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650. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Par là il redouble la vie dans ceux qui le lisent, et il la créerait en eux si elle n’y existait pas !

651. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

Il se créera des frères, et se réfugiera dans une petite âme collective plus forte que son âme individuelle.‌

652. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Nous ferons voir d’une manière claire et distincte comment les fondateurs de la civilisation païenne, guidés par leur théologie naturelle, ou métaphysique, imaginèrent les dieux ; comment par leur logique ils trouvèrent les langues, par leur morale produisirent les héros, par leur économie fondèrent les familles, par leur politique les cités ; comment par leur physique, ils donnèrent à chaque chose une origine divine, se créèrent eux-mêmes en quelque sorte par leur physiologie, se firent un univers tout de dieux par leur cosmographie, portèrent dans leur astronomie les planètes et les constellations de la terre au ciel, donnèrent commencement à la série des temps dans leur chronologie, enfin dans leur géographie placèrent tout le monde dans leur pays (les Grecs dans la Grèce, et de même des autres peuples).

653. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Vous voyez bien que c’est un rêve plus aisé à déclamer qu’à reconstruire ; vous voyez bien que, pour reconstruire ce rêve de l’empire maritime, territorial et aristocratique de Venise, Il faudrait d’abord que l’Angleterre ne fût pas née, et n’eût pas succédé à Venise dans la monarchie navale et commerciale du monde ; Il faudrait que la route des Indes par le cap de Bonne-Espérance n’eût pas été découverte ; Il faudrait que l’Amérique elle-même ne fût pas sortie des flots à la voix de Colomb, et que ce continent n’eût pas créé un échange nouveau et immense entre les deux mondes, un déplacement de la Méditerranée à l’Océan ; Il faudrait que l’Angleterre ne possédât ni Corfou, ni Malte, ni Gibraltar ; que la France ne possédât ni Toulon ni Marseille ; que Constantinople ne possédât ni les Dardanelles ni le Bosphore ; il faudrait enfin que l’Allemagne, devenue puissance navale et commerciale à son tour, n’eût pas créé Trieste, ou qu’elle y renonçât pour complaire à l’ombre de Venise ; il faudrait que l’Allemagne ne possédât pas dans Trieste le débouché nécessaire à l’écoulement des produits de soixante millions d’hommes germains, en rapports de plus en plus étroits avec tout l’Orient ; Il faudrait que l’Allemagne consentît à se laisser murer dans ses terres au fond du golfe Adriatique, par une nouvelle Venise qui lui en fermerait les flots. […] Comment créerait-elle de ses propres mains une cinquième grande puissance militaire qui, en cas de coalition, la forcerait de faire face aux quatre vents au lieu de trois ?

654. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Il crée dans l’idéal et l’impossible. […] Taine est un entomologiste ; la nature l’avait créé pour classer et décrire des collections épinglées. […] … Tandis qu’en marchant il crée pour ainsi dire de nouveaux peuples, on doit être bien frappé d’un bout de l’Europe à l’autre de l’état remarquable de la France.

655. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Flaubert a peut-être créé, et en cela réside toute son originalité, ce style brutal, sans nuances, où tout est au même plan, où il se soucie bien plus de dire les choses d’une façon neuve que de les exprimer d’une façon juste. […] Mais cet écrivain qui passe six ans avec des êtres qu’il méprise, six ans à créer de vilaines gens comme son Homais, dans quelle classe de maniaque pourrait-on le ranger ! […] Quand créera-t-on pour les philosophes une langue inaccessible aux traducteurs de commerce et aux lecteurs d’occasion !

656. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

La longévité des nations qui traversent le temps et qui ont toutes cherché à défendre le mariage et la légitimité paternelle comme la source même de leur double vie, l’Antiquité, par l’eunuchat, cette invention du désespoir, dégradante et terrible, et le Christianisme, qui a transfiguré toutes les institutions antiques par un autre eunuchat volontaire qui retranche, avec la volonté, la convoitise du cœur de l’homme et crée une atmosphère de pudeur inconnue avant Jésus-Christ, cette longévité relative des nations ne lui a rien appris pour, dans cette occasion, s’en souvenir ! […] Il a créé M.  […] Sainte-Beuve a créée de son plein, puissant et capricieux gré, à M. 

657. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

L’effet représentatif, on le conçoit, n’est pas créé de toutes pièces par la mise en scène. […] C’est donc une impression générale que doit s’attacher à produire le décorateur ; et cette loi n’est pas sans créer des obligations semblables au metteur en scène. […] En voulant pousser trop loin l’unité de costume, on crée, comme à plaisir, des contradictions entre l’aspect extérieur des personnages et les sentiments qui les font agir. […] Supposons qu’une actrice, ayant créé il y a vingt ans le rôle d’une convulsionnaire, dût de nouveau en créer un semblable aujourd’hui, devrait-elle se contenter de reproduire identiquement le jeu de scène qui lui a valu jadis un succès ? […] Seule la poésie pouvait créer de toutes pièces ces êtres dont la nature avait éparpillé tous les traits sur des milliers d’exemplaires humains.

658. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Il n’a jamais su s’en créer, voir clair, prendre une voie inconnue. […] Ils créent des mouvements d’idées, font des conférences, fondent des journaux et des groupes d’études sociales. […] Il n’a jamais créé de ces statues vivantes qui bravent les temps futurs et subjuguent les races. […] Voilà pourquoi, s’il y a des mères qui songent peut-être à concevoir un dieu, nous voyons aussi des poètes qui s’efforcent de créer des ouvrages mémorables, qui seront les Bibles de demain. […] Et ni M. de Goncourt, maître ès arts et fin collectionneur, qui n’avait d’yeux que pour les statuettes de ses vitrines, les reliures de ses bouquins et les poteries de son Grenier, ni Frédéric Nietzsche, le tragique philosophe, possédé de la furie logique, qui a créé, dans la personne de Zarathoustra, le Prométhée des âges futurs, ni même M. 

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