Il est encore connu par une dissertation sur l’Onanisme : matiere délicate que M.
Que ces doigts un peu alongés par le bout sont délicieux et délicats !
» — « Vous regardez souvent de ce côté, ma chère, répondit Anne d’Autriche, appuyée sur le balcon… » Hors de là, et à part ces scènes délicates, le roman de Cinq-Mars est tout à fait manqué en tant qu’historique, et pour tout esprit ami de la vérité il ne saurait se relire aujourd’hui. […] Et combien d’autres que je pourrais nommer, esprits délicats, esprits légers, mis au régime de la corvée, en ont souffert comme moi et en souffrent encore ! […] Enfin, s’il faut bien le dire, il était amoureux, et sans nous permettre assurément de regarder dans les choix délicats qu’il a pu faire, ni parmi les tendres beautés qu’il a célébrées sous les noms d’Éva ou d’Éloa, il est impossible de ne pas voir ce qui fait partie de sa vie de théâtre et ce qui a éclaté. […] Jeune, il avait vécu dans l’intimité de Fontanes, de Joubert, de Chateaubriand ; il était resté des plus délicats en matière littéraire, et même chatouilleux, si l’on peut dire. […] Molé, qui, sans doute, en sa qualité d’homme délicat, avait sa part de cette irritation générale, commença d’un ton net et vibrant, ce fut une détente subite et comme une décharge d’électricité.
Amitié rare, née de la poésie et qui lui revient fidèlement, si ce n’était descendre trop près de nous, que ne dirait-on pas de ces délicates affections de femme, de ces grâces ingénieuses et souriantes qui consolaient Alfred de Musset sous les traits d’une marraine, et qui ne manquèrent pas au chevet de douleur et de mort d’un Henri Heine lui-même ! […] Il ne me faut rien de plus que votre amitié, avec une petite assurance que vous n’êtes pas fâché du détail que je viens de vous faire. » Mettez en regard de cet amant mortifiant et froid un mari jaloux, l’esprit toujours en éveil, qui se sent d’autant mieux servi par sa femme qu’il en est moins aimé, et qui s’en inquiète ; placez entre les deux une âme délicate, sensible, tendre à l’excès, qui elle-même a ses scrupules, ses réserves et ses réticences, qui est toute douloureuse en dedans, et vous aurez idée du petit roman qui se file, se mêle et se démêle, sans se dénouer jamais, dans la vie de Mme de Verdelin. […] C’est ici que nous avons à citer une fort belle lettre de Rousseau, parfaite de raison, de sagesse ; il oppose les conseils d’une morale juste et saine aux objections un peu trop délicates et raffinées, au bon sens attristé de Mme de Verdelin. […] Des offres de service d’argent les plus délicates à insinuer s’y glissaient par moments. […] Ce serait même un problème assez délicat dans une Étude sur Rousseau, et malgré tout ce qu’on sait de ses méfiances, que de s’expliquer comment d’une liaison si douce, si éprouvée et si soutenue, à n’en juger que par ses lettres, il a pu passer et aboutir, sur le compte de cette aimable dame, à la page légèrement dénigrante et tout à fait désobligeante des Confessions.
Que deviennent les idées naïves d’un enfant lourdement commentées par des pédants, fleurs délicates qui se flétrissent en passant de main en main. […] Hérodote et Tite-Live devaient être tenus pour des historiens sérieux, Homère devait passer pour un poète individuel, avant que l’étude comparée des littératures eût révélé les faits si délicats du mythisme, de la légende primitive, de l’apocryphisme. […] Le sens critique ne s’inocule pas en une heure celui qui ne l’a point cultivé par une longue éducation scientifique et intellectuelle trouvera toujours des arguments à opposer aux plus délicates inductions. […] Décidés à fermer les yeux aux considérations délicates, à ne tenir compte d’aucune nuance, ils vous portent à la figure leur mot éternel : prouvez que c’est impossible. […] C’est d’ailleurs faire tort aux résultats de la critique que de leur donner cette lourde forme syllogistique où triomphent les esprits médiocres, et que les considérations délicates ne sauraient revêtir.
