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255. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Patru est un nom plus qu’un auteur ; on ne le lit plus, et je ne viens pas ici conseiller de le lire ; mais de loin, et par tradition, on l’estime ; on se rappelle qu’au barreau et à l’Académie, en son temps, il a été une autorité, un oracle ; que Boileau, qui voyait si peu de maîtres en matière de langue et de goût, s’inclinait tout d’abord devant lui, qu’il a placé son nom en plus d’un vers devenu proverbe, et que, par un acte noble et délicat de reconnaissance, il l’a secouru pauvre dans sa vieillesse. […] La première phrase de ce discours est difficile et délicate à traduire ; Cicéron y dit : « S’il y a en moi quelque talent (et je sens combien ce talent est peu de chose, quod sentio quam sit exiguum), si j’ai quelque habitude de la parole… c’est à Archias que je le dois. » On assure que Patru mit quatre ans avant de se fixer sur la traduction qu’il donnait de cette première phrase ; il y revint encore dans la seconde édition, qui ne parut que trente-deux ans après la première ; et, dans les deux cas, il manqua le point essentiel, le Sentio quam sit exiguum, ce correctif que Cicéron apporte aussitôt à son propre éloge. […] Dans une circonstance délicate, Retz eut recours à sa plume pour répondre à un pamphlet que le poète Sarasin avait lancé au nom du prince de Condé contre lui (1654).

256. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rocher, Edmond (1873-1948) »

Edmond Rocher, il est en Les Édens (et lire la jolie inspiration Les Saules) de délicieuses motilités, des évolutions choisies et délicates.

257. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Toisoul, Arthur »

Georges Rency Arthur Toisoul qui, avant Opéra, cette douce merveille, avait publié déjà Mai, livre de pure grâce et de délicate beauté, dont on a trop peu, oh !

258. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Valette, Charles (1813-1888) »

J’y retrouve bien l’ami que j’ai perdu, le jeune poète aimable, fin, délicat, mais mutin, vif et fougueux à ses heures, l’écrivain chevaleresque et galant sans mignardise, joyeux sans forfanterie, mélancolique sans affectation, mais quelle que soit son humeur, toujours honnête et ne cessant de protester contre l’égoïsme, la sottise et toutes les mauvaises passions du siècle.

259. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Aucun faux scrupule, aucune tradition superstitieuse ne gêne sa raison sagace dans ce délicat examen. […] Elle a dit quelque part de la raison chez Boileau : « C’était en lui un organe délicat, prompt, irritable, blessé d’un mauvais sens comme une oreille sensible l’est d’un mauvais son, et se soulevant comme une partie offensée sitôt que quelque chose venait à la choquer. » Il y a un peu de cette vivacité, de cette vigilance de raison, en Mlle de Meulan, durant la période si active où nous l’allons suivre. […] Avec tant de qualités délicates et ingénieuses, qui faisaient d’elle une dernière héritière de Mme de Lambert, elle avait des qualités fortes ; la polémique ne l’effrayait pas ; les coups qu’elle y portait, dans sa politesse railleuse, étaient plus rudes que ceux que le poëte attribue à Herminie. — Que de fois elle s’est plu à rabattre, avec gaieté et malice, la cuistrerie de Geoffroy et consorts, même sur le latin qu’elle savait un peu98 ! […] Au tome second, les lettres xlix, l et suivantes traitent à fond, dans une admirable mesure, toute la question si délicate, si embarrassante, de l’éducation religieuse à donner aux enfants. […] Son bonheur fut grand : sa sensibilité, qui s’accroissait avec les années, délicat privilége des mœurs sévères !

260. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

MADAME DE LONGUEVILLE Les noms de Mme de La Fayette et de M. de La Rochefoucauld, auxquels on s’est précédemment arrêté, semblent en appeler un autre, lié naturellement au leur par toutes sortes de relations attrayantes, de convenances et de réverbérations plus ou moins mystérieuses : Mme de Longueville, dans sa délicate puissance, est encore à peindre. […] Je trouve une lettre de Mlle de Vertus à Mme de Sablé, ainsi conçue (car, selon moi, tous les détails ont du prix touchant des personnes si élevées, si délicates, et finalement si respectables) : « Enfin, je reçus hier au soir un billet de la dame (Mme de Longueville). […] Encore une fois, je ne demande point pardon pour le négligé du récit ; tout indigne qu’on est, quand on s’est plongé à fond dans ces choses, on se sent tenté plutôt de dire comme Bossuet parlant du songe de la princesse Palatine : Je me plais à répéter toutes ces paroles, malgré les oreilles délicates ; elles effacent les discours les plus magnifiques, et je voudrois ne parler plus que ce langage. […] Qui oserait, après avoir assisté avec nous de près à sa pénitence, l’appeler autrement qu’une pauvre âme délicate et angoissée ? Nicole, cet esprit si délicat aussi, et qui la fréquenta si longtemps, l’a très-bien jugée.

261. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

D’ailleurs on a tant parlé de ces singuliers incidents, on a tant discuté le pour et le contre, que notre silence sur un point si délicat serait plus grave encore qu’une condamnation expresse. […] N’oublions pas cependant que sur un point si délicat des opinions bien diverses se sont produites, et peut-être suffira-t-il de mettre ces opinions en présence pour concilier les devoirs de l’historien avec les justes égards dus à une femme célèbre, dont les dernières années ont laissé un souvenir honorable. […] Une âme honnête et droite pouvait animer les traits vulgaires de son visage ; il n’y fallait chercher aucune grâce, aucune finesse, nulle expression délicate et poétique. […] En général, toutes les personnes qui ont la poitrine délicate se plaignent beaucoup de ce pays, et c’est ce qui me forcera moi-même à l’abandonner. […] Ses liaisons avec Mme de Staël et sa société lui rendaient, sous l’Empire, son rôle très complexe et très délicat.

262. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Qu’y a-t-il de plus propre à remuer l’âme d’un poète, à exciter son imagination, à le tirer hors des réalités plates et vulgaires, que la contemplation raisonnée du cosmos à travers les écrits ou les entretiens des savants, l’idée toujours grandissante de l’univers qui va de plus en plus s’étendant, à mesure que les instruments d’observation deviennent plus forts ou plus délicats et que l’expérience, aidée du calcul, recule dans tous les sens les bornes de l’espace ou de la vie ? […] Chaque loi nouvelle devient ainsi un élément plus précis et plus délicat de l’ordre. […] De plus en plus les esprits s’habituent au langage de la science ; les méthodes se sont popularisées, sinon dans leurs procédés les plus subtils et les plus délicats, au moins dans quelques-unes de leurs opérations les plus simples et dans leurs instruments les plus élémentaires ; leurs principaux résultats sont admis par tous et compris dans leur généralité. […] Je voudrais montrer que la justice ne peut sortir ni de la science seule, qui suspecte les intuitions du cœur, ni de l’ignorance généreuse qui s’y fie exclusivement ; mais que l’application de la justice requiert la plus délicate sympathie pour l’homme, éclairée par la plus profonde connaissance de sa nature ; qu’elle est par conséquent le terme idéal de la science étroitement unie à l’amour. » C’est donc bien d’un poème scientifique et philosophique qu’il s’agit. […] Le public même incompétent se laisse volontiers émouvoir, persuader par l’opinion de l’élite ; il s’associe à l’enthousiasme des connaisseurs ; il ne comprend pas toujours, mais avec un instinct qui ne se trompe guère et qui ne demande qu’à être averti, il conçoit, il sent qu’il y a ici ou là une œuvre irrésistible, entraînante ; de confiance il applaudit, et il devient l’ouvrier d’un succès, même quand il n’en connaît pas bien les hautes et délicates raisons.

263. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Jean Viollis débuta par la Guirlande des Jours, poèmes qui présagent le délicat et délicieux conteur que M.  […] Aimons-en donc le vol double et les délicates diaprures, d’autant mieux que ces gracieuses strophes, nées de circonstances sympathiques, ont des qualités intrinsèques de simplicité et d’harmonie. […] Son art est achevé, délicat original : Nous avons les chansons de M.  […] Fernand Hauser (La Maison des Souvenirs, Le Château des Rêves) fut un poète délicat et quelque peu précieux, avant de devenir l’infatigable journaliste que l’on connaît. […] André Dumas (Paysages) possède un talent très délicat et très sûr, sobre, en demi-teintes, une âme d’automne finement mélancolique.

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