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342. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Si tout, dans ce brillant assaut, n’était pas également solide, si les preuves qui s’adressaient surtout à des cœurs encore saignants et à des imaginations ébranlées par l’orage ne suffisent plus désormais, l’esprit de cette inspiration se continue encore ; c’est à l’œuvre et au nom de M. de Chateaubriand que se rattache le premier anneau de cette renaissance. […] Puis voilà qu’on en est à la fuite des ans ; la jeunesse alors (et c’est toujours avec les expressions dérobées au poëte, avec la plume échappée au cygne, que j’écris de lui), la jeunesse rentre au cœur, et quittant l’écorce, les dehors déjà moins fleuris, elle s’enferme en un sein orageux qu’elle continue de troubler. […] L’action était finie, et les Anglais continuaient de canonner. […] En 1821, M. de Chateaubriand, ambassadeur à Berlin, continue le récit de cette vie de jeunesse.

343. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

. — Ce qui fait la continuité d’une personne morale distincte, c’est la renaissance continue d’un même groupe d’images distinctes. […] Pareillement, dans la lutte pour vivre51 qui, à chaque moment, s’établit entre toutes nos images, celle qui, à son origine, a été douée d’une énergie plus grande, garde à chaque conflit, par la loi même de répétition qui la fonde, la capacité de refouler ses rivales ; c’est pourquoi elle ressuscite incessamment, puis fréquemment, jusqu’à ce que les lois de l’évanouissement progressif et l’attaque continue des impressions nouvelles lui ôtent sa prépondérance, et que les concurrentes, trouvant le champ libre, puissent se développer à leur tour. […] Toutes les fois que nous mangeons, ou que nous buvons, ou que nous marchons, ou que nous faisons usage d’un de nos sens, ou que nous commençons ou continuons une action quelconque, il en est de même. […] Des lacunes se font dans la trame des souvenirs et vont s’élargissant comme des trous dans un vieux manteau. — On voit sans peine combien ces destructions doivent être continues et vastes ; tous les jours, nous perdons quelques-uns de nos souvenirs, les trois quarts de ceux de la veille, puis d’autres parmi les survivants de la semaine précédente, puis d’autres parmi les survivants de l’autre mois, en sorte que bientôt un mois, une année ne se retrouvent plus représentés dans notre mémoire que par quelques images saillantes, semblables aux sommets épars qui apparaissent encore dans un continent submergé, destinées elles-mêmes, du moins pour le plus grand nombre, à disparaître, parce que l’effacement graduel est une inondation croissante qui envahit une à une les cimes préservées, sans rien épargner, sauf quelques rocs soulevés par une circonstance extraordinaire jusqu’à une hauteur que nul îlot n’atteint.

344. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Cependant on trouve encore la vieille notion d’une duplication de conscience, d’une conscience qui est un sentiment de sentiment ; et cela continuera tant que la notion d’esprit, comme entité, n’aura pas été bannie de la psychologie. […] Hume continue Berkeley. […] Le métaphysicien répond : oui, l’esprit continue et lie en une synthèse toutes ses manifestations. […] Le mécanisme nerveux, dont la conscience est une fonction, continue à exister dans l’intervalle entre deux actes de conscience.

345. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Quoi qu’il en soit, de tout temps, et même quand il n’en eut plus besoin pour le nécessaire, M. de Latouche continua trop de vivre dans l’instant présent, de guetter l’occasion qui passe, de la poursuivre, de la harceler sans cosse et de s’aigrir en la manquant. […] Il continua de rire et de se frotter les mains. […] Après avoir marqué les divers caractères des sites qu’elle parcourt, le romancier continue en exprimant une de ces pensées familières à tous, mais qu’on aime toujours à retrouver : Il est bien peu d’hommes qui puissent revoir sans émotion le lieu où ils ont commencé à vivre. […] Ô poète, que n’avez-vous continué plus longtemps dans cet ordre d’impressions naturelles !

346. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Si d’autre part on observe, qu’à quelque moment de l’histoire et par une suite de lentes transformations, il arrive toujours que la croyance ancienne s’efface et disparaisse, on constate que la collectivité nouvelle, qui a dépouillé cette croyance, continue pourtant à être régie par elle, parce que cette croyance s’est survécu à elle-même dans la coutume et dans la loi où elle s’est durcie. […] Mais ils se persuadaient qu’il continuait à vivre sous terre, qu’il demeurait uni au corps avec lequel il était né, et que l’homme après la mort continuait d’être animé des mêmes besoins qu’il avait ressentis durant la vie. […] Nous voyons ici combien le droit antique, pour s’être conformé à la religion, a méconnu la nature. »15 On a cru devoir citer textuellement ce passage parce qu’il montre d’une façon frappante les compromis singuliers auxquels se voit entraînée une collectivité sociale pour concilier sa croyance actuelle avec les prescriptions d’une croyance morte qui a continué d’exercer son autorité dans l’idée abstraite et dans la loi.

347. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Fabre de l’Oratoire se présenta, & il ne craignit point de continuer un historien, qu’il ne pouvoit certainement pas remplacer. […] & in-12. ; & il en préparoit un grand nombre d’autres, lorsqu’il reçut une défense de les continuer. Cette défense de les continuer. […] Les confreres de Dom Ceillier se proposoient de continuer ce travail ; mais il est à craindre que le dégoût du public pour les longs ouvrages, & le goût dominant de ce siécle pour la frivolité ne les empêche de poursuivre cette carriere.

348. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Le livre en question, s’il continue d’être ce qu’il est dans le premier volume, s’engloutira un jour tout doucement dans les œuvres complètes de l’auteur, et ne sera plus tiré par personne du rayon protecteur où les ouvrages qu’on ne lit plus se livrent à des somnolences éternelles. […] , l’auteur du Beau et du Vrai continue son hymne d’adoration imperturbable, comme s’il n’avait là devant lui que de nobles actes et de grandes vertus ! […] Mais, lorsque Louis XIII eut cessé d’exister, Anne d’Autriche, sous l’influence de Mazarin qui continuait la politique du grand Cardinal son maître, changea tout à coup de visée, comprit la France et brisa avec ses amis, qui n’étaient pas ceux de la patrie. […] Cousin trouvera toujours bien, à ce niveau d’intérêt et de moralité, des femmes plus ou moins charmantes, dont il continuera de nous vanter les vices… ou même les vertus !

349. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

C’est l’investigation scientifique, c’est le raisonnement expérimental qui combat une à une les hypothèses des idéalistes, et qui remplace les romans de pure imagination par les romans d’observation et d’expérimentation… C’est là ce qui constitue le roman expérimental : posséder le mécanisme des phénomènes chez l’homme, montrer les rouages des manifestations intellectuelles et sensuelles telles que la physiologie nous les expliquera, sous les influences de l’hérédité et des circonstances ambiantes, puis montrer l’homme vivant dans le milieu social qu’il a produit lui-même, qu’il modifie tous les jours, et au sein duquel il éprouve à son tour une transformation continue. Ainsi donc, nous nous appuyons sur la physiologie, nous prenons l’homme isolé des mains du physiologiste, pour continuer la solution du problème et résoudre scientifiquement la question de savoir comment se comportent les hommes, dès qu’ils sont en société… En somme, tout se résume dans ce grand fait : la méthode expérimentale, aussi bien dans les lettres que dans les sciences, est en train de déterminer les phénomènes naturels, individuels et sociaux, dont la métaphysique n’avait donné jusqu’ici que des explications irrationnelles et surnaturelles8. »‌ En résumé, de même que, suivant Claude Bernard, la « méthode appliquée dans l’étude des corps bruts, dans la chimie et dans la physique, doit l’être également dans l’étude des corps vivants, en physiologie et en médecine », de même, suivant Zola, la méthode expérimentale qui conduit à la connaissance de la vie physique, « doit conduire aussi à la connaissance de la vie passionnelle et intellectuelle. » « Ce n’est qu’une question de degrés dans la même voie, ajoute le romancier, de la chimie à la physiologie, puis de la physiologie à l’anthropologie et à la sociologie. […] Non seulement la littérature naturaliste est déterminée par la science, mais elle n’en est que le prolongement, elle s’identifie avec elle ; elle est de la science elle-même, si j’en crois cette phrase : « Nous continuons, je le répète, la besogne du physiologiste et du médecin, qui ont continué celle du physicien et du chimiste… Dès lors nous entrons dans la science. » Et cela, à mesure que l’idéal, qui « nous vient de nos premières ignorances », recule et décroît.‌

350. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Il faut de l’argent au père pour continuer ses expériences qui seront demain la fortune : ses amis l’ont refusé ; il s’adresse à l’aînée de ses filles et lui demande ses 50,000 francs ; elle aussi refuse, car ces 50,000 francs c’est le moyen d’assurer le pain de la vieillesse de son père qu’elle sait ruiné. […] De cette façon il héritera de ses deux filles, il aura leurs 100,000 francs à lui seul pour continuer ses expériences. […] On peut continuer quelque temps encore avant d’avoir épuisé la série des corps de métiers. […] On continuera cependant de le lire, non à cause de ses théories, mais en dépit d’elles, pour la vigueur de ses peintures, pour la puissance de ses conceptions, pour la façon magistrale dont il a souvent manié la langue française.

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