La vie des personnages résulte chez le romancier russe de ce qu’avec un sentiment inné de tout le possible et de tout l’humain, il nous sont présentés constamment, vivant avec une telle profusion de descriptions, de citations, d’épisodes, de faits et gestes que la trame continue de leurs actes nous apparaît en effet, presque ininterrompue, et forme le déroulement complet et opulent d’une existence vraiment telle, dans laquelle un équilibre délicat est maintenu entre les formes constantes de cette activité et ses formes variables, adventices, illogiques ; une être réellement vivant est un cours continuel d’actes, de pensées, d’émotions, de mouvements ; on le connaît et on le voit exister d’autant mieux qu’une plus large part de ces manifestations est révélée ; et celles-ci sont d’autant plus vraies et plus propres à donner la notion d’un individu, qu’elfes sont, d’une part, mêmes et semblables au point de figurer un caractère, et qu’elles présentent, de l’autre, les variations lentes ou subites d’âge, de condition, de situation, les réactions instantanées aux événements, les crises à prolongés retentissements, et enfin cette simple mobilité vitale d’idées et de sentiments, qui, sur le fond stable de l’être, font apparaître graduellement ou d’un coup de nouvelles âmes. […] Dans La Guerre et la Paix, le prince André Bolkonsky, ardent, aigu, tenace avec la sentimentalité secrète des penseurs amers, est mené du tumulte des champs de bataille à l’activité verbeuse des salons politiques, séquestré dans son bien, enlacé dans un délicat amour, perdu par le dédale de croyances abandonnées et reprises, mêlé à mille événements historiques et intimes, agité de pensées et d’émotions innombrables jusqu’à ce que, blessé mortellement, il paraisse, en sa longue agonie, dans le déchirement de tous les voiles, entrevoir la solution de toutes les détresses, pour s’éteindre comme distrait de cette terre par de formidables intuitions ; le prince Pierre, lourd, énorme, charnu et charnel comme un animal, mais sourdement miné des mêmes inquiétudes, épris et déçu des hommes, jeté hors de lui-même par les systèmes théosophiques et religieux qui l’attirent tour à tour, s’abandonne à ses poussées de foi et d’appétits, s’appesantit de la grosse sensualité de ses compagnons de club, jusqu’à ce que, dans le trouble de Moscou pris, s’affolant confondu dans la foule et frôlant la mort, il rencontre, parmi les prisonniers auxquels il s’appareille, un pauvre hère de doux soldat paysan qui le console et le met pour toujours en paix par quelques simples mots de bonté, crise dont il émerge presque guéri, heureusement marié, mais avec on ne sait quel désarroi brouillon encore dans un esprit mal dégrossi et aventureux aux hasards politiques. […] Jamais le charme mutin, léger et doux de la petite fille et de la jeune fille n’a été plus délicatement figuré qu’en ces séduisantes créatures, la Natasha et la Sonia de La Guerre et la Paix La première surtout est admirable avec ses joueries, ses petites passions, sa grâce de danseuse minuscule et son gosier d’oiseau chanteur, son premier bal, sa pleine et saine et tendre participation à l’existence de famille, ses câlineries, ses étourdissantes conversations avec sa mère, son premier amour pour le prince André, la saute subite d’ennui, de malaise, de perverse et d’égarée passion qui la détourna de son fiancé, puis sa tristesse de plante froissée, sa reprise à la vie et ce sublime revoir de son aimé agonisant et muet dans l’ombre de la mort, aux pieds de qui elle se blottit et s’apaise ; et certes Anna Karénine ne lui est pas inférieure, l’honnête femme, belle, mûre pour de hautes amours, les yeux un peu fous, rencontrant Wronski dans un bal, se donnant, se reprenant, se compromettant, fuyant enfin avec son amant et prise dès lors de l’irrémissible malaise de la créature incertaine sur son seul bien, traînant avec cet homme pourtant délicat l’existence affreuse de la femme adultère et qui se perdant par son incertitude même, battant des bras autour d’elle dans le vide, succombe enfin dans un suicide fébrile. Dans le roman où se dessine cette héroïne d’une si chaude vie, on peut suivre le même travail minutieux de représentation par un grand nombre d’incidents sur tous les personnages de premier plan ; toute une période de leur vie nous est donnée en d’innombrables instants pour Wronsky l’homme moderne du bel air, élégant, un peu lourd d’esprit ; mais noble, constant, délicat, digne d’être aimé, et se haussant parfois à de grandes idées humaines étrangères à sa caste, comme pour Lévine plus fruste, plus simple et plus profond et dépeint de ses occupations de gentilhomme campagnard à ses angoissantes préoccupations sur le but et le sens de la vie. […] Il fut à l’origine celui qui, doué d’une merveilleuse faculté de percevoir et de se rappeler, connut les mille aspects de la nature, les innombrables et particulières manifestations humaines ; qui sut deviner, par on ne sait quelle intuition de soi-même et des autres, les âmes et les agitations d’âmes doutées dehors sont les signes ; embrassant dans son large esprit tout l’individuel des personnes, et ce qu’elles ont d’universel, les lois déliées, les indices délicats de leur permanence, de leur variabilité, de leur mobilité ; il conçut encore, le premier à ce degré, toute retendue presque du monde et de notre espèce, contempla cet immense spectacle de ses yeux novateurs et, le reproduisant entier, sut tacitement s’y enclore avec tous en des livres auxquels personne ne peut se prétendre étranger ; et comme l’essentiel de l’artiste est de connaître les choses et les gens, non pas objectivement et intellectuellement, mais sous leur aspect sensible, en la boulé de ses personnages, en leur âme aimante, en leur noblesse morale, en leur méditation douloureuse de la mort, et leur résignation à d’humbles solutions, ce sont ses vertus, ses angoisses et sa simplicité d’esprit qui transparaissent, comme s’accuse en leur impuissance spéculative la sienne propre, comme se marque sa répulsion pour le mal dans le rôle effacé qu’il lui assigne, et son détachement final de tout l’ensemble de la vie et du monde, dans le ton lointain et las dont il en parle.
Pierre Vernou, savoureuses et chaudes d’une langue forte et simple, digne de Maupassant, les délicates, nerveuses, spirituelles, franches et colorées compositions de Léon Lafage qui est peut-être notre meilleur « nouvelliste ». […] C’est après les reconstitutions de Jean Moréas (les Contes de la Vieille France), la Messaline, de Jarry, d’une si subtile orfèvrerie de mots et de syntaxe précieuse ; la Nichina d’Hugues Rebell, plaidoyer contre la morale moderne, à la façon de Louÿs, mais avec en plus la truculence exaspérée du verbe et une brutalité énorme, les sobres et délicats romans de Pierre de Querlon : La Maison de la Petite Livia. — Les Amours de Leucippe et Clitophon 41; les contes de M. […] » Mme Claude Lemaître (Le Cant, L’Aubaine, Cadet Oui-Oui) garde, en ce temps de confessions réalistes, une sentimentalité nuancée, délicate, un art très sincère d’analyse et de composition. […] Nane est une délicate et futile compagne. […] Une telle passion est d’un maniement fort délicat, or ce sont des âmes faibles que nous présente l’auteur.
Mais cette culture bornée, en le laissant moins fort, l’a rendu plus délicat. […] Bientôt cette curiosité raffinée et délicate le conduisit aux médailles. « Il y a une parenté, dit-il, entre elles et la poésie », car elles servent à commenter les anciens auteurs ; telle effigie des Grâces rend visible un vers d’Horace. […] Ainsi s’est formé l’écrivain achevé, au contact de l’urbanité antique et moderne, étrangère et nationale, par le spectacle des beaux-arts, la pratique du monde et l’étude du style, par le choix continu et délicat de tout ce qu’il y a d’agréable dans les choses et dans les hommes, dans la vie et dans l’art. […] Notre littérature leur semble effacée ; en revanche, nous les trouvons souvent peu délicats. […] Ce sont les nuances anglaises qui distinguent leur âge classique du nôtre, une raison plus étroite et plus pratique, une urbanité plus poétique et moins éloquente, un fonds d’esprit plus inventif et plus riche, moins sociable et moins délicat.
Andromaque, sublime, sans être au-dessus de l’humain, héroïne sans cesser d’être femme, était la véritable nouveauté de cette tragédie ; type charmant, sorti du cœur le plus tendre et de l’esprit le plus délicat de son temps. […] S’il se trouvait dans la salle une mère plus tendre, une épouse plus fidèle, une femme d’un esprit plus délicat qu’Andromaque, c’est Racine qui aurait tort. […] Esprit plus vigoureux que délicat, plus subtil que pénétrant, plus porté à la force qu’à l’analyse, il n’avait pas la curiosité tendre et patiente qui nous fait lire au fond de ce mystère de mobilité et de persévérance, de dissimulation et d’abandon, d’amour et de haine, d’ambition et de dévouement que recèle le cœur d’une femme. […] Génie plus étendu, plus profond, plus délicat, il aimait à chercher au loin dans la vie passée, ou au plus enveloppé du cœur de ses personnages, les causes et les progrès de la passion qui devait les précipiter. […] Les nuances les plus délicates font de ces quatre jeunes filles quatre personnages très divers28 ; sœurs par la timidité, par ces sentiments contenus, voilés, dont Racine a eu seul le secret et le langage.