’Harleville restera dans l’histoire littéraire, et on courrait risque, en ignorant ce jugement d’un coup d’œil si sûr, de voir et de dire moins juste à son sujet. — On réimprimait et on publiait alors, vers 1806, chez Léopold Collin, une quantité de lettres du dix-septième et du commencement du dix-huitième siècle, de Mademoiselle de Montpensier, de Ninon, de Mme de Coulanges, de Mlle de Launay, etc. ; Mlle de Meulan en parle comme l’eût fait une d’entre elles, comme une de leurs contemporaines, un peu tardive. […] C’est dans le cours de cette longue collaboration au Publiciste qu’eut lieu un incident souvent raconté, presque romanesque, autant du moins qu’il était possible entre personnes d’ordre et d’intelligence, et qui eut des conséquences souveraines sur la destinée de Mlle de Meulan. […] Celle qui, à vingt-cinq ans, avait débuté par se faire personne d’un certain âge ou même douairière du Marais, entre non moins exactement, à mesure qu’elle vieillit, dans les divers personnages de ce petit monde de dix à quatorze ans, en y apportant une morale saine, la morale évangélique, éternelle, qui s’y proportionne sans s’y rapetisser. « Son idée favorite, son idée chérie, est-il dit dans la préface d’une Famille, c’était que la même éducation morale peut et doit s’appliquer à toutes les conditions ; que, sous l’empire des circonstances extérieures les plus diverses, dans la mauvaise et dans la bonne fortune, au sein d’une destinée petite ou grande, monotone ou agitée, l’homme peut atteindre, l’enfant peut être amené à un développement intérieur à peu près semblable, à la même rectitude, la même délicatesse, la même élévation dans les sentiments et dans les pensées ; que l’âme humaine enfin porte en elle de quoi suffire à toutes les chances, à toutes les combinaisons de la condition humaine, et qu’il ne s’agit que de lui révéler le secret de ses forces et de lui en enseigner l’emploi. » Comment Mme Guizot, de raison un peu ironique, d’habitudes d’esprit un peu dédaigneuses qu’elle était, se trouva-t-elle conduite si vite et si directement à cette idée plénière de véritable démocratie humaine ? […] Courant à si longue baleinée, Ils n’ont pas vu la Destinée Se tapir au ravin profond. […] Voilà pourquoi je ne puis plus soutenir au spectacle, ou dans les romans, ou dans les poëmes, sous les noms de Tancrède, ou de Zaïre, ou d’Othello, ou de Delphine, n’importe, la vue des grandes douleurs de l’âme ou de la destinée.
Cicéron vivant fut égorgé par ses ennemis politiques ; Voltaire mort fut assassiné dans sa mémoire et traîné mille fois par son nom aux gémonies des ennemis de la philosophie et de la renommée ; ce sont encore deux ressemblances entre les deux destinées de ces deux grands hommes. […] Voltaire regrettait surtout en elle l’actrice éloquente et tendre à laquelle il destinait le rôle de Zaïre. […] Il sentait vivement ce bonheur, et il en rendait grâce à sa destinée dans toutes ses conversations et dans toutes ses lettres. […] Il ne s’occupait que de ce qu’il appelait les honnêtes gens, l’élite pensant de la société ; sa philosophie, qu’il ne croyait jamais destinée à devenir populaire, était une sorte de maçonnerie du sens commun propre à relier seulement les hautes classes de la société. […] L’influence alternative de Voltaire sur l’esprit humain a suivi depuis 1778 la destinée de ce cercueil.
A peine son nom est-il aujourd’hui connu du commun des Littérateurs ; on a oublié du moins qu’il a été un des beaux esprits du siecle dernier ; cependant ses Ouvrages offrent plus de talent, une Littérature plus étendue que les Productions d’un grand nombre d’Ecrivains qui brillent dans celui-ci & sont destinés au même sort.
C’est une âme pure et distinguée, qui lutte avec une tristesse paisible contre sa laborieuse destinée.
Il s’intéressa fort aux vers de Mme Valmore et par suite à sa destinée, car jamais poète n’offrit à ce degré l’identité de sa poésie et de sa vie. […] C’est une âme pure et distinguée, qui lutte avec une tristesse paisible contre sa laborieuse destinée. […] « (24 décembre 1849)… Mon bon Richard, si votre amitié n’est pas sans inquiétude sur nous et notre silence, je suis tout à fait de même sur tout ce qui vous concerne ; et quoique je ne sache de quel côté donner de la tête, je prends sur la nuit pour vous écrire, — la nuit de Noël, mon cher Richard, qui changerait les destinées de ce triste monde et la vôtre, si le Sauveur écoutait son pauvre grillon, humblement à genoux dans la cheminée… où il y a bien peu de feu, sinon celui de mon âme, très-fervente, très en peine ! […] mais non ; le silence, le retirement du cloître. — 30 au soir. » Ces jeunes âmes déjà mûres, aux heures où la vie leur échappe, ont souvent ainsi de ces révoltes concentrées et profondes, de ces rancunes dernières contre la destinée, de ces regrets ineffables de ce qu’on a connu trop peu et qu’on ne peut plus ressaisir.