Romantique dans Salammbô, dans La Tentation, il a créé avec Madame Bovary (1857) le chef-d’œuvre du roman réaliste, qui lui valut les critiques qu’on sait et la cour d’assises ; ce procès ne fut pas rien qu’une erreur ; il fut un malheur pour Flaubert et pour la littérature ; il ne serait pas bien difficile de montrer, par la correspondance et par d’autres documents, que la sévérité des considérants, la lâcheté des critiques et des éditeurs, ont fait dévier Flaubert de sa ligne droite ; la haine du bourgeois nous a privés d’autres chefs-d’œuvre ; et c’est ici, sous une forme nouvelle, un exemple à ajouter à ceux de Molière et de Racine : de l’inintelligence du public à l’égard d’une grande individualité, et de l’influence de ce public sur l’artiste ; l’exemple est différent en ce sens que Flaubert était du moins dans le « genre » de son époque ; il fut ainsi un précurseur, malheureux personnellement, mais suivi bientôt d’une école illustre : Zola, les Goncourt, Daudet, Maupassant.
Son abjuration, certaines missions secrètes restées mal connues, lui valurent de la cour de Turin une pension de quinze cents livres. […] Il abandonna la perruque, l’épée, les bas blancs et se fit voir dans les lieux les plus fréquentés, à la Cour même, vêtu d’une façon vile. […] 134 » mais qui a fait une autre fin : Un jour mourant de faim sur le pavé, J’ai ramassé du pain, frère, où j’en ai trouvé, Dans la fainéantise et dans l’ignominie135, Ruy Blas, valet volontaire d’un grand seigneur sans scrupules, se montre, quand l’occasion s’en présente ; le seul serviteur honnête de l’Etat et le seul galant homme de toute la cour d’Espagne. […] On m’objectera que le poète a soin d’enlever sa livrée à Ruy Blas et qu’en faisant de lui, dans l’idée de la reine et de toute la cour, un gentilhomme capable de devenir premier ministre, il supprime l’impossibilité de la donnée. […] Pour produire l’enchevêtrement grâce auquel Marie, croyant envoyer à l’échafaud l’ouvrier Gilbert, fait tomber la tête de son amant Fabiani, l’auteur a dû faire d’elle une hystérique couronnée, oublieuse de son rang, se livrant, avec la dernière indécence, devant toute la cour, devant l’ambassadeur même du prince qu’elle a publiquement accepté pour fiancé, à des convulsions de jalousie.
Cette éducation, ce n’est pas chez le maître de conférences seul qu’on la recevait : on se la donnait à soi-même dans des conversations aiguës, paradoxales, dissolvantes, dans ces discussions sans mesure et sans fin de la cour de récréation, de la salle d’études. […] Datée encore de juillet et composée en arpentant « le préau des prévenus », la pièce, qui, dans Jadis et Naguère, et déjà dans le manuscrit, porte le titre Autre, et qui était précédée, tout d’abord, de cette épigraphe ironique : « Panem et circenses », nous paraît, sous ses traits de railleuse compassion, plus pénétrante, plus humaine : La cour se fleurit de souci Comme le front De tout ceux-ci Qui vont en rond, En flageolant sur leur fémur Débilité, Le long du mur Fou de clarté.
On a souvent fait ressortir cette misère de la condition de l’acteur habitué à borner son horizon entre le côté cour et le côté jardin : il projette sur toutes choses l’éclairage factice de la scène ; redescendu dans la vie réelle, il y marche encore comme il faisait sur ses planches ; aux heures de passion, il continue de jouer sa grande scène du quatrième acte ; aux heures d’abandon, il continue de lancer des mots, ainsi qu’il convient quand on veut leur faire passer la rampe. […] Anatole, le rapin, victime des heureuses dispositions qui lui faisaient, tout enfant, crayonner des bonshommes aux marges de ses livres de classe, et qui plus tard en le dispensant des lents efforts, lui interdisaient le vrai talent ; Anatole, passé de l’arrière-boutique du petit commerçant à l’atelier du peintre, virtuose né de la blague ; Anatole, gamin, bon enfant et bon camarade, à l’esprit souple, aux membres agiles, à la gaieté toujours prête, boute-en-train de toutes les parties, organisateur de toutes les charges, farceur de toutes les farces ; Anatole, garçon de ressources, précieux dans un intérieur, habile aux menus détails du ménage, sans pareil pour soigner les animaux, amuser les enfants et donner à la femme la distraction d’une cour sans danger ; Anatole, l’être sans existence propre, n’ayant pas l’entière possession de son individualité, mais s’accommodant à tous les milieux, se mêlant à tout ce qu’il traverse, attachant sa vie à celle des autres par une sorte de parasitisme naturel ; Anatole, dans ce compagnonnage qui est pour lui l’habituelle condition de l’existence, partageant successivement le lit d’un écuyer de cirque, l’atelier d’un peintre en renom et le taudis d’un sergent de ville ; Anatole, ballotté entre les hauts et les bas de l’existence, aujourd’hui jouissant de toutes les élégances de la vie, la bouteille pleine de rhum et les paquets de tabac de dix sous, demain tombant aux besognes infimes, aux métiers innomés, comme de peindre des panneaux pour un pharmacien ou de colorier des préparations anatomiques ; pauvre diable, sans amertume et sans haine, s’éveillant un matin devant cette chose lugubre : la vieillesse d’un bohème… Anatole serait entre tous les personnages des Goncourt le plus vrai, le plus amusant et le plus touchant, si l’histoire de ses malheurs n’était dépassée en intérêt et en vérité parcelle de la vie, des souffrances et de l’agonie d’un autre personnage, son ami et un peu son parent : c’est le petit singe Vermillon. […] Dans Son Excellence Eugène Rougon il a besoin de nous montrer la cour impériale à Compiègne ; mais il n’a jamais été à Compiègne ; qu’à cela ne tienne, un livre intitulé Souvenirs d’un valet de chambre lui donnera à peu près tout.
Quand Mme de La Fayette voulut peindre le romanesque amour de sa Mme de Clèves, elle eut soin de placer son récit à la cour de Henri II, de ce roi sentimental que Brantôme nous montre, à quarante ans passés, « portant pour livrée », au tournoi où il devait trouver la mort, « blanc et noir, à cause de la belle vefve qu’il servait ». […] Son pas si leste se faisait plus rapide pour gagner la porte du quai des Orfèvres et traverser la triste cour, où stationne sans cesse quelque voiture cellulaire, prête à emporter vers Saint-Lazare les filles qui passent la visite dans le bâtiment à gauche de cette entrée. […] Ainsi quand, parlant aux recrues dans la cour du château de Potsdam, il leur disait : « Vous êtes mes soldats.
Je vois dans le naturalisme un synchronisme du suffrage universel, et le protagonisme anti-esthétique de la canaille : l’écrivain fait sa cour à la rue, comme jadis au roi. […] Tout comme Bonnetain ou Camille Lemonnier il fut poursuivi pour excès de réalisme : Chair molle, son premier roman, a passé par la Cour d’assises ; il serait curieux, si c’était ici le lieu, de rechercher comment cet esprit, qui s’annonçait comme un méticuleux positiviste, en est arrivé à vivre parmi les visions et à se nourrir des plus compliquées spéculations d’un spiritualisme mystique. […] Tenez, voyez Bourget, il écrit quelque part cette phrase : « C’étaient des femmes d’un esprit très retiré, car elles habitaient au fond de la cour ! […] je crois plutôt que ces braves héroïnes demeuraient au fond de la cour parce qu’elles n’avaient pas le moyen d’habiter sur le devant !
Cette édition de 1811 contenait, entr’autres additions, un exposé de la conduite de la cour de Rome depuis 1800, vrai factum d’un canoniste de l’Empire.
Dans les Souvenirs de la Cour d’Assises qui parurent peu après, M.
Je le vois à la cour, chez lui et quelquefois chez moi, car j’ai l’honneur de recevoir ses visites ; et quand cet écrit sera public, il est probable qu’il me dira, comme il l’a déjà fait dans une circonstance semblable, « qu’il vient d’être diablement éreinté », puis, avec la transition la plus aisée du monde, me parlera du temps ou de l’heure qu’il est.