Tous ces types, bien groupés, forment un tableau plein de vie, d’une couleur et d’un relief extraordinaires et qui est divertissant à souhait. […] Ceci dit pour poursuivre la nuance et pour être juste, puisque la vérité est dans les nuances, revenons et disons qu’en son ensemble et en sa couleur générale Molière est l’homme du bon sens moyen, l’homme de pensée impersonnelle, qui pense ce que tout le monde pense, ou qui se résigne à ne penser que cela et qui, si tant est qu’il s’y résigne, se trouve assez à l’aise dans cette résignation.
Dans ce dessein, il leur ôtait beaucoup de leur caractère, comme avait fait l’école classique, mais en sens inverse ; il les poussait au lyrisme, à la déclamation et au mélodrame, il les barbouillait de couleurs un peu criardes, ce qui, du reste, était nécessaire pour le succès ; tout cela non sans quelque apparence de talent, à la rencontre, et ne laissant pas d’attraper quelquefois ce que Saint-Evremont appelait « l’air des belles choses ». — Le plus distingué de ces écoliers romantiques était certainement M. […] Mélange du tragique et du comique, incidents multipliés, terreur et pitié excitées par des spectacles matériels, couleur locale un peu puérile, mais cherchée avec soin et affectée avec application, vérité et complication de la mise en scène, luxe de décors, « fascination de l’opéra », comme dira Hugo dans son manifeste, règles des unités parfaitement surpassées et bousculées. […] On conserve toujours le mélodrame proprement populaire, le mélodrame fait-divers, le mélodrame « Pie voleuse » ; mais on y mêle, on lui adjoint, de temps en temps, et de plus en plus souvent, le mélodrame à couleur ou à prétention historique. […] Il ne s’était pas contenté, vers 1816, de prendre une couleur de drame historique ; il avait subi un peu et accepté très volontiers l’influence de la littérature étrangère, tout au moins celle de Walter Scott et de Goethe.
Adieu, monsieur et très-aimable ; souvenez-vous de temps en temps de la synagogue de la rue Royale et du petit sanctuaire de la rue Neuve-des-Petits-Champs ; on y fait souvent commémoration de vous, le verre en main, et l’on vous y boit en bourgogne, en Champagne, en malaga, en toutes couleurs, en tout pays. […] Si vous avez été en souci sur la chaleur que vous avez pu remarquer dans quelques endroits de mes lettres, ne l’imputez qu’à l’impatience de vous voir pallier, excuser, défendre, affaiblir, contre le témoignage de votre conscience, une conduite qui n’était susceptible d’aucune couleur favorable. […] Les idées qu’on transplante de Paris à Pétersbourg prennent, c’est certain, une couleur différente.
Ce fut Bossuet qui lui parla le premier, « avec le respect d’un sujet, mais aussi avec la liberté d’un prédicateur. » A ce jeune prince si porté à la tendresse, si bien fait, si magnifique, « dont les belles qualités, dit Mme de Motteville, causaient toutes les inquiétudes des dames », il peignit la violence des désirs de la jeunesse, « ces cœurs enivrés du vin de leurs passions et de leurs délices criminelles, l’habitude qui succède à la première ardeur des passions, et qui est quelquefois plus tyrannique247. » Il lui découvrit les pièges de l’impudicité, « laquelle va tête levée, et semble digne des héros, si peu qu’elle s’étudie à se couvrir de belles couleurs de fidélité, de discrétion, de douceur, de persévérance 248. » Il lui représenta le « plaisir sublime que goûtent ceux qui sont nés pour commander, quand ils conservent à la raison cet air de commandement avec lequel elle est née ; cette majesté intérieure qui modère les passions ; qui tient les sens dans le devoir, qui calme par son aspect tous les mouvements séditieux, qui rend l’homme maître en lui-même249. » A ce roi si absolu, si maître de tout, si obéi, il montra le cœur d’un Nabuchodonosor ou d’un Balthasar, dans l’histoire sainte, d’un Néron, d’un Domitien dans les histoires profanes, « pour qu’il vît avec horreur et tremblement ce que fait dans les grandes places l’oubli de Dieu, et cette terrible pensée de n’avoir rien sur sa tête250. » Le premier, devant ce roi si plein de vie, et qui paraissait si loin de la mort, devant cette cour si attachée aux choses du monde, il ne craignit pas de soulever la pierre d’un tombeau, et d’y faire voir « cette chair qui va changer de nature, ce corps qui va prendre un autre nom, ce je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue, tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes251. » A ce roi entouré de tant de faveur, d’une si grande complaisance des jugements humains, il révéla les secrets de la justice « de ce Dieu qui tient un journal de notre vie, et qui nous en demandera compte dans ces grandes assises, dans cette solennelle convocation, dans cette assemblée générale du genre humain252. » Ce qui sied le mieux à l’âge où l’imagination et la passion dominent, ce sont de fortes peintures.
Ici encore, comparaison est raison, en vertu de l’harmonie du physique et du mental : nous pouvons donc comparer le tissu des idées à la toile que fabrique Io tisserand : une « chaîne » est tendue, à travers laquelle les navettes doivent faire passer les fils de diverses couleurs pour former la « trame » aux dessins changeants ; il suffit au tisserand de lever certaines portions de la chaîne, d’en tenir d’autres abaissées, pour lancer la navette à travers tels fils, non « à travers tels autres.
Scènes de notre enfance, après quinze ans rêvées, Au plus pur de mon cœur impressions gravées, Lieux, noms, demeure, et vous, aimables habitants, Je vous revois encore après un si long temps, Aussi présents à l’œil que le sont des rivages À l’onde dont le cours reflète les images, Aussi frais, aussi doux, que si jamais les pleurs N’en avaient de mes yeux altéré les couleurs ; Et vos riants tableaux sont à mon âme aimante Ce qu’au navigateur battu par la tourmente Sont les songes dorés qui lui montrent de loin Le rivage chéri de son bonheur témoin, L’ondoyante moisson que sa main a semée, Et du toit paternel le seuil, ou la fumée !
Le dessin est lâché, et la couleur de convention.
Mais laissons parler sur ce chapitre domestique un contemporain du poëte, dans un récit fort peu authentique sans doute, assez vraisemblable pourtant de fond ou même de couleur, et à quoi, comme familiarité de détail, rien ne peut suppléer : « Cependant ce ne fut pas sans se faire une grande violence que Molière résolut de vivre avec sa femme dans cette indifférence.
Nos grands-pères étaient attendris par l’Oreste d’Andromaque, joué avec une grande perruque poudrée, et en bas rouges avec des souliers à rosette de rubans couleur de feu.