Les visites de nuit que tu faisais dans ma chambre pour savoir si j’étais sain et sauf et chaudement couché ; tes largesses du matin avant le départ pour l’école, le biscuit ou la prune confite ; l’eau odorante que ta main prodiguait à mes joues jusqu’à ce qu’elles fussent brillantes de fraîcheur et luisantes, tout cela, et ce qui fait plus chérir que tout encore, ce courant continu d’amour que rien en toi n’interrompait, que ne troublèrent jamais ces débordements et ces sécheresses que crée une humeur inégale ; tous ces souvenirs, toujours lisibles dans les pages de ma mémoire et qui le seront jusqu’à mon dernier âge, ajoutent le plaisir au devoir, me font une joie de te rendre de tels honneurs que le peuvent mes vers ; un bien fragile témoignage peut-être, mais sincère, et qui ne sera point méprisé au ciel, quand il passerait inaperçu ici-bas… Si le Temps pouvait, retournant son vol, ramener les heures où jouant avec les fleurs brodées sur ta robe, — violette, œillet et jasmin, — je les dessinais sur le papier avec des piqûres d’épingle (et toi, pendant ce temps-là, tu étais encore plus heureuse que moi, tu me parlais d’une voix douce et tu me passais la main dans les cheveux, et tu me souriais) ; si ces jours rares et fortunés pouvaient renaître, s’il suffisait d’un souhait pour les ramener, en souhaiterais-je le retour ? […] » Le ciseau et la scie étaient ses principaux outils, et il fabriquait « des tables comme on en peut voir, et des escabeaux comme il n’y en eut jamais. » Plaisantant plus tard sur les occupations de divers genres qu’il s’était créées à cette époque où il lui fallait échapper à tout prix aux inconvénients et aux dangers du rien faire, il disait encore : J’ai, dans cette vue unique, entrepris bien des métiers auxquels la nature ne m’avait pas destiné, quoique dans le nombre il y en ait où j’ai fait de remarquables progrès par la seule force d’une héroïque persévérance.
La Bruyère, avec un style tout personnel, a imité un genre déjà créé. » Je sais que, de nos jours, des bibliophiles enthousiastes, qui avaient sans doute, ce jour-là, sous les yeux un bel exemplaire des portraits dédiés à Mademoiselle, se sont écriés que ce recueil était l’origine du genre des portraits, et que, sans ce précédent, La Bruyère peut-être n’aurait pas fait les siens. […] Lorsque plus tard on créa l’Institut, et, au sein de l’Institut, une classe qui correspondait assez bien à l’Académie française, il n’y eut cependant aucune liaison directe de l’une à l’autre ; ceux des anciens académiciens qui furent nommés de l’Institut, le furent à titre nouveau, et non par une sorte de reprise de possession.
Mais pourtant ici l’initiative humaine est en première ligne et moins sujette aux causes générales ; l’énergie individuelle modifie, et, pour ainsi dire, s’assimile les choses ; et d’ailleurs, ne suffit-il pas à l’artiste, pour accomplir sa destinée, de se créer un asile obscur dans ce grand mouvement d’alentour, de trouver quelque part un coin oublié, où il puisse en paix tisser sa toile ou faire son miel ? […] Toutefois, en attendant que cette grande et longue décadence du moyen-âge fût menée à terme, ce qui n’arriva qu’à la fin du xviiie siècle, en attendant que l’ère véritablement moderne commençât pour la société et pour l’art en particulier, la France, à peine reposée des agitations de la Ligue et de la Fronde, se créait lentement une littérature, une poésie, tardive sans doute et quelque peu artificielle, mais d’un mélange habilement fondu, originale dans son imitation, et belle encore au déclin de la société dont elle décorait la ruine.
Enfin, et surtout, la religion — toutes les religions — apparaissait manifestement dans son système comme un rouage politique, créé ou manié comme tous les autres par le législateur. […] Et notre réalisme ne peut s’empêcher d’en vouloir à Montesquieu d’avoir créé l’illusion de tous ces faiseurs de constitutions, qui croient changer le monde par des articles de loi.
Il étendit la gratuité, amena même plus de six mille communes à voter la gratuité absolue, créa dix mille écoles nouvelles ; fonda les cours d’adultes, les bibliothèques scolaires, la caisse des écoles ; réforma les études dans les écoles normales d’instituteurs ; essaya d’accommoder l’enseignement aux milieux et aux régions ; introduisit des notions industrielles dans les écoles de villes, agricoles dans les écoles de campagne ; mit un peu de maternité dans les salles d’asile ; améliora notablement les traitements des instituteurs et des institutrices… Je m’arrête avant la fin de l’énumération et vous prie de considérer, Messieurs, que ce n’est point ma faute si l’abondance des œuvres de M. […] Duruy écrivait : « L’enseignement qu’il faut créer pour eux ne devra pas être purement technique ni étroitement préparatoire au métier, mais il dirigera vers le métier.
A défaut de traité formel et signé, une sympathie instinctive vient-elle à créer une liaison entre la France et un peuple luttant pour son indépendance, cela se traduit vite dans une foule d’écrits. […] Il faut discerner la façon dont chaque auteur a su profiter des modèles qu’il a choisis ou rencontrés ; il y a cent degrés dans cet art ; on ne saurait confondre le copiste qui abdique son indépendance, et se fait le docile esclave d’un devancier avec l’adaptateur habile qui crée en imitant, qui prend un grain de semence chez autrui, le fait lever, fleurir, fructifier en pousses vigoureuses et nouvelles ; ni surtout avec l’inventeur qui ne puise guère qu’une noble émulation et un encouragement dans la contemplation des chefs-d’œuvre offerts à ses regards.
Entre l’amour et le mariage, il s’est créé une spécialité. […] L’invraisemblance excessive des situations où l’auteur le place, son intrusion fantastique dans la vie intime de tous et de toutes, ce droit de visite, aussi outrageant que le droit de jambage des temps féodaux, qu’il s’arroge sur le cœur des autres, font de lui un être de raison, sans réalité, sans modèle, créé ou plutôt forgé pour les besoins de la pièce.
La demoiselle Le Couvreur était de ces personnes extraordinaires qui se créent elles-mêmes. […] Lorsque celle-ci parut, elle n’eut d’autre modèle que son goût, et elle créa.
Cette Notice, lue dans la dernière séance publique de l’Académie des inscriptions, a ramené l’attention sur un homme respectable et excellent, original de mœurs et de caractère, bon de nature, fin pourtant, rude et brusque d’accent et de ton, qui a eu, au début de l’Empire, le plus grand succès tragique d’alors (Les Templiers), qui, depuis, a créé toute une érudition (l’étude du provençal classique et de ce qui en dépend), l’a établie et organisée d’une manière féconde, et s’est véritablement illustré par ce vaste et sagace labeur. […] Il n’inventa rien, mais il rompit cette ennuyeuse lignée des tragédies antiques et mythologiques, et il eut l’air, comme de Belloy, d’ouvrir une veine et de créer un genre, le genre historique national.