Le grand Corneille sembloit avoir fixé sur lui tous les suffrages, & épuisé l’admiration par la force, la hauteur & la fécondité de son génie, qui, comme un souffle impétueux, avoit tout fait plier devant lui ; Racine ne craignit pas de paroître sur la Scène, &, prenant une autre route, il se montra bientôt digne de le remplacer : la tendresse, l’harmonie, une connoissance profonde du cœur humain, furent les nouveaux ressorts de sa Muse tragique, & le conduisirent rapidement aux mêmes succès. […] Ajoutons que le génie, dans la force même de l’âge, n’est pas de toutes les heures, & que sur-tout il craint les approches de la vieillesse. […] La raison, l’éloquence, la vigueur, le sel qui y regnent, firent craindre à ces Solitaires, qui se mêloient de tout, un Adversaire plus redoutable pour eux, que Pascal ne l’avoit été aux Jésuites.
Nous aurions tout à craindre s’il lui arrivait quelque mal. […] Les malheureux étrangers craignaient la fureur de Brunhilt. […] Ils craignaient que leur seigneur n’eût trouvé la mort au loin. […] « Je crains fortement des machinations ennemies. […] Et certes, vous n’auriez guère à craindre en restant dans ce pays.
Le malade craint-il ou souhaite-t-il qu’on dise qu’il s’est mis au lit ? […] Pourquoi craignons-nous de mourir ? […] Pour qu’on te craigne ! […] Mille hommes qui ne craignent pas pour leur vie, sont plus redoutables que dix mille qui craignent pour leur fortune. […] Ces gens-là osent tout, parce qu’ils n’ont rien à perdre ni à craindre.
Enfin j’ai prévu que ce Théâtre-Français jadis si noble, si élégant, si épuré, deviendrait plus tard un mauvais lieu où tout honnête homme craindrait de conduire, certains jours, ou sa femme ou sa fille. […] Et d’ailleurs, comme aujourd’hui le moi se montre hardiment partout, comme on le rencontre à la fois à la tribune, dans les journaux et même dans tous vos écrits, je ne craindrai pas de m’en servir. […] Aussi ne craignent-elles pas de suivre certaines représentations d’où, après avoir été obligées de rougir du regard malin de certains hommes, elles remportent au moins dans leur intérieur des souvenirs qui ne laissent pas d’avoir quelques charmes. […] Seulement, par égard pour soi-même, il faut en changer le moins souvent que l’on peut ; car enfin je crains qu’en vous rendant aujourd’hui le coryphée d’une ardente opposition, vous ne fassiez dire de vous ce qu’un homme d’esprit disait de La Harpe lors de sa conversion. […] Tous les autres spectateurs, en payant leurs places qui comprendraient les deux autres tiers de la salle, ne craindraient plus alors de manifester leur opinion, certains qu’ils seraient que ce premier public ne leur serait point imposé selon saint Alexandre ou saint Victor.
Aussi les craint-il presque autant que nous ! […] Ne craignez pas de me faire partager votre ennui ; je ne partagerai que vos sentiments, et j’en aurai toujours un infiniment tendre pour vous. […] écrit-elle ; le roi ne frappe pas à deux fois… La terreur a gagné nos amis au point qu’il y en a qui craignent que l’intérêt public même n’aigrisse contre nous. […] Si une petite fille, éloignée de ses parents, leur écrivait : “J’ai l’espérance de vous aller voir ; cette espérance fait mon bonheur, parce que je vous aime autant qu’on peut aimer, mais je crains de ne pas vous paraître aimable”, on lui dirait : “Pourquoi doutez-vous qu’on vous aime, puisque vous ne voulez pas qu’on doute que vous aimez ? […] Ignorez-vous qu’on déplaît en effet, lorsqu’on craint toujours de déplaire ?”
Je n’ai questionné personne, ne craignez rien ! […] Marie hésite ; elle semble craindre du côté du respect. […] » Marie écrit beaucoup ; elle aime à écrire : « c’est la seule chose d’elle qu’elle donne sans craindre trop. » Elle croit aimer : « Vous dites que vous m’aimez, Marie. […] Car un des secrets de l’amour, il le lui dira au dernier moment, « c’est qu’il faut toujours qu’un homme domine une femme, — par la force, par l’intelligence, par l’orgueil, par la fierté, par tout ce qui est mâle en lui ; — et c’est pour cela, ajoute-t-il, qu’on n’aime jamais bien une femme qu’on ne comprend pas, qu’on craint de blesser en frappant autour d’elle des choses qu’on ne saisit pas bien… Que voulez-vous qu’un homme fasse de l’orgueil d’une femme ? […] » Malheureuse Marie, belle, spirituelle, aimée, qui a eu trop d’esprit seulement, qui a trop craint la vulgarité, qui n’a pas compris que l’imagination ne consiste pas à rêver l’impossible, et que son plus sublime effort est de trouver « la poésie de la réalité » ; âme malade des préjugés de l’éducation et du faux idéal qui flottait dans l’air à cette époque ; une de ces femmes qui, avec toutes leurs délicatesses, ont des sécheresses soudaines qui froissent les cœurs délicats, et à laquelle enfin, pour tout reproche, Michel, en se séparant, a pu dire : « Marie, vous manquez de simplicité !
On pouvait craindre qu’en se renfermant dans ce sujet qui se rattachait à des vogues fugitives et déjà si anciennes, si parfaitement évanouies, il ne rencontrât point des sources d’intérêt bien vives et bien actuelles. […] Ponsard a traité ce sujet avec sa franchise de bon sens, en homme qui a déjà sa propre expérience acquise, et qui ne craint pas d’exprimer avec mesure ses jugements à lui sur les plus grands noms.
La raison veut, au contraire, qu’ils s’entretiennent de ce qui vient de se passer, de ce qu’ils ont à craindre ou à espérer, lorsque les principaux personnages, en cessant d’agir, leur en donnent le temps ; et c’est aussi ce qui faisait la matière des chants du chœur. […] Comment Phèdre, dans Euripide, peut-elle avouer à une troupe de femmes un amour incestueux qu’elle doit craindre de s’avouer à elle-même ?
aucune action sur soi-même n’est possible en matière de foi, la pensée est indivisible, l’on ne peut en détacher une partie pour travailler sur l’autre, on espère ou l’on craint, on doute ou l’on croit, selon la nature de l’esprit et des combinaisons qu’il fait naître. […] Quand le vrai chrétien s’est acquitté de ses devoirs, son bonheur ne le regarde plus ; il ne s’informe pas quel sort lui est échu, il ne sait pas ce qu’il faut désirer ou craindre, il n’est certain que de ses devoirs ; les meilleures qualités de l’âme, la générosité, la sensibilité, loin de faire cesser tous les combats intérieurs, peuvent, dans la lutte des passions, opposer l’une à l’autre, des affections d’une égale force ; mais la religion donne pour guide un code, où, dans toutes les circonstances, ce qu’on doit faire est résolu par une loi. […] Dans la classe de la société qui est livrée aux travaux matériels, l’imagination est encore la faculté dont il faut le plus craindre les effets.