qu’il n’y en ait pas mis une autre… Henri IV a donc commis là bien évidemment une des plus grandes fautes que souverain pût commettre, même la question religieuse écartée, que l’Histoire cependant n’écartera pas, car, je le dis, en regardant bien en face les révolutions futures, ou du moins le chemin par lequel elles peuvent venir, les gouvernements doivent toujours venir à bout, quand ils le voudront, eux qui sont la force organisée, de la force qui ne l’est pas… Segretain a par des exemples nombreux et frappants fait toucher du doigt dans son histoire la bévue des gouvernements du xvie siècle qui précédèrent celui de Henri IV, lequel paracheva et fixa les conséquences de cette énorme faute, en la commettant à son tour ; et on se demande vraiment pourquoi, en lisant Segretain, qui nous met en lumière une chose qu’avant lui on n’avait pas assez vue, ce qui prouve son extrême bonne foi et son désir de justice : c’est qu’à toutes les époques de sa vie Henri IV, quelles qu’aient été ses apostasies, avait toujours été au fond de sa pensée plus catholique que protestant !
Une fausseté naturelle, une dissimulation acquise, un regard à volonté, une physionomie maîtrisée, un mensonge sans effort de tout l’être, une observation profonde, un coup d’œil pénétrant, la domination des sens, une curiosité, un désir de science, qui ne leur laissaient voir dans l’amour que des faits à méditer et à recueillir, c’étaient à des facultés et à des qualités si redoutables que ces femmes avaient dû, dès leur jeunesse, des talents et une politique capables de faire la réputation d’un ministre.
Il creva toute sa vie de ce désir contrarié.
— Balzac qui, un jour, s’inventa, dans sa pensée et dans son désir, l’homme politique qu’heureusement il ne fut jamais, n’avait pas besoin de s’inventer romanesque.
— une mère avec d’aimables filles qui paraîtront presque ses sœurs, un cercle de jeunes femmes amies honnêtement enjouées… partout où il y aura de l’aisance, de l’instruction, de la culture, des mœurs sans maussaderie avec le désir de plaire », la bonne compagnie recommencera et l’atticisme sortira de ses cendres.
Sans doute, la modération dans les désirs, quand on a le moyen de se modérer, la résignation qui souffre la vie pour moins souffrir de la vie, le calme de l’intelligence qui comprend la nécessité, sont des conditions de santé jusqu’à un certain point, ce qui ne veut absolument rien dire puisque ces conditions sont sans solidité, éternellement menacées par l’imprévu, et peuvent être renversées… par le premier vent-coulis, qui plante un point de côté à Goethe ou à Kant, par exemple, et les emporte, malgré la défense ou le remède de « leurs grandes pensées » !
Voilà, en quelques mots bien courts et bien insuffisants, l’analyse d’un mémoire que tout le monde voudra lire, car il prend l’imagination au même degré que le désir et la faculté de connaître.
Toute sa vie, qui fut courte, il souffrit de cet idéal vers lequel il aspirait, mais qu’il n’atteignait pas, et qu’il aurait atteint probablement s’il avait vécu davantage ; car « nos désirs sont les pressentiments de nos facultés, les précurseurs des choses que nous sommes capables d’exécuter », a dit Gœthe, dans un éclair.
La passion s’allume et l’âme repliée Montre un tel désir d’être à jamais oubliée, Qu’elle veut laisser, dans le pli D’un lac et dans des vers qui serviront de socle, Quelque chose d’étrange et du genre Empédocle, Un souvenir de son oubli